|  Propos recueillis en septembre 2007
DERNIÈRE SORTIE : "Mantaray" |
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|  |   |  |      | Par Christophe Lorentz | Photos D.R. |
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|  | Annoncé par le remarquable DVD "Dreamshow" fin 2005, l'escapade en solo de Siouxsie Sioux se matérialise aujourd'hui par un excellent album : "Mantaray". Un disque coloré et aguicheur, qui marque non seulement le retour des guitares, mais aussi l'aube d'une ère nouvelle pour la diva du post-punk, affranchie pour la première fois de Budgie (tant professionnellement que dans sa vie intime) et de la structure d'un groupe fixe. Pourtant, derrière son aspect pop et chamarré, ce premier opus en solitaire révèle pourtant des textes plus introspectifs que jamais, témoignant des changements intervenus ces dernières années dans la vie de l'égérie gothique. Mais, bien entendu, la mystérieuse chanteuse ne se livre pas facilement, préférant s'étendre sur son travail en studio plutôt que sur sa vie privée. Ce qui n'est pas pour nous déplaire.
Lorsque nous t'avions interviewée en 2003 pour l'album "Ha!" des Creatures, tu nous annonçais qu'un autre disque de Budgie et toi était quasiment prêt à sortir. Mais nous n'avons jamais rien vu arriver... Que s'est-il passé exactement ? Nous nous sommes en quelque sorte regroupés et avons tout repensé.. avant de finalement décider de faire un single solo de Siouxsie. Nous avons tout d'abord démarrer la tournée "Dreamshow" sous le nom de Siouxsie, ce qui nous permettait de clarifier un peu les choses et utiliser des titres aussi bien des Banshees que des Creatures. Cela a culminé lors du concert du Royal Festival Hall à Londres, en octobre 2004, où nous avions avec nous sur scène Leonard Eto de la troupe de percussionnistes Kodo, ainsi qu'un orchestre de seize musiciens. J'étais ravie et j'aurais voulu amener ce spectacle à Paris ou dans d'autres villes européennes, mais, hélas, ce n'était pas possible. Heureusement, les deux derniers concerts furent filmés et sont sortis en DVD l'année suivante, sous le titre "Siouxsie - Dreamshow". Et puis, au fil du temps, les choses changent, Budgie et moi ne travaillons plus ensemble... J'ai donc démarrer ce projet.
Quelle était l'idée directrice derrière ces concerts et cet album solo ? Je pense que je ne voulais plus me dissimuler derrière un groupe. Je voulais repartir de zéro, m'ouvrir totalement. J'ai adoré être entourée de cet orchestre et de tous ces collaborateurs. J'avais envie de travailler avec de nouvelles personnes avec qui je n'avais jamais rien fait auparavant, afin de voir comment cela se passerait et où est-ce que cela m'amènerait.
Dirais-tu que c'est un nouveau départ ou juste la continuité de ta carrière ? C'est un nouveau départ, même si je pense qu'il y a eu beaucoup de "nouveaux départs" dans ma carrière. C'est en même temps une évolution, mais cela me paraît clairement neuf, avec une certaine dose d'inconnu, déjà parce que je ne sais pas ce qui va se passer après. Et cela a tendance à faire sortir le meilleur de moi.
