|  Propos recueillis en juillet 2005
DERNIÈRES SORTIES : "By Pass" / "Try Out" (rééditions) |
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|  |   |  |        | Par Christophe Lorentz | Photos Samuel Carnovali |
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|  | Cela faisait presque trois ans que des rumeurs couraient : KaS Product allait se reformer, revenir sur scène, refaire un album… Puis une autre rumeur venait contredire celles-ci : Spatsz et Mona Soyoc n’arrivaient pas à s’entendre, la reformation n’aurait pas lieu. Début 2005, de nouvelles rééditions (après celles de Last Call en 1995) des albums "By Pass" et "Try Out" avaient néanmoins réveillé notre curiosité. Puis la nouvelle tomba : KaS Product allait se produire pour un concert exceptionnel de réunion dans le cadre du festival Les Eurockéennes de Belfort ! Une telle occasion de voir (ou de revoir, pour les moins jeunes) ce duo culte de la new-wave (cold-wave ? post-punk ? électro-pop ?) hexagonale ne pouvait pas se manquer. D’autant que KaS Product risquait fort de remettre les pendules à l’heure, alors que l’electroclash piochait joyeusement dans ses sonorités analogiques minimalistes, ses rythmes frénétiques et sa voix féminine sexy et cinglante à la fois. Le 2 juillet 2005, le groupe a offert une prestation impeccable, tant au niveau de l’interprétation des morceaux (qui sonnaient quasiment "comme à l’époque") qu’au niveau de la performance de Mona, chanteuse féline n’ayant rien perdu de son énergie et de son imagination. Le tout sur des projections vidéo d’images fractales inédites réalisées par Spatsz lui-même pour l’occasion. Le lendemain, nous étions face au couple pour une courte interview, prélude à la traditionnelle conférence de presse officielle, afin d’en savoir un peu plus sur cette résurrection inespérée.
KaS Product s’est séparé officiellement en 1988. Qu’avez-vous fait à partir de cette date jusqu’à aujourd’hui ? Spatsz : De mon côté, je suis toujours resté dans la musique. Je suis compositeur dans différents domaines, depuis la danse jusqu’aux musiques de publicités ou de génériques télé. J’ai aussi travaillé avec Alain Bashung, puis en collaboration avec Laurent Petitgand sur deux films de Wim Wenders : "Par delà les nuages", qu’il a fait avec Antonioni, et un film pour le centenaire du cinéma pour lequel Laurent et moi jouions en live devant l’écran, et avec lequel nous avons fait une tournée européenne. Mona Soyoc : Moi aussi je suis restée dans le domaine de la musique, en multipliant les expériences, notamment avec des musiciens de musique contemporaine. J’ai fait beaucoup d’improvisation, mais aussi des musiques de pub et des chansons pour enfants. Mais pas sous le nom de Mona Soyoc…
Quelle avait été la raison de la séparation du groupe ? Mona : Je crois simplement qu’on en avait un peu marre. On avait fait le tour et on avait envie de vivre autre chose. Spatsz : On était parti de l’autoproduction, avec nos deux premiers 45 tours, et nous avons accédé progressivement au fait de pouvoir faire des tournées, enregistrer des albums… Nous ne voulions pas rentrer dans un schéma "disque, tournée, disque, tournée". Donc, à un moment, on a décidé d’arrêter tout ça un peu brutalement, parce que nous voulions passer à autre chose. Mona : De toute façon, même si la musique est quelque chose d'important, ce n’est qu’une petite part de notre vie. Et à l’époque, il n’y avait plus que ça, on a eu envie de changer. Spatsz : C’était une histoire qui avait duré assez longtemps, nous avions aussi besoin de vivre, tout simplement ! Et puis, on ne s’en rend pas trop compte aujourd'hui, mais à l’époque, le fait d’utiliser des machines sur scène demandait beaucoup plus d’énergie et de travail quotidien qu’aujourd’hui. Il n’y avait pas l’informatique et tout ce support que l’on a actuellement.
