|  Propos recueillis en juin 2005
DERNIÈRE SORTIE : "Artificial Soldier" |
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|  |   |  |        | Par Bertrand Hamonou | Photos D.R. |
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|  | Le mythique duo canadien récemment devenu quatuor démontre une fois de plus sa suprématie : Front Line Assembly conserve une longueur d’avance sur tous ses concurrents. Avec beaucoup d’humour et de clairvoyance, et malgré un emploi du temps très serré, le sympathique Bill Leeb parle lentement, d’un ton amusé et courtois, de son projet le plus fédérateur et le plus apprécié des fans d’électro depuis bientôt 20 ans.
Le nouvel album “Artificial Soldier” porte la marque de fabrique Front Line Assembly avec tous ses refrains si accrocheurs... sais-tu comment te sont venus ceux que l’on entend sur Social Enemy, Dissension, ou encore Buried Alive ? C’est une bonne question, car figure toi que je n’en ai pas la moindre idée ! C’est peut-être comme une prémonition, peut-être me viennent-ils pendant mon sommeil. Certains sont sûrement liés au fait que je suis en pleine séparation en ce moment (rires). Je ne veux pas avoir l’air mauvais où méchant, mais ils m’ont permis de me débarrasser d’une partie de mon agressivité (rires). Par exemple, en réécoutant Buried Alive, je me suis dit “Bon sang, est-ce que c’est moi qui suis en train de chanter ça ?”. Ça m’a fait un peu peur, mais effectivement, c’est sûrement dû à ce que je suis en train de traverser. Avoir de mauvaises expériences est finalement une bonne chose, ça donne de la matière ! Et chanter “You need to be buried alive” est ironique, voire sarcastique : je ne dis pas que je le ferais !
Le titre Low Life sonne déjà comme un futur classique. On y retrouve des sonorités de Iceolate ("Caustic Grip") et un finish semblable à celui de Condemned ("Hard Wired"). L’as-tu construit en pensant à ces deux titres ? Non, pas vraiment. C’est assez dingue d’avoir pu réaliser ce disque, car Rhys Fulber, qui vivait à Los Angeles, a vendu sa maison pour nous rejoindre à Vancouver, Chris Peterson et moi. Chris était en train de produire le disque de Jeremy Inkel, qui est aujourd’hui notre quatrième membre. Nous nous sommes tous retrouvés, chacun avec ses propres idées de chansons, et nous les avons développées. Je pense que Rhys a mis le meilleur de lui-même dans ce disque. Mais pour revenir à ce que tu disais, tu sais, tu n’as pas besoin de réinventer la roue lorsque tu enregistres un nouvel album. De toute façon, je pense que tout a déjà été fait. Nous sommes comme la plupart des groupes, comme Metallica ou Kraftwerk, par exemples, qui ont su créer leur son et qui l’utilisent au maximum. Le plus dur est d’avoir ta propre identité, et j’espère que nous l'avons. Nous nous accrochons à ce que nous sommes, et nous faisons ce que nous savons le mieux faire. Et si les gens aiment ce que nous faisons, alors c’est génial.
Dissension est un titre vraiment imposant. Comment est-ce qu’on arrive à créer un morceau tel que celui là ? Bizarrement, Dissension est un titre que Chris et moi avons ébauché tous les deux, tout simplement parce que n’avions à ce moment-là encore rien fait ensemble pour ce nouvel album. J’ai donc commencé par une ligne de basse, Chris y a rajouté la rythmique ainsi qu’une séquence. Rhys et Jeremy sont arrivés ensuite avec une partie de guitare et le couplet suivant. On s’est dit qu’il nous fallait un refrain, que j’ai fait, et le titre est apparu de cette manière, grâce à nos idées à tous les quatre. Nous passons ensuite beaucoup de temps en production lorsque nous mixons. Je ne sais pas si tu es familier avec Protools, mais ce genre de technologie te permet d’aller très loin. Dissension est donc un de ces titres qui est apparu spontanément, sans aucune préméditation. Il arrive parfois que rien ne se passe, mais les meilleurs morceaux sont souvent ceux qui arrivent de cette manière. À propos, à quoi ressemble une démo de Front Line Assembly ? Tu ne me croiras peut-être pas, mais nous n’avons jamais fait une seule démo traditionnelle, comme celles que doivent réaliser la plupart des groupes. Je dois bien t’avouer que j’ai de la peine pour toutes ces formations qui doivent faire des démos pour ensuite les présenter à des labels. Avec Front Line Assembly, il n’y a pas de prisonniers, il n’y a que du carnage (rires). Nous faisons nos disques directement, que les gens les aiment ou non.