Lorsque tu as commencé à travailler sur "Mantaray", avais-tu une idée précise de ce que tu voulais faire... ou ne pas faire ? Je savais que je ne voulais pas me conformer à ce que l'on attend généralement d'un projet solo. Autour de moi, on me suggérait de travailler avec beaucoup de gens qui ont "un nom", des producteurs célèbres, ou encore d'inviter des artistes très connus... Ce n'était pas ce que je voulais : je tenais à ce que la musique ait une importance vitale, et ne pas me mettre à l'arrière-plan comme le font beaucoup de chanteurs en solo. C'était donc génial de pouvoir rencontrer les bonnes personnes pour ce projet. Les producteurs, Steve Evans et Charlie Jones, ont été essentiels dans le sens où ils ont compris mes envies tout de suite. Mais en dehors de ça, je ne savais pas réellement si ce que j'avais choisi de faire aller fonctionner ! Je ne cessais de répéter : "Si je ne suis pas satisfaite du résultat, je ne le sortirai pas.". Nous nous sommes organisés d'une façon assez particulière : le disque n'a pas été fait d'un bloc, je ne travaillais que sur deux ou trois chansons à la fois. J'allais à Bath ?là où se trouve le studio de Steve? pour seulement quatre ou cinq sessions : je ne me concentrais vraiment que sur les chansons, séparément, et sans penser au grand ensemble dont elles faisaient partie. Et puis, à la fin, j'ai réalisé que nous avions là un album complet !
Est-ce à cause de ce processus de travail que ce disque est si diversifié ? Très probablement, oui. Mes goûts musicaux sont de toute façon très éclectiques et je dirais qu'il y a toujours eu plus de choses chez les Banshees que ce que l'on a voulu y voir. Pas forcément dans les singles, mais surtout dans les morceaux que l'on mettait sur les faces B, qui finissaient comme bonus tracks, ou tout simplement les autres chansons des albums... Donc oui, je pense clairement que c'est le fait d'avoir travaillé de cette façon qui a fait de l'album ce qu'il est.
Dans le titere qui ouvre "Mantaray", Into a Swan, tu chantes : "I feel a force I've never felt before/ I dont want to fight it anymore" ("Je sens une force que je n'avais jamais sentie auparavant/ Je ne veux plus la combattre"). Est-ce lié à ta volonté de travailler en solo ? Il y a de ça. Mais cela parle aussi de la période de désillusion que j'ai traversée, pendant laquelle je ne savais plus si je voulais continuer à évoluer dans le monde de la musique. C'est là que j'ai écrit Loveless et Into a Swan. Je réfléchissais à l'idée de rester dans l'ombre et écrire simplement pour d'autres artistes. Mais quand j'ai achevé Into a Swan, j'ai su que je voulais interpréter cette chanson et non pas la donner à quelqu'un d'autre.
Dirais-tu que les textes de cet album sont plus personnels que jamais ? Je ne pense pas qu'ils soient "plus" personnels, car tous mes textes ont toujours été personnels. Mais je dirais que là ils sont effectivement plus directs.
Certains morceaux de ce disque ont un côté très cinématographique, tandis que des morceaux des Banshees apparaissent souvent dans des films... N'as-tu jamais eu envie de travailler sur une bande originale complète ? Je pense que c'est en effet quelque chose qui a toujours été là, même à l'époque de l'album "The Scream" : j'ai toujours considéré notre musique comme étant très cinématographique. Et j'ai d'ailleurs certainement été influencée par le travail de Bernard Herrmann avec Hitchcock. Je pense en effet que ce serait bien de travailler sur une B.O. de film, mais, en même temps, je ne sais pas trop... Peut-être qu'amener ce côté cinématographique au sein du rock est une façon plus agréable d'y toucher.
Après la séparation des Banshees, tu avais monté ton propre label indépendant, Siouxsie Records, pour sortir les albums des Creatures. Quel effet cela fait-il d'être de retour sur une major company ? C'est comme revenir dans le grand cirque (rires). Mais avoir mon propre label représentait beaucoup de travail : le mélange du business et de l'artistique, c'était vraiment très dur. C'est d'ailleurs ce qui a été à l'origine de ma cessation brutale d'activité. Mais c'était nécessaire à ce moment-là et, d'un autre côté, nous avons beaucoup appris. Je me sens maintenant mieux armée pour affronter la folie qui m'entoure sur une grosse maison de disques, avec tous ces différents départements ces tonnes de gens impliqués, et très peu de communication entre eux (rires). |  |  |  |  | 1/2 |  | | |  | |
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