Propos recueillis
en août 2004


DERNIÈRE SORTIE :
"The Greater Wrong of the Right"


SITE OFFICIEL :
www.skinnypuppy.com

LABEL :
www.spv.de
Par Bertrand Hamonou  
Photos Austin Young  

Cevin Key est quelqu’un de plutôt loquace dès lors qu’il s’agit de parler de son parcours musical. C’est au cours d’un entretien matinal que ce poli Canadien basé à Los Angeles a évoqué avec nous les rencontres qui ont compté, depuis ses débuts jusqu’à l’inespéré "The Greater Wrong of the Right" sorti cet été. Plus motivé que jamais et soutenu par le label SPV, il le dit lui-même : Skinny Puppy est revenu d’entre les morts pour de bon. La preuve.

Comment s’est passée la tournée européenne?

Jusqu’ici, tout s’est très bien déroulé. Nous avons passé de très bons moments. Lorsque nous sommes venus à Paris, nous avons pu faire un peu de tourisme avec Ogre, nous avons pris le métro et sommes allés au cimetière du Père Lachaise. J’ai dû rêver de faire ça toute ma vie, je ne sais d’ailleurs pas trop pourquoi, sans doute à cause de Jim Morrison (rires). Et je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi magnifique ; ça reste vraiment un très bon souvenir. Mais pour tout te dire, la ville européenne que je préfère en été, c’est Amsterdam.

À propos de la tournée, qu'est supposée représenter la tenue que portait Ogre au début du concert ?
Je ne sais pas ce que c’est censé être (rires) ! Je ne sais même pas comment nous l’appelons ; c’est une sorte d’homme oiseau, c’est à vrai dire quelque chose qui est encore en développement.

Comment avez-vous sélectionné les chansons qui se sont retrouvées sur la set-list ?
Nous voulions proposer un show qui nous corresponde et qui montre où le groupe en est aujourd’hui. Nous savons que les fans aiment des chansons comme Assimilate ou Dig It, mais elles sont assez difficiles à jouer, et elles valent bien moins le coup à jouer en live que d’autres. De plus, dans Assimilate il y a un petit quelque chose d’inhabituel, nous avons essayé de l’adapter, mais sans y parvenir. Nous avons le même genre de problème avec d’autres morceaux comme Hexonxonx, mais nous finirons bien par trouver comment les jouer correctement.

Est-ce que cette tournée à été filmée ?
Oui, la majeure partie en tout cas. À ce propos, nous sommes sur le point de démarrer la seconde partie de la tournée, qui sera en fait plus longue que la première, avec deux fois plus de dates prévues, dont trente aux USA (cette seconde partie commence le 14 octobre aux USA -ndlr). Nous reviendrons en Europe entre novembre et décembre, avec probablement un nouveau passage à Paris. Et nous pensons filmer encore plus de concerts.

Et qu’en est-il du projet de DVD du concert du Doomsday d'août 2000 ?
En ce moment, nous rassemblons les différents enregistrements de ce concert, et nous devrions l'accompagner d'un film conceptuel. Ce travail va être réalisé tout au long de cette nouvelle tournée dont je viens de te parler.

Maintenant que tu es de retour avec Skinny Puppy, vas-tu continuer tes projets parallèles comme Download et Tear Garden, ou bien vas-tu les mettre de côté pour quelque temps ?
En ce moment, l’intérêt général est plutôt intense autour de Skinny Puppy, donc je pense que nous allons continuer à nous investir à 100% dans le groupe Ogre et moi. Ça ne veut pas dire que je ne veux plus travailler avec Download ou Tear Garden dans le futur, mais j’espère me dévouer à Skinny Puppy pour les années qui viennent (rires). Nous avons joué avec les Legendary Pink Dots à Amsterdam en juillet dernier, et j’ai discuté avec Edward Ka-Spel sur la possibilité de sortir un nouvel album de Tear Garden tout en impliquant Ogre dans ce projet, comme nous l’avions fait sur le titre You and Me and Rainbows (sur "Tired Eyes, Slowly Burning", le premier album de Tear Garden sorti en 1987 -ndlr). L’idée serait de ne pas séparer le groupe, mais de rassembler tout le monde. Nous voulons le faire de la manière la plus juste possible, il faudra donc qu’on s’y prépare correctement, mais nous ne savons pas encore quand. Pour l’instant, ma priorité est donc donnée à Skinny Puppy, nous allons faire d’autres albums.

