Propos recueillis
en juillet 2005


DERNIÈRE SORTIE :
"Heat"


LABEL :
www.outputrecordings.com
Par Christophe Labussière  
Photo Renaud Martin  

Déjà deux albums sortis sur le label anglais Output pour cette production française qui puise clairement ses influences outre-Manche en lorgnant plus particulièrement vers la scène de Manchester des années 80 et qui rend la presse anglo-saxonne plutôt conciliante. Avant d'analyser ce démarrage plutôt remarquable avec Marc, le trublion qui se cache derrière Colder, débarrassons-nous d'un doute qui pourrait commencer à devenir encombrant concernant les influences du garçon.

Quel est le groupe du label Factory qui t'a le plus inspiré pour ton projet Colder ?

Aucun, Factory n'est pas pour moi le label culte qu'on imagine. D'autres labels anglais -comme World Serpent- ont eu sur moi une influence beaucoup plus importante. Factory représente pour la presse "non spécialisée" un repère important dans l'histoire de la musique pop dite "new wave". Mais la plupart du temps cette même presse à tendance à oublier ce qui existait avant et ce qui a eu lieu après. Moi c'est l'ensemble qui m'intéresse, pas seulement la partie visible de l'iceberg.

À l'écoute de tes deux albums, on pourrait pourtant croire que c'est uniquement dans le but de pérenniser ce son typique du label de Manchester que tu as commencé à faire de la musique...
Non, c'est avant tout pour moi que je fais ce projet. Les deux disques que j'ai faits sous le nom de Colder sont -dans un format pop- les disques que j'avais envie d'entendre.

Quels sont les albums les plus marquants qui t'ont accompagné pendant ton adolescence ?
"Swastikas for Noddy", de Current 93.
"Love Secret Domain" et "Scatology" de Coil.
"Kollaps" de Neubauten.
"Only Theatre of Pain" de Christian Death.

La musique de Colder est-elle faite à 100% avec des machines ou utilises-tu des instruments ?
C'est un mélange des deux, j'ai une guitare et une basse à la maison, j'enregistre aussi pas mal de sons en répétitions, surtout des sons de percussions, tout est ensuite composé ou recomposé sur l'ordi que j'utilise plus comme un multipiste.

Sur scène tu es entouré d'autres musiciens, d'où viennent-il ?
L'année dernière, j'ai tourné avec des amis. La formation live de Colder est née plus du hasard que d'une réelle volonté de faire de la scène. Au cours de l'année précédente, le groupe a été un peu rattrapé par les évènements. Nous avions de plus en plus d'offres, et la "scène" demandait de plus en plus de temps à chacun d'entre nous. Trois des amis avec lesquels je jouais ont dû faire un choix entre leur vie, leur travail, leur famille et le groupe, et nous ont finalement quittés. Nous jouons désormais à quatre, Thomas, un copain à moi, est resté à la batterie, Nicolas Marmin d'Osaka Bondage s'occupe de la basse et Gaël Villeroux est à la guitare. Ils sont tous les trois de "vrais" musiciens, ils développent leurs propres projets de leur côté, travaillent parfois pour d'autres groupes et arrivent à en vivre. S'investir dans Colder ne leur pose pas de problème.

Pourquoi composer et écrire seul ? Tu n'as pas envie de fonctionner réellement comme un groupe ?
Au moment où il aurait fallu enregistrer ce nouvel album ensemble, nous étions tous très occupés par les dates de concerts sur lesquelles nous nous étions engagés. Trouver du temps à côté des répétitions et des voyages afin de composer semblait impossible… J'ai donc décidé de reprendre le même processus de travail que sur le premier album et de l'enregistrer seul. Maintenant, travailler à quatre sur un nouveau projet, qu'il sorte sous le nom de Colder ou un autre, semble plus réaliste et presque nécessaire. C'est quelque chose auquel je réfléchis avec le groupe et que nous espérons pouvoir concrétiser en début d'année prochaine.

Colder a eu un peu de presse outre-Manche, mais on en a très peu entendu parlé en France, comment expliques-tu que la presse étrangère se soit tant intéressée à toi ?
Je pense que la culture musicale à laquelle Colder fait référence est plus anglo-saxonne que française, et qu'en plus elle appartient à un registre particulier de musique populaire qui n'a jamais vraiment trouvé sa place ici. En Angleterre, aux États-Unis, en Australie ou même en Espagne ou en Italie, ce mélange d'éléments rock, d'électronique, de mélancolie et de structures très simples et répétitives semble être mieux compris.

L'ambiance musicale dans laquelle navigue Colder sème toujours le trouble dans l'esprit de ceux qui la découvrent pour la première fois, hors de tout repère c'est dur à identifier : de la cold wave française, un fantôme de Factory, de l'electronica chantée, de la pop indé un peu classieuse... comment toi-même définirais-tu ta musique ?
Les deux albums de Colder sont pour moi plus des tentatives de retrouver ou d'exprimer ce qui me touche en musique que des propositions "figées". Les productions musicales de ces quatre ou cinq dernières années, surtout les plus "mainstream", la crise du marché du disque, le développement des technologies de téléchargement, le MP3 et les médias ont donné à la musique un nouveau visage, une nouvelle identité dans laquelle, en tant que consommateur et auditeur je ne me reconnais pas. Je viens d'une culture d'album et de live, pas d'une culture de club ou de maxi et pour moi le disque, avec ses morceaux, sa pochette, le temps minimum nécessaire qu'il demande afin d'être compris et apprécié, reste la seule chose importante. Avec Colder et avec les moyens du bord, c'est ce que j'essaie de faire avant tout, de vrais albums. Sur la question du style, la marge que je me donne en me permettant de mélanger au sein d'un même disque du dub, de la pop, des éléments plus rock et de l'électronique est le résultat d'une plus grande envie de chercher que de trouver… pour le moment en tout cas.

Tu es au départ vidéaste et graphiste, es-tu responsable de la pochette et de la photo de "Heat" ?
Pas directement, c'est une amie photographe canadienne, Kourtney Roy, qui l'a faite. Le visuel est directement inspiré de son travail, qu'il soit personnel ou commercial. Nous en avons beaucoup parlé ensemble avant, je me suis juste occupé de la direction artistique du disque.

"Heat" n'est pas foncièrement différent de "Again". Comment vois-tu la suite de l'histoire de Colder, la façon dont ça pourrait évoluer ?
Je n'ai aucun plan pour l'avenir, en ce qui concerne la suite je n'en ai qu'une très vague idée. Enregistrer quelque chose avec le groupe, comme je l'ai dit précédemment, est une des seules choses qui m'intéresserait pour l'instant. Mais nous commençons tout juste nos dates de concerts et il nous reste encore beaucoup de travail à faire ensemble, time will tell.

Tes compositions sont plutôt... calmes. Tu n'as pas été tenté d'y mettre un peu plus d'énergie ?
Non, Colder maintenant est vraiment divisé en deux facettes, le disque et le live. Le disque apporte au projet son essence et un côté plus contemplatif, répétitif. Le live apporte lui, un côté plus rock et plus brut. C'est un moyen de présenter un même projet qui me plaît bien, et c'est en tout cas l'idée que j'en avais lorsque j'ai commencé à répéter avec le groupe il y a deux ans.

Tu t'es occupé de remixer un titre de Depeche Mode. J'imagine que le sentiment de remixer des morceaux de groupes pour lesquels tu portes certainement de l'admiration doit être extraordinaire...
Remixer Depeche Mode a été un exercice intéressant, mais particulier. Jusque-là, j'avais refusé toute proposition de remixes car je trouvais -et je pense toujours- que Colder n'était pas un projet qui s'y prêtait, qui pouvait défendre ce genre de format. Avec Depeche Mode, c'est un cas à part, ce n'est pas un groupe dont je suis fan, mais j'écoutais énormément leurs premiers albums quand j'étais enfant. J'ai eu mon premier walkman cassette à l'âge de 8/9 ans et c'est ma mère qui m'achetait leurs disques. Je les écoutais en boucle en voiture quand on partait en vacances. J'ai énormément de souvenirs qui sont rattachés à des albums comme "Black Celebration". Vers 13/14 ans j'ai complètement décroché et me suis tourné vers des choses plus "confidentielles", vers Coil, World Serpent… C'est principalement à cause de ces souvenirs que j'ai accepté ce remix, même si Clean, le titre qu'on m'avait confié, n'était pas mon préféré.

Tu as eu affaire directement à eux ?
Mon contact avec le groupe à été plus que distant, il y avait au moins trois ou quatre intermédiaires entre eux et moi. j'ai envoyé une première version qui sonnait plus comme une reprise. Quatre mois après on m'a fait savoir qu'ils aimaient les arrangements, mais désiraient remplacer mes lignes vocales par celles de Dave Gahan, les originales. Je l'ai fait, et ils l'ont conservé et édité tel quel. C'est un processus vraiment étrange pour moi et inhabituel. Quand j'ai eu leur compil de remixes en main et que j'ai vu Colder faire partie du tracklisting, c'était cependant plus parlant et plus gratifiant.

Colder correspond certainement à tes attentes personnelles, tu es reconnu par la critique, par le public et par tes pairs. Quel est maintenant ton voeu pour l'avenir ?
Je n'ai pas de voeux particuliers en ce qui concerne Colder. L'accueil réservé à ce deuxième album semble plutôt bon, surtout en Angleterre et dans l'ensemble des pays anglo-saxons, j'en suis plutôt satisfait, mais ce qui était surtout essentiel pour moi c'était que ce disque puisse me plaire, au moment où j'en ai composé les titres, et une fois achevé, en tant qu'album. Mon paysage musical est principalement constitué d'artistes qui ont consacré une énorme partie de leur vie à la musique, et ont réussi à se définir en tant que tel à travers de nombreux albums, des bons comme des mauvais. Un groupe comme Coil en ce sens, est vraiment emblématique de ce qui m'attire chez certains musiciens. Ils ont une discographie "patchwork" qui mélange des albums incroyables et d'autres qui me semblaient plus "douteux" à l'époque où j'ai pu les acheter. Aujourd'hui et avec du recul, l'ensemble de leur œuvre prend un sens réel et me permet de mieux les comprendre, de mieux saisir pourquoi ils ont été si importants pour moi. À titre personnel, la seule chose que je pourrais me souhaiter c'est de continuer à avoir cette curiosité et cette envie de faire des choses -reconnues ou non, musicales ou autres-, et de ne surtout pas perdre de vue les envies et les aspirations qui m'ont amené à faire ces deux albums.