|  Propos recueillis en août 2004
DERNIÈRE SORTIE : OuMuPo vol. 1 |
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|  |   |  |    | Par Renaud Martin | Photo Johnny Volcano |
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|  | Alors qu'il semblait avoir définitivement enterré les expérimentations électroniques de Third Eye Foundation pour se consacrer à une musique plus mélodique et moins rythmique sous le nom de Matt Elliott (on ne s'est d'ailleurs toujours pas remis du splendide "The Mess We Made"), voici que le jeune prodige de la scène electronica anglaise ressuscite le nom de Third Eye Foundation le temps de quelques prestations live parisiennes et de la sortie d'une compilation de remixes pour la collection "OuMuPo" du label français Ici d'ailleurs. Renaissance ou chant du cygne ? Nous avons donc voulu en savoir un peu plus. Entretien.
Quel regard portes-tu sur tes années Domino, et pourquoi as-tu quitté ce label si prestigieux ? Je suis parti pour plusieurs raisons, la principale étant qu'après huit années passées avec eux, j'avais envie de voir comment d'autres labels pouvaient travailler, et puis comme ça devenait de plus en plus évident que Domino jouait sur le terrain des majors, j'ai décidé de partir. Mais je suis très heureux d'avoir travaillé avec eux, c'est vraiment un label unique. Ils m'ont toujours encouragé à faire la musique que je voulais, sans jamais tenter de m'influencer : j'ai vraiment eu une liberté artistique totale, et c'est la chose la plus importante qu'un musicien puisse avoir. On a eu une longue relation et je leur souhaite toute la réussite possible.
Comment as-tu été amené à travailler avec le label Ici d'ailleurs ? J'ai commencé à travailler avec eux il y a un moment déjà, ça devait être en 99, pour mon remix du morceau La Dispute de Yann Tiersen. Ils l'avaient vraiment beaucoup apprécié, alors que je pensais qu'ils allaient s'attendre à quelque chose de plus bruyant et plus rythmé, comme Third Eye Foundation pouvait sonner à l'époque. Voilà comment tout a débuté avec eux. Et puis, comme je vis en France maintenant, et que la plupart de mes fans sont français, être sur un label français était devenu évident pour moi. Et enfin, j'ai toujours aimé leurs disques.
Tu assures la partie musicale du premier volume de la collection OuMuPo. Comment as-tu été amené à travailler sur ce projet ? Et bien, Stéphane d'Ici d'ailleurs et moi avions parlé de ce projet avant même que je signe sur son label. Je crois que l'idée de m'y faire participer lui est venue à cause de ce remix de Yann Tiersen. En tout cas, je suis très heureux d'en faire partie, c'est un projet très intéressant.
N'aurais-tu pas préféré réaliser un premier album sur ce label d'abord ? Quelque part oui, mais mon emploi du temps en a décidé autrement. J'étais bien en train de travailler sur des nouveaux morceaux quand l'OuMuPo a commencé. Mais comme j'avais besoin d'équiper mon studio de nouvelles machines et que j'avais commencé à tourner, je me suis mis à travailler pour ce projet. Et puis sortir un album aurait en plus impliqué d'autres personnes qui n'étaient pas disponibles à cette époque... c'était donc plus facile de faire les choses dans cet ordre.
Qu'as-tu pensé du principe de ce projet, et comment as-tu géré les contraintes qui t'ont été imposées ? Je l'ai pris comme un défi. C'était certes un peu frustrant de ne pouvoir utiliser que quelques morceaux seulement, mais à côté de ça, il y avait tellement de choix que ça n'était vraiment pas un problème de trouver de la matière !
Comment as-tu travaillé avec Jochen Gerner ? Séparément. En fait, je n'ai fait que voir l'artwork une fois finalisé.
Tes remixes sont fortement imprégnés de tes sonorités. Quelle est la différence pour toi entre remixer et composer ? Et bien, quand je compose, les idées viennent vraiment directement de mon esprit, du début à la fin. Remixer par contre, c'est comme rencontrer quelqu'un, puisque la moitié des idées ne viennent pas de toi et qu'il faut composer avec. Enfin, dans une certaine mesure, selon ce que tu veux faire.
Es-tu satisfait de la direction qu'a pris ton travail depuis ton dernier album, "The Mess We Made" ? Oui, absolument. Je ne suis pas sûr que ça soit le cas de tout le monde, mais pas mal de gens, à mes concerts ou même par e-mail, m'ont dit avoir aimé ce disque. Je considère la musique comme un moyen de communication, une sorte de transmission d'émotions par télépathie, alors quand quelqu'un cherche à me contacter et à me dire que, quelque part, je l'ai touché, c'est quelque chose qui compte beaucoup pour moi.