Vous vous êtes débarrassé du côté ambient que présentait "Civilization". Au moment où vous avez commencé à enregistrer "Artificial Soldier", t’es-tu dis que ce nouvel album se devait d’être plus agressif que le précédent ? Effectivement, c’était la première chose que nous avions en tête : éviter que ce disque ressemble à Delerium. Les gens commençaient à dire que la frontière entre Front Line Assembly et Delerium devenait trop proche.
À propos de Delerium, justement, que pouvons-nous espérer du prochain album ? Et bien, nous avons fini de le mixer avant-hier, et il sonne bien plus comme du Dead Can Dance. Je pense que les fans de Delerium de la première heure vont l’adorer, car il est assez sombre, il n’est pas aussi pop que les derniers albums.
“Artificial Soldier” est l’album que les fans de “Hard Wired” attendaient, mais il comporte aussi quelques éléments que tu avais utilisés à l’époque de “Epitaph”. Quels sont tes albums préférés de Front Line Assembly ? Tu sais, je ne saurais pas désigner un album de Front Line Assembly que j’aime plus que les autres. Celui que j’aime le moins est "FLAvour of the Weak", sans aucune hésitation. Il y a probablement deux ou trois titres sur chaque album auxquels je ne suis pas trop attaché, mais pour moi chaque disque compte. Chaque album est mon album préféré au moment de sa conception : il représente une période de ma vie, ce qui fait que je le ressens comme mon meilleur travail à ce moment-là. Cela dit, "Artificial Soldier" est le premier disque que nous réalisons à quatre, et rien que pour ça, c’est le plus intéressant. D’autant plus que je le trouve plus diversifié que d’habitude.
Avez-vous quelques titres supplémentaires qui n’ont pas pu figurer sur l’album ? Pour tout te dire, nous avons été vraiment très occupés par les enregistrements de cet album et celui de Delerium, et par la préparation de la tournée qui commence bientôt aux USA. Mais effectivement, nous avons bien un ou deux titres supplémentaires, que nous sortirons lorsque la tournée sera terminée, peut-être sous la forme d’un EP avec des remixes, comme nous l’avions fait avec Vanished.
C’est Dave McKeane qui s’est occupé de la pochette d’”Artificial Soldier”. Il a un jour déclaré que parmi tous les groupes pour lesquels il réalisait des pochettes, Front Line Assembly était le seul dont il soit un ami. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Dave a aussi dit que nous sommes le groupe avec lequel il préfère travailler (rires). La première fois que nous nous sommes rencontrés, c’était à Londres, il était venu nous voir jouer. Je l’avais par la suite considéré comme le troisième membre du groupe à l’époque où il a commencé à faire nos pochettes, parce que ses images étaient très fortes. Avec le temps, nous avons construit une véritable amitié, c’est vrai. Je voulais que ce soit de nouveau lui qui fasse la pochette d ‘"Artificial Soldier". Ce que j’aime avec Dave, c’est que je ne sais jamais à quoi m’attendre : je ne lui donne pas d’indication, à part le titre du disque, et je lui demande de me surprendre. Ce qu’il fait à merveille.
C’est la première fois que vous avez un invité tel que Jean-Luc de Meyer au chant ! Est-ce que tu ne trouves pas ça dingue, sérieusement ?