Sur les photos réalisées par Austin Young pour "The Greater Wrong of the Right" vous ressemblez à deux personnes revenues d’entre les morts. Est-ce que c'est l'impression que vous vouliez donner ?
En fait, c’est un peu le cas (rires) ! Nous revenons d’entre les morts, Ogre et moi, non ? Je pense que ces photos sont appropriées, et même si nous y avons parfois l’air heureux, nous avons passé des moments assez difficiles par le passé.

Existe-t-il des morceaux enregistrés pendant les sessions de "The Greater Wrong of the Right" qui ne se sont pas retrouvés sur l’album ?
Je crois que tous les morceaux que nous avons terminés sont sur le disque. Il y a bien entendu beaucoup de démos que nous n’avons pas achevées, puisque nous avons travaillé sur quarante titres, mais aucun des autres ne fonctionne. Il y a bien Optimissed, que nous avons enregistré pour la bande originale du film "Underworld"... Je pense que je vais le refaire, car j’ai le sentiment que nous ne l’avons pas réellement terminé. Il sonne plus comme une démo à mon sens.

Comment avez-vous choisi les collaborateurs comme Otto Von Schirach ou StatiK de Collide, qui ont participé à l’écriture de "The Greater Wrong of the Right" ?
La plupart d’entre eux sont des amis, et nous avions déjà eu des discussions animées à propos de Skinny Puppy par le passé. Idéalement, nous projetions de faire quelque chose ensemble, d’une manière ou d’une autre. Certains des ces amis étaient vraiment motivés, et ils ont fini par travailler sur l’album au stade préliminaire des instrumentaux.

Combien de temps cela a-t-il pris pour finir cet album ?
Nous avons fait notre concert à Dresden en Allemagne en août 2000, et après le show, nous avons tout de suite commencé à envisager de rejouer ensemble. Puis nous en sommes arrivés à nous dire que nous devrions peut-être commencer par faire un nouvel album, pour être plus actuels. Nous ne savions pas combien de temps cela nous prendrait, même si nous savions qu’il nous fallait d'abord trouver un manager afin de nous aider à trouver une maison de disques. Ça nous a pris quelques années de plus que ce que nous pensions... Nous avons donc commencé en 2001 et nous avons terminé l’album à la fin 2003. Nous ne savions pas exactement quelle direction prendre avec SPV, notre nouveau label, mais maintenant que nous savons comment cela fonctionne avec eux, ça prendra moins de temps la prochaine fois. Par le passé, nous avons appris à nos dépens qu'on peut avoir un gros contrat avec une grosse maison de disques et que la situation soit infernale. Les problèmes que nous avons pu avoir avec American Recordings à l’époque de "The Process" nous ont vraiment appris à nous méfier. Nous nous devions donc de trouver un label qui connaisse ce que nous faisions et qui sache exactement qui nous étions. Ce n'a pas été le plus facile. Les gens de SPV nous ont montré beaucoup d’intérêt, ils voulaient réellement travailler avec nous, sortir plusieurs versions de l’album ainsi qu’un DVD. Et c’était ce que nous recherchions. Ils nous ont approchés comme des fans, en nous disant qu'ils voulaient sortir six versions de l’album, nous leur avons répondu que nous ne pouvions pas en faire six (rires) et ils nous ont laissé faire ce qu'on voulait. Je ne pense pas avoir jamais vécu une telle situation, avec un disque qui me semble avoir l’air convenable, qui sonne parfaitement. Je dois applaudir les gens de SPV, car ils nous ont vraiment facilité le travail. Ce qui est sûr, c’est que le prochain album de Skinny Puppy sortira aussi sur SPV.

Sais-tu si Ogre va sortir un troisième album de son projet OhGr avant le prochain Skinny Puppy ?
Je ne pense pas qu’il y ait un autre album d’OhGr de prévu. Mais comme je te l’ai dit, en ce moment nous sommes tous les deux concentrés sur Skinny Puppy.

Avec le retour de Skinny Puppy, il y a eu beaucoup de biographies publiées dans les magazines, faisant toutes état de la présence de Bill Leeb au sein de Skinny Puppy dans les années 80. As-tu suivi ce que son groupe, Front Line Assembly, est devenu au fil du temps ?
Bill et moi sommes toujours amis, même si je ne le vois plus très souvent car nous vivons aujourd’hui dans des villes éloignées, lui à Vancouver, et moi à Los Angeles. Je le connais depuis très longtemps et je suis très heureux de voir ce qu’il est devenu. Il s’en est vraiment bien tiré, bien mieux que ce à quoi j’aurais pu m’attendre quand je l’ai rencontré pour la première fois. À l’époque, nous étions simplement de bons amis qui sortent ensemble. J’étais alors dans un autre groupe, et dès que j’ai commencé Skinny Puppy avec Ogre, Bill était le type le plus bruyant dans le public, et il aimait avec passion la musique électronique. C’était la personne idéale pour t’inspirer, même s’il ne jouait pas vraiment d'instrument à ce moment-là (rires). Bill voulait acheter un synthétiseur, alors je l’ai accompagné et on lui a acheté un mini Moog. Il a travaillé sans relâche sur cet appareil jour et nuit, et avant la fin de la première semaine, il exprimait déjà un certain talent naturel, il apprenait et évoluait plutôt vite. Je pense que le seul problème que l’on ait rencontré avec lui fut à l’époque de notre première tournée avec Skinny Puppy. Il participait à cette tournée qui était incroyable, du genre de la pire qualité de vie que tu peux imaginer : il fallait dormir par terre, voyager dans un camion et on tombait malade en plein milieu de l’hiver. Bill n’a pas supporté ça, et craignait la seconde tournée qui avait été rapidement planifiée par Nettwerk. Je savais que nous allions repartir sur la route, et j’ai dit à Bill : "il y a des chances pour que tu ne repartes pas en tournée avec nous, pas vrai ?". Ce à quoi il a répondu : "il y a de grandes chances, en effet !" (rires). J’ai alors rajouté : "tu sais, nous allons devoir trouver quelqu’un qui s’accommode des tournées", et il m’a dit "OK, je comprends parfaitement". En plus, il venait juste de rencontrer sa femme à ce moment-là, il y avait donc toutes les raisons du monde pour qu’il ne vienne pas en tournée avec nous. J'ai alors rencontré Dwayne, alors que nous partagions l’affiche avec son groupe du moment sur cette tournée, et il a commencé à s’impliquer dans Skinny Puppy. Je savais que Bill continuait plus ou moins, mais je n’avais pas vraiment pensé qu’il arriverait là où il en est aujourd’hui !

Peux-tu nous en dire davantage sur ton parcours de musicien, comment as-tu commencé en tant que batteur pour ensuite devenir un pionnier de l’électro-indus ?
En fait, j’ai plus ou moins commencé la batterie, le piano et l’orgue en même temps, puisque j’avais un orgue avec une boîte à rythmes intégrée. J’ai fait partie de pas mal de groupes de reprises pendant des années. Vers 1978, j’ai formé The Fuck Brothers, qui selon moi était punk avant le punk. J’avais un ou deux disques, mais je me les suis malheureusement fait voler il y a longtemps. Ensuite mon père m’a envoyé au Japon, où je me suis retrouvé exposé à la naissance de la new wave. Là-bas, ils écoutaient Kraftwerk, ainsi que Japan. En rentrant, je suis passé dans un tout autre groupe (rires) ! C’était en gros un clone de Japan qui s’appelait Images In Vogue, et avec lequel j’ai beaucoup appris. Nous avons beaucoup tourné avec Roxy Music, Duran Duran, et j’ai pu apprendre tout ce que je ne voulais plus jamais faire une fois que je serai dans un autre groupe. Quand j’ai fondé Skinny Puppy, c’était donc uniquement pour le plaisir, et nous nous sommes tellement amusés que nous avons continué. Officiellement, Skinny Puppy est né en 1983. Ogre et moi, nous nous sommes rencontrés lors d’une fête quand nous avions 23 ans. J’avais l’idée d’un morceau qui est par la suite devenu le titre K-9, et j’ai dit à Ogre : "pourquoi ne fais-tu pas les vocaux sur ce morceau ? tu m’as l’air parfait pour ça". Ça a été une bonne idée de ma part, car il n’avait jamais été dans aucun groupe auparavant, et j’ai eu de la chance de remarquer qu’il était un type intelligent avec une image forte. Il s’est totalement investi dans ce projet. À cette époque, nous étions influencés par des groupes tels que Throbbing Gristle et Cabaret Voltaire.

Pour finir, peux-tu me dire quelles sont les prochaines étapes pour Skinny Puppy ?
Plusieurs versions de "The Greater Wrong of the Right" sont sur le point de sortir cet automne : le vinyle arrive, puis ce sera au tour d’un CD de remixes qui sera inclus avec la troisième version rééditée du CD.