Tu as sorti "The Mess We Made" sous le nom de Matt Elliott. Mais avec cette compilation, ainsi que lors de ton dernier passage à Paris (en première partie de Mono), il semblerait que tu utilises de nouveau le nom Third Eye Foundation. Peux-tu nous dire où tu en es exactement ? J'ai utilisé le nom de Matt Elliott pour "The Mess We Made" afin de bien signifier, que ce soit pour moi-même ou pour le public, que ce n'était pas un album de "beats & noise" comme ceux de Third Eye Foundation. Je suis vraiment lassé de programmer des rythmes, et j'ai voulu avec ce disque m'essayer à des choses plus mélodiques et émotionnelles. Stéphane d'Ici d'ailleurs a voulu que le premier volume de son projet soit signé Third Eye Foundation, alors je l'ai laissé l'appeler comme ça, ça ne me posait pas de problème. En ce qui concerne mon concert à Paris, mon violoncelliste n'était pas disponible à ce moment-là, et j'ai pensé que les fans de Third Eye Foundation seraient contents de m'entendre jouer ces sons à plein volume, c'est tout. En tout cas, je ne compte pas pour l'instant refaire d'album sous ce nom.
Tu as fait ce soir-là un set laptop, très différent du concert que tu avais donné l'année dernière avec ton violoncelliste Chris Cole pour "The Mess We Made"... Oui, et pourtant, je déteste ce type de sets "laptop", ainsi que tout ce qui va avec. La seule chose qui m'intéressait ce soir-là était de jouer très fort, et ça a pu être possible grâce à la salle et au matériel. J'ai eu une période où j'ai fait beaucoup de concerts laptop, et je m'ennuyais vraiment. Je me souviens avoir croisé Mogwai un soir, juste après un de leurs concerts à Bristol, ils avaient l'air si exaltés que je me suis demandé pour quelle raison je ne me sentais pas dans cet état moi aussi après mes concerts. J'ai réalisé que derrière mon ordinateur, je ne prenais aucun risque et qu'il n'y avait absolument aucune communication avec le public. Quand j'ai tourné pour "The Mess We Made", chaque soir était très différent, et j'ai trouvé ça terriblement plus épanouissant.
Que peux-tu nous dire sur ton prochain album ? Et bien ça sera bien entendu un disque de Matt Elliott, et a priori, je n'utiliserai pas ou peu de rythmes, même si j'envisage de rajouter quelque part un morceau bonus de "beats & noise" à la Third Eye Foundation d'une vingtaine de minutes. Pour l'instant, j'en suis encore à la phase de mixage, et si tout va bien, il devrait être prêt pour début 2005.
Tu vis toujours en France ? Oui, et j'y suis très heureux, je n'y retrouve rien de ce que je détestais à Bristol. Je n'ai pas à me plaindre de quoi que ce soit, à part de ce con de Raffarin qui a tendance à me gonfler sérieusement. Mais comme tu le sais, les politiciens sont tous pourris malheureusement, surtout ces derniers temps.
Peut-on s'attendre à voir réédité "Semtex", ton premier album ? C'est marrant, Maarten Schermer, celui qui s'occupe de mon site web, parlait justement d'en faire une réédition. Je crois qu'il est en train d'étudier ça.
Quels sont les groupes qui t'ont donné envie de faire de la musique ? J'ai beaucoup aimé le premier LP de Matt Johnson, ainsi que My Bloody Valentine bien sûr. J'ai été obsédé par beaucoup de groupes en fait, mais je me souviens surtout d'être un jour allé, quand j'avais sept ans, dans une église russe et d'y avoir entendu des choeurs religieux tout bonnement magnifiques, qui m'ont sur le coup donné envie de pleurer. Un moment inoubliable qui m'a donné envie de comprendre comment on pouvait écrire de la musique aussi belle.
Pour finir, qu'écoutes-tu en ce moment ? Pour être honnête, j'écoute de moins en moins de choses ces derniers temps. Je pense que quand on compose beaucoup, on a tendance à s'écarter un peu de l'actualité musicale, et il devient difficile d'écouter de la musique sans poser dessus un regard d'analyste. Cela dit, j'ai entendu des choses vraiment intéressantes sur des labels comme Active Suspension ou Clapping Music qui sont sur le point de sortir des disques étonnants. J'aime déjà beaucoup l'album "Flux" de Encre. Ce sont vraiment les meilleurs labels que j'ai entendu depuis un bon bout de temps, et il m'ont presque rendu mon enthousiasme. J'aime également beaucoup Directorsound, la première fois que je les ai entendus, j'e n'en croyais pas mes oreilles. Rien chez eux n'est interprété de manière "parfaite", et le fait que je trouve ça si bon a remis beaucoup de choses en cause pour moi. Tout ce dont j'essayais de me débarrasser dans ma musique était là, et le fait que j'aime leur son m'a démontré que mes sentiments vis-à-vis de mon travail n'étaient pas forcément les bons, et que ce qui pouvait sonner comme une erreur pour moi pouvait tout à fait apparaître intéressant pour quelqu'un d'autre. |  |  |  | | |  | |
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