|  Propos recueillis en juillet 2004
DERNIÈRE SORTIE : "Cabin in the Sky" |
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|  |   |  |    | Par Delphine Payrot | Photo D.R. |
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|  | Formé il y a vingt-cinq ans à San Francisco puis émigré en Europe au début des années 80, Tuxedomoon a toujours été l'objet d'un véritable culte. Se nourrissant d'un spectre musical extrêmement large, le groupe a su créer un style incroyablement original qui leur a valu une légion de fans. Après une interruption de quelques années, Tuxedomoon revient sur le devant de la scène avec un superbe album, "Cabin in the Sky", fruit de la récente reformation de ses trois fondateurs, Steven Brown, Peter Principle et Blaine Reininger.
Depuis la séparation du groupe qu'avez-vous fait chacun de votre côté ? Peter : En réalité il n'y a jamais vraiment eu de séparation. Nous avons continué à travailler plus ou moins ensemble. Même après la tournée de 88 nous avons continué à partager des idées à Bruxelles jusqu'à ce que je parte en 91, et repris en 96 à Mexico avec Joeboy. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais j'ai été ingénieur du son et producteur, j'étais associé dans une société d'équipement audionumérique… et plus tard développeur de site web. Je suis compositeur de musique de film et de théâtre, jusqu'ici je n'ai fait que trois albums de ce genre, et j'ai été interprète dans un certain nombre de collectifs new-yorkais. J'ai formé mon propre groupe Ecco Bravo dans lequel je joue de la guitare et j'ai fait quelques concerts solo d'improvisation de basse. J'ai fait une tournée avec le guitariste avant-gardiste Phil Kline et la chanteuse Anna Domino, le fabricant d'instruments Bradford Reed et Patrick Miller (Minimal Man). J'ai joué dans un groupe éphémère (Pookah) avec Bond Bergland de Factrix et Freddy Mutant, des vieux jours de San Francisco… Steven : En ce qui me concerne le split a été tellement traumatisant que j'ai quitté Bruxelles (après y avoir passé douze ans) et j'ai parcouru la moitié du monde jusqu'à Mexico où j'avais cru comprendre que je pourrais me retirer et vivre avec une pension d'artiste… j'étais mal informé et j'ai du continuer de travailler. J'ai formé un groupe avec Nikolas Klau et quelques Mexicains qui s'appelait Ninerain et nous avons réalisé deux CD. On a depuis fait la musique du pavillon Mexicain de la foire de Hanovre 2000, on a joué à Berlin à la Haus de Welt Kultur, à St Petersbourg, sorti une compilation sur le label Neo Acustica.
Qu'est devenu Winston Tong ? Peter : Il vit à San Francisco, il a récemment joué avec le groupe Factrix reformé à l'occasion d'une célébration du magazine Research (magazine culte de la scène industrielle -ndlr) Steven : Il traduit en anglais de l'obscure poésie française. Au fait, pourquoi vous étiez-vous séparés à l'époque alors que Tuxedomoon avait pas mal de succès ? Peter : J'ai oublié mais comme je l'ai dit nous n'avons jamais considéré le groupe comme terminé, mais nous l'avons "mis sur étagère" de temps à autre. Ça s'était déjà produit avant 88. Steven : De temps en temps tu as besoin de faire un break.
Qu'est-ce qui a motivé votre reformation ? Peter : Nous voulions découvrir de nouveaux morceaux à la façon Tuxedomoon et nous savions que nous étions les seuls à pouvoir rendre cela possible. Steven : Nous avons réalisé qu'il y avait toujours cette alchimie entre nous et qu'il y avait encore un public qui s'intéressait à nous.
Quel est la part de chacun de vous sur l'album "Cabin in the Sky" ? Comment composez-vous vos morceaux ? Peter : Comme un collectif anarcho-syndicaliste. Pour travailler ensemble nous avons établi une méthode qui au fil des années a seulement évolué par l'apport des nouvelles technologies. La méthode reste la même. Nous enregistrons des improvisations tous ensemble dans une pièce puis l'un ou l'autre d'entre nous écoute les bandes de ces impros et trouve des idées qui pourraient se transformer en quelque chose qui peut être enregistré formellement ou joué live avec une liberté d'interprétation qui peut être plaisante pour les joueurs. Nous affinons et combinons les idées jusqu'à ce que nous soyons satisfaits du résultat. Bien sûr, il y a entre nous des rôles habituels, mais rien de très formalisé. Steven : Effectivement en général on travaille ensemble. On improvise pendant des jours, puis on choisit les parties que nous aimons et on les peaufine… ou non.
Quelle a été votre démarche de conception sur cet album, les idées directrices ? Peter : Le concept viscéral qui tient l'album est la ville de Cagli où il a été écrit et enregistré, mais sinon il n'y a pas de thème sous-jacent. Steven : Ce concept a pris corps de lui-même pendant la production.
Comment faites-vous pour travailler ensemble alors que vous êtes aujourd'hui dispersés géographiquement. Peter : De manière évidente il nous faut être au même endroit avec un peu de temps libre et une pièce pleine d'équipement. Les complications logistiques font que nous ne pouvons pas faire ça très souvent et très longtemps. Ces limitations, bien que déplaisantes, apportent une résistante qui fait partie du processus créatif. Steven : On est le premier groupe "pan-post-national".
Il se trouve que Minimal Compact vient également de se reformer pour faire une série de concerts et a sorti récemment une compilation sur le label Crammed. Avez-vous gardé des contacts avec eux ? Y-a-t-il une influence entre vous ? Peter : Il n'y a pas de rapport avec eux, en tout cas pas dans le sens que tu suggères. On a joué au moins 25 concerts dans le monde entier depuis qu'on a joué ces deux concerts à Tel Aviv en 97, si c'est le moment et l'endroit où on peut dire que le groupe s'est reformé. Par coïncidence, Naomi, la femme de Rami Fortis, nous avait invité à ce festival, et ils ont donc joué un rôle indirect dans cette reformation. Steven : J'ai l'habitude de voir Samy au bureau de Crammed. J'aime d'ailleurs beaucoup sa série "Freezone". Je l'ai vu au Botanique à Bruxelles et au Bataclan à Paris en septembre dernier pour le vingtième anniversaire de Crammed. Mais ça fait un moment qu'on n'a pas fait de choses ensemble.
Quel a été la contribution de Aksak Maboul (Hollander et Kenis) sur votre dernier album et quels sont vos rapports avec le label Crammed ? Steven : Aksak Maboul alias Marc et Vincent sont des éléments clé dans chaque production Crammed. Peter : Ils sont sont essentiels à la fois pour leur énergie et leur enthousiasme. Marc nous recommande les artistes avec qui collaborer et Vincent nous apporte son oreille aguerrie. Ils étaient présents pour les sessions de mixage à Athènes et à Bruxelles.
Qu'est-ce qui a motivé la participation d'autres artistes comme Tarwater, John McEntire, Marc Collin, Juryman ou DJ Hell ? Quelle a été leur contribution sur cet album ? Peter : Dj Hell est un peu à part. C'est lui qui nous a contacté en premier. Nous travaillons ensemble depuis 2000, nous avons fait une tournée en Autriche et en Allemagne pour promouvoir un projet de remixes qu'il avait lancé, on était en chemin pour jouer en Serbie et en Russie. Il est venu nous voir en 2001 lorsque nous étions à Cagli et nous a donné quelques pistes rythmiques. Deux d'entre elles sont sur le disque, Luther Blisset et Here till Xmas. Les autres personnes nous ont été suggérées par Marc Hollander. Chaque cas était différent artistiquement, mais en gros on a envoyé des masters multipistes à Juryman, Tarwater et McEntire et ils nous ont renvoyé leurs "impressions". Il y a eu une exception avec Marc Collin, on l'a fait venir en studio à Bruxelles où on terminait les enregistrements et on a passé en revue sa bibliothèque de sons. On en a choisi certains qu'on a mis dans différents morceaux. Son influence est plus diluée en un sens mais bien présente. Steven : Tarwater a fait un super "redux" d'Anunciato que Peter a préféré mettre sur l'album plutôt que de le garder pour un prochain remix. Je pense que ça a très bien fonctionné. DJ Hell est venu en Italie et a travaillé avec nous une nuit. Lui et Marc Collin sont les seuls avec qui on a passé du temps. J'aime vraiment la manière dont Juryman a transformé Chinese Mike.
Tuxedomoon a toujours été un groupe à géométrie variable, est-ce que cela va continuer ? Peter : Probablement pas, mais qui sait... on pourrait très bien ajouter quelqu'un un jour. Steven : Si un jour on gagne plus d'argent j'aimerais qu'on soit plus nombreux... en gardant bien sûr le noyau des quatre.
J'ai raté votre dernier concert à Paris en juin dernier. Aura-t-on la chance de vous revoir prochainement à Paris ? Y-a-t-il une tournée prévue ? Steven : On jouera le 24 septembre au festival Villette Numérique et peut-être plus à venir.
Quels sont les futurs projets de Tuxedomoon ? Êtes-vous toujours attirés par la conception de musique pour des films, des ballets ou des performances ? Steven : Nous sommes déjà en train de travailler sur un nouveau CD. On s'ennuie assez rapidement lorsqu'on ne fait rien ! Peter : Nous espérons commencer bientôt un nouveau projet d'écriture dans l'intention de sortir assez rapidement un album. Nous avons déjà commencé. Comme tu l'as vu, cela demande de la coordination. |  |  |  | | |  | |
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