Tu es fan de Front 242 depuis le début j’imagine ? Oh oui ! Je pense que c’est l’un des meilleurs groupes à avoir su populariser ce type de musique. Leurs albums sont des classiques pour moi : “Official Version”, “No Comment”… Mais je trouve que ce qu’ils font aujourd’hui n’est plus tout à fait comme ce qu’ils avaient l’habitude de faire. J’ai le sentiment qu’ils ne vont plus sortir tellement de disques... De toute manière, ils ont déjà sorti leurs meilleurs albums. Est-ce que ça a été facile de convaincre Jean-Luc de participer à un titre d’”Artificial Soldier” ? Tu me croiras si tu veux, mais la réponse est oui ! On s’est rencontré, j’ai parlé avec Richard 23 et lui, et je leur ai annoncé que je voulais leur rendre hommage. Je leur ai alors proposé de chanter sur un titre du nouvel album. Jean-Luc m’a demandé s’il pouvait l'écouter, et il l’a trouvé brillant. Deux semaines plus tard, il me confiait une démo avec les paroles qu’il avait écrites. Je suis vraiment content de l’avoir fait. Un DJ de Berlin m’a appelé l’autre jour, et m’a dit que lorsqu’il avait passé le morceau Future Fail, les gens étaient venus lui demander si c’était Front 242 ou Front Line ! Ma mission est donc accomplie, j’ai installé la confusion dans l’esprit des gens (rires).
Est-ce qu’à l’inverse, des artistes te demandent parfois de chanter sur leurs disques ? Oui, des groupes peu connus me le demandent parfois, mais j’hésite beaucoup. Il faudrait que ce soit un groupe vraiment très intéressant pour que j'accepte
Et si Front 242 te le demandait ? J'accepterai immédiatement, bien sûr, mais Jean-Luc a une image tellement forte que je me demande si ça servirait à quelque chose.
Y a-t-il d’autres chanteurs que tu aurais aimé avoir sur ce disque ? Non, sûrement pas. Je suis persuadé qu’avoir deux invités sur un même disque est déjà plus qu’assez. Une autre surprise, pourquoi pas, mais sur le prochain disque.
Quand “Epitaph” est sorti en 2001, tu as déclaré qu’il pouvait s’agir du dernier album de Front Line Assembly. Tu es pourtant encore là aujourd’hui. Tu as changé d’avis ? En fait je ressens toujours la même chose à la sortie d'un nouvel album, j’ai toujours l’impression qu’il pourrait s’agir du dernier. Nous sommes là depuis longtemps maintenant, et on ne sait jamais si ce qu’on fait ne va pas un jour devenir obsolète. Mon attitude face à cela est donc de travailler sur chaque album en gardant constamment à l’esprit qu’il pourrait très bien être le dernier, afin de faire à ce moment-là le meilleur travail possible, plutôt que de me dire que j’en ferai un de plus et que je m’appliquerai davantage à ce moment-là.
Tu as vendu pas mal d’équipement sur internet dernièrement, on a bien cru que tu jetais l’éponge pour de bon ! Tu sais, j’ai deux unités de stockage en ville pleines de vieilleries. Et tu me croiras ou pas, mais ça coûte cher de louer ces espaces. En plus, le matériel que j’y entrepose prend la poussière et je n’ai pas envie d’en faire un musée. J’ai acheté tant de matériel il y a vingt ans, quand c’était bon marché ! L’idée est donc de me débarrasser de tout avant que ça ne marche plus. Rhys a lui-même un garage rempli, et Chris a lui aussi son lot de machines. Crois-moi, nous avons des tonnes de trucs. Et aujourd’hui, avec les synthés virtuels, on a de moins en moins besoin de toutes ces choses. J’avais quatre Pro-Ones, il m’en reste toujours deux, et un seul me suffirait !
Tu vas enmener tout ça lors de la tournée ? Nous serons cinq sur scène, avec plein de visuels, du matériel, un batteur, un guitariste, tout ce qu’il faut, tu verras. En septembre ce sera d’ailleurs la première fois que nous jouerons à Paris. Rhys m’a rappelé que nous avions joué à Strasbourg il y a bien longtemps, mais jamais à Paris. À propos, j’ai récemment lu que vous alliez sortir un DVD live de cette tournée d’été. C’est vrai ? En fait, je ne sais pas. Il y a ce type qui veut ressortir la tournée “Live Wired” en DVD, et il se pourrait que ce soit assez compliqué. Nous sommes plutôt dans une phase où nous nous demandons si nous avons envie de le faire ou pas. |  |  |  | | |  | |
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