Qu’est-ce qui a motivé cette reformation de KaS Product ? Spatsz : En fait, je faisais partie du jury du tremplin des Eurockéennes de Belfort, et le programmateur du festival m’a proposé de reformer KaS Product. On a mis un certain temps à se décider, parce qu’on ne se voyait plus trop, Mona et moi, ces dernières années. Nous avions refait plusieurs morceaux ensemble il y a deux ans, mais ensuite on ne s’était plus revus. Au départ nous n’étions pas d’accord pour cette reformation, car ça demandait beaucoup de travail et d’énergie. Mais au bout d’un certain temps on a finalement décidé de foncer. Parallèlement, j’avais aussi pas mal de demandes de fans et j’avais décidé de faire un site Internet. J’ai reçu beaucoup d’e-mails me demandant où l’on pouvait trouver nos disques. C’est d'ailleurs ce qui a engendré la réédition des premiers albums. Et pour finir, on n’avait jamais joué aux Eurockéennes, ça n’existait pas à l’époque (rires). Tout était lié, en quelque sorte, et on a senti que c’était le moment et le lieu idéal pour le faire. Mona : Pour cette reformation, il nous fallait quand même un soutien financier et logistique, parce que ça demandait surtout à Spatsz de redéfinir toutes les programmations, de retrouver les sons de l’époque… Spatsz : Les Eurockéennes nous ont aidé à remettre la machine en route : on a eu une subvention pour une résidence d’artistes de cinq jours à La Poudrière, à Belfort. Avant ça, la ville de Nancy nous avait aussi mis une salle de concert à disposition pour des répétitions durant cinq jours. À l’origine de KaS Product on faisait vraiment tout à deux, mais là on a eu une équipe qui nous a soutenus.
Vous pensiez aussi que c’était le bon moment de reformer KaS Product, par rapport à toute la musique qui se fait actuellement et qui s’inspire de ce que vous avez fait ? Mona : Non, ce n’était pas prémédité. Spatsz : C’est vrai qu’il y a eu la même année trois compilations sur lesquelles un morceau de KaS Product apparaissait, dont une qui portait le titre d’un de nos morceaux, So Young But So Cold. Mais nous sommes complètement extérieurs à tout ça : ce sont des gens qui ont trouvé opportun de faire ces disques. Paradoxalement, le premier concert qu’on a fait dans notre carrière, c’était derrière un grillage pour éviter les projectiles ! Parce que le fait de monter à deux sur scène avec juste des machines, en France en 1980, ce n’était pas évident pour le public. À l’époque, on était pris pour des gens qui appuyaient simplement sur un bouton "on-off" ! Le public avait l’habitude de voir guitare-basse-batterie, alors qu’aujourd’hui ça a beaucoup évolué. Peut-être que KaS Product était trop en avance alors…
Lors du concert, les morceaux ont été rejoués comme à vos débuts. Comment avez-vous travaillé techniquement pour obtenir ce résultat ? Spatsz : Je n’avais rien gardé de l’époque KaS Product, d’abord parce que pour moi c’était une époque révolue et que je ne voyais pas l’intérêt de garder tout ça. Ensuite, parce que j’avais perdu plein de choses lors de mes déménagements. J’avais quand même conservé quelques vieux synthés de l’époque, et Mona avait encore un Jupiter 600. Mais il y avait surtout beaucoup de choses sur des cassettes avec des time-codes, et le problème c’est que les cassettes et les time-codes s’effacent… Donc je n’ai absolument rien pu récupérer. On a alors dû tout refaire, et j’ai heureusement été pas mal aidé pour ça, parce que tout seul je n’y serais jamais arrivé. Il y a des structures sur certains morceaux qui peuvent paraître très minimales mais qui sont en fait très complexes à programmer, comme Take Me Tonight par exemple. Et heureusement, on trouve aujourd’hui sur ordinateur des émulateurs de synthés des années 80, je n’étais donc pas trop dépaysé. Sur scène, j’avais donc une batterie de synthétiseurs analogiques, plus du virtuel sur un PC. J’ai mixé les deux, parce qu’il y a quand même des boîtes à rythmes que l’on ne peux plus retrouver, et qui de toute façon ne fonctionneraient plus maintenant.
Quel a été votre sentiment par rapport à ce concert de reformation et à la réaction du public ? Spatsz : En ce qui me concerne, il y a un morceau qui à chaque concert me transporte quand je le joue, c’est Tina Town. C’est un morceau très répétitif, et qu’à chaque fois je vois les gens qui rentrent dedans, progressivement, et ça me fait toujours un effet... très fort. Mona : Le fait de rechanter tous ces morceaux, aussi bien en répétition que sur scène, m’a donné le frisson. J’avais carrément la chair de poule de redécouvrir tout ça ! Et si les gens le ressentent aussi, tant mieux. Il y a une phrase que je répète à tous les journalistes en ce moment : "Le temps et l’espace n’existent pas, ce ne sont que des modes dans lesquels nous pensons" (rires). Parce qu’en fait, ce que l’on est en train de faire là, c’est comme si c’était hier. Sauf qu’il y a maintenant la maturité, la maîtrise, et un détachement émotionnel en plus. Avant, KaS Product c’était toute notre vie, aujourd’hui ce n’est qu’une partie infime de tout ce que l’on fait, et c’est ce qui nous permet d’avoir plus de recul, plus de maîtrise et, donc, plus de plaisir. |  |  |  | | |  | |
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