Propos recueillis
en septembre 2007


DERNIÈRE SORTIE :
"Imbécile"


LABEL :
www.discograph.com
Par Christophe Labussière  
Photos Yves Bottalico  

Avec "Imbécile", Olivier Libaux n'en est pas à son coup d'essai. On ne parle pas de ses expériences réussies au sein des Objets dans les années 90 ou plus récemment aux côtés de Marc Collin dans Nouvelle Vague, mais, l'homme-orchestre avait déjà travaillé sur un disque concept, déjà proche du principe de la comédie musicale, "L'Héroïne au Bain", sorti en 2003. Olivier remet le couvert en faisant appel une nouvelle fois à Philippe Katerine et Helena Noguerra, auxquels il a associé cette fois-ci JP Nataf et Barbara Carlotti. Ces quatre amis, un couple et deux célibataires, se retrouvent pour un dîner et expriment tour à tour leurs sentiments sur la vie, l'amour, leurs envies, leurs déceptions.

Co fondateur des Objet, co fondateur de Nouvelle Vague, initiateur des deux albums "L'Héroïne au Bain" et "Imbécile", ou "simplement" électron libre ? Comment te présenterais-tu à quelqu'un qui ne te connaîtrait pas ?

C'est vrai que je suis attaché à ma liberté artistique... disons que j'ai commencé en 1989 en fondant le groupe Les Objets avec Jérôme Ignatus. Nous avons sorti deux albums ensemble. Peu de temps après, j'ai commencé à collaborer en tant que guitariste avec Dominique Dalcan. Le reste de ma trajectoire s'est enchaîné de cette façