|  Propos recueillis en juillet 2004
DERNIÈRE SORTIE : "Antics" |
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|  |   |  |    | Par Renaud Martin | Photo D.R. |
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|  | C'est assurément l'événement rock de cette rentrée : deux ans quasiment jour pour jour après la sortie de "Turn on the Bright Lights", Interpol fait son grand retour avec "Antics", un deuxième album brillant, incisif et qui permet aux New-Yorkais d'établir définitivement le son "Interpol". Nous ne pouvions pas ne pas chercher à en savoir plus, et voici donc ce que le charismatique Carlos Dengler, bassiste de son état, a pu nous dire à propos de ce très bel album.
Que s'est-il passé pendant ces deux années qui ont suivi la sortie de "Turn on the Bright Lights" ? Tu veux dire, qu'est-ce qu'il ne s'est pas passé (rires) ! Et bien principalement, on a fait beaucoup de concerts, dans plusieurs festivals et tournées, dont pas moins de deux pour l'Europe et trois pour les États-Unis.
Quand, alors, avez-vous trouvé le temps nécessaire pour écrire ce nouvel album ? Après tout ça ! À part trois morceaux qu'on a écrit et joué pendant cette période, C'mere, Narc et Length of Love, on a véritablement commencé à composer en octobre 2003, une fois que tout était terminé côté tournées. On y a passé environ six mois, soit réunis ensemble, soit enfermés chacun chez soi.
Comment se déroule votre processus d'écriture ? Et bien Daniel commence par composer à la guitare tout seul chez lui. Il nous joue ensuite ce qu'il a écrit, et c'est de cette base qu'on part. En général, le résultat final finit par être très différent ! Et c'est ensuite, quand les morceaux sont terminés, que Paul emmène les enregistrements chez lui et écrit le chant et les paroles.
Pourquoi avoir repris A Time to Be So Small, un de vos anciens titres ? Ça me fait plaisir que tu connaisses ce titre ! Il vient en effet d'un de nos vieux EP. On avait l'habitude de beaucoup le jouer en live à New York à l'époque, mais on l'a laissé de côté quand on a sorti notre premier album. On l'a donc remis au goût du jour pour "Antics". D'ailleurs, je ne sais pas si tu as remarqué, mais la nouvelle version est très différente et bien meilleure à mon goût que l'originale, il y a tout un passage que nous ne faisons plus.
Avez-vous ressenti une quelconque pression pour cet album ? Vous attendiez-vous à un tel succès pour "Turn on the Bright Lights" ? Clairement, non, on n'avait pas du tout prévu ça, et tout a dépassé de très loin ce qu'on avait pu imaginer à l'époque. Du coup, oui, on a senti pas mal de pression, comme c'est souvent le cas pour un deuxième album. Mais franchement, je pense que nous avons fait du bon travail, je suis très confiant et très content du résultat.
Vous avez gardé un son très sombre et tendu. Avez-vous été tentés d'adoucir ou de formater votre musique pour le succès ? Non, jamais, même si je trouve qu'il y a quelques morceaux dans cet album qui ont un certain potentiel "radiophonique". Mais c'est quelque chose qui ne s'est absolument pas fait délibérément, on a vraiment écrit ce disque comme il venait, au feeling.
"Antics" est un album court, fait de morceaux courts également. Est-ce quelque chose de voulu ? C'est une bonne question. Même si on n'a rien décidé formellement à ce sujet, à l'époque où on a écrit "Antics", on rentrait de tounée, et on en avait tous marre du type de morceaux de notre premier album, qui duraient pour la plupart cinq ou six minutes. On voulait vraiment passer à autre chose, faire des morceaux plus courts, plus directs. C'est donc pour ça que la plupart des titres de "Antics" durent trois ou quatre minutes.
Pourquoi ce titre, "Antics" ("pitreries" en français) ? Je dirais que c'est un peu une façon pour nous de dédramatiser, de dire que nous ne nous prenons pas au sérieux, ou d'évacuer un peu cette pression autour de ce deuxième album.
Interpol a été beaucoup comparé à des groupes des années 80, comme Joy Division ou les Chameleons. Est-ce que ça a fini par vous agacer ? Absolument. Et on ne s'attendait vraiment pas à ça non plus, entendre tous ces gens évoquer tel ou tel groupe en nous écoutant, c'était vraiment bizarre. Et heureusement, c'est quelque chose qui arrive beaucoup moins maintenant que les gens et la presse nous connaissent et qu'ils prennent comme repère notre premier album. Mais on a pas mal souffert de toutes ces comparaisons. La seule que je trouvais acceptable, c'était celle avec Joy Division, à cause de la voix de Paul, même si musicalement, on fait vraiment quelque chose qui n'a rien à voir. Quant aux Chameleons, j'ai été fan de ce groupe, mais je ne pense pas que ce qu'on fait y ressemble particulièrement.
Interpol a réalisé plusieurs remixes pour d'autres groupes, comme celui pour le morceau Blue Jeans de Ladytron par exemple. Est-ce une activité qui vous intéresse ? C'est Paul qui a réalisé ce remix, et c'est naturellement devenu un remix d'Interpol. Mais c'est quelque chose qui nous intéresse beaucoup, oui, et à ce sujet, nous allons probablement sortir un EP de remixes après cet album où chacun de nous aura choisi un morceau et l'aura remixé.
Peux-tu nous dire un mot sur le concours que vous avez organisé sur votre site web ? C'est une idée du label en fait, il s'agissait de créer pour les fans des petits films vidéo qui évoquent pour eux l'univers d'Interpol. Ça a très bien marché et on a eu des résultats très intéressants. Les gagnants viennent d'un peu partout, de LA, New York ou Chicago, et les meilleurs films seront probablement diffusés sur une section spéciale de notre site.
Quel regard jetez-vous sur vos premiers EPs ? Je me souviens notamment du quatre titres "FuckID#3", qui avait un son très très dur. Décidément, tu connais bien notre dossier (rires). Je me souviens très bien de cet EP, et j'adore particulièrement la version de l'époque du morceau PDA. Celle qui est sortie ensuite avec notre premier album était plus riche et bien mieux produite, mais cette première version était tellement punk... Je me demande si ça n'est pas celle-là que je préfère....
Aimez-vous venir jouer en France ? Oui, nous avons une histoire particulière avec la France, qui à vrai dire a commencé avec notre passage à la Route du Rock en 2002, qui à l'origine n'était pas prévu et qui s'est décidé au dernier moment. Je ne sais pas pourquoi, mais il s'est vraiment passé quelque chose ce jour-là, et je me demande d'ailleurs si ça n'est parce que nous avons été annoncés en grand sur le site officiel du festival en dernière minute. En tout cas, les gens semblaient nous attendre, alors que nous étions quasiment inconnus. Deux mois plus tard, nous avons joué à la Boule Noire à Paris, pour le festival Off des Inrockuptibles, nous n'avions encore aucun album à proposer, juste deux EPs très limités. Malgré ça, on a été encore une fois très bien accueillis, presque mieux qu'à New York à l'époque ! C'est pour ça que la France est vraiment un endroit où nous aimons beaucoup jouer.
Et à New York ? Y'a-t-il pour toi réellement une scène new-yorkaise ? Il y en a une dans le sens où il y a beaucoup de bons groupes qui viennent de là-bas. Mais il y a un certain romantisme chez les gens qui ne sont pas de New York qui consiste à imaginer qu'il se passe là-bas quelque chose de très important. En réalité, nous sommes juste plusieurs groupes qui se connaissent, et qui jouent régulièrement ensemble. Mais de là à appeler ça une scène...
Vous avez participé cet été à la tournée américaine de The Cure baptisée Curiosa, aux côtés de groupes comme Mogwai ou The Rapture. Comment avez-vous été amenés à faire partie de cette affiche prestigieuse ? Et bien c'est Robert Smith qui m'a appelé un matin et qui m'a demandé ce que je faisais cet été (rires). Non, sérieusement, ça s'est décidé par l'intermédiaire de nos managements respectifs, mais il semblerait que ce soit bien Robert Smith qui ait choisi les groupes. C'est évidemment un immense honneur pour nous, je suis le plus grand fan de The Cure d'Interpol, et c'est peut-être le groupe qui m'a personnellement le plus inspiré jusqu'ici.
Qu'est-ce qui vous attend après ces festivals ? Nous revenons en Europe pour quelques dates, et notamment pour une Black Session ici à Paris, comme il y a deux ans. Et ensuite, en octobre, nous entamerons notre nouvelle tournée américaine. |  |  |  | | |  | |
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