Propos recueillis
en novembre 2005


DERNIÈRE SORTIE :
"The Black Room"


SITE OFFICIEL :
www.editorsofficial.com

LABEL :
www.kitchenwarerecords.com
Par Daniel Passera  
Photo D.R.  

Avec une poignée de singles entêtants (Bullets, Munich, Blood) et un séduisant premier album, Editors a réussi, comme Bloc Party ou The Rakes, à emballer à la fois le public pop branché et les trentenaires nostalgiques de The Cure et Joy Division. Encore considéré par certains comme un clone d’Interpol, le quatuor basé à Birmingham risque fort de prouver rapidement qu’il est capable de dépasser ses encombrantes références pour développer un style bien à lui, fait de compositions en clair-obscur où l’urgence se dispute à la tristesse. En attendant la confirmation de ce talent bourgeonnant, le guitariste Chris Urbanowicz tord le cou à quelques clichés tenaces...

Lorsque vous avez formé Editors, aviez-vous déjà une démarche précise qui guidait votre musique ?
Chris Urbanowicz :
À l’origine, nous étions surtout un groupe d’amis, c’était donc tout d’abord un moyen de tromper l’ennui qui s’installe lorsque tu vas en fac dans une ville de merde (Stafford -ndlr). Au bout d’un moment, c’est devenu un moyen d’exprimer nos sentiments, qu’ils soient d’ordre personnel ou général.

Vous avez été beaucoup comparés à Joy Division ou The Chameleons. Est-ce que ces groupes vous ont influencés ?
C’est très difficile pour moi de lister des groupes qui auraient pu nous influencer. Nous puisons notre inspiration dans les choses qui nous entourent. Nos environnements, les endroits où nous vivons, les gens que nous aimons ou que nous détestons… voilà ce que sont nos influences.

Êtes-vous, en général, fans de groupes cold-wave comme The Cure, The Smiths ou Echo and the Bunnymen ?
C’est vrai que nous passions beaucoup de temps à écouter The Cure avant de monter sur scène lors de notre deuxième tournée. Mais malgré cela, nous ne sommes pas réellement fans de ces groupes-là. J’aime bien Echo and the Bunnymen mais je préfère chercher à découvrir des nouvelles musiques. C’est bien plus excitant de se plonger dans ce qui se passe au moment présent…

Il semblerait qu’il y ait une sorte de "revival post-punk" en Angleterre et aux États-Unis avec Bloc Party, Interpol, The Rapture, The Bravery ou The Departure, qui sonnent comme certains groupes des années 80. Que penses-tu de ce phénomène ?
Je crois surtout que ce "phénomène" est quelque chose que les journalistes ont inventé pour se persuader que des scènes musicales sont en train d’émerger. Je respecte des groupes comme Bloc Party et The Rapture, et nous sommes amis avec The Departure. Mais je trouve injuste de suggérer, comme tu le fais, que ces groupes ne font que ressasser de vieilles sonorités ! Je vois surtout la multiplication des nouveaux groupes rock comme une réaction à la musique pauvre en guitares qui existait avant l’arrivée de The Strokes et Franz Ferdinand.

Justement, vous avez récemment tourné avec Franz Ferdinand et The Rakes. Y’a-t-il des connexions entre Editors et ces deux groupes ?
Nous avions rencontré The Rakes en février 2005, puis nous les avons croisés plusieurs fois lors de festivals d’été. Nous avons ensuite fait quelques dates avec Franz Ferdinand et ce sont aussi des gens adorables. Le fait de nous avoir réunis avec ces deux formations sur la même affiche donnait un bon aperçu de la musique anglaise actuelle, d’autant que les trois groupes ont chacun des choses très différentes à offrir…

Quels types d’émotions essayez-vous justement d’exprimer à travers votre musique ?
Je déteste utiliser le mot "essayer" à propos du fait d’écrire de la musique. J’ai "essayé" de faire de la musique par le passé et ça sonnait comme de la merde. Ça doit se faire naturellement, sans effort. Les sentiments que nous ressentions pendant l’écriture du premier album étaient très variés : amour, déception sentimentale, agression, fragilité, léthargie, excitation…

Penses-tu qu’il y a un regain d’intérêt actuellement pour la musique sombre parce que la situation du monde est particulièrement déprimante ?
Cette situation générale a certainement eu un effet sur notre musique. Mais en même temps, nos chansons sont teintées d’optimisme. Si ce n’était pas le cas, notre album serait alors très difficile à écouter !

Le visuel que vous développez est très sombre et froid, avec uniquement des photos en noir & blanc. Que souhaitez-vous faire passer avec ces images ?
Premièrement, les images en noir & blanc sont très flatteuses, elles nous avantagent beaucoup. En plus de cela, nous nous habillons en noir et en blanc et notre musique développe des atmosphères entre l’ombre et la lumière, donc notre artwork se devait de refléter cela. C’est ainsi que toutes les pochettes de disques devraient être : c’est un autre médium pour diffuser ta création.

Editors est un groupe encore jeune, mais qui a déjà sorti un album complet et plusieurs singles. Ne penses-tu pas que les choses sont allées un peu trop vite ?
Absolument pas ! Beaucoup de gens nous posent cette question sans réellement savoir ce que nous avons enduré pour pouvoir sortir un disque. Nous avons travaillé d’arrache-pied, souvent en parallèle avec deux jobs et sans avoir de maison, pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui. Tout cela ne s’est pas passé en une nuit ! Nous avons fait tout ce que nous avons pu en Angleterre pour éviter d’être dans la hype et pour bâtir solidement notre propre style. Et nous considérons que tout se déroule exactement comme nous le souhaitions.

Quels sont aujourd’hui tes attentes pour le futur d’Editors ?
Actuellement, nous ne cessons de parler de notre prochain album. Avant toute chose, nous devons continuer à produire une musique qui nous paraisse pertinente et de qualité. Ensuite, nous pourrons nous concentrer sur l’Amérique et au-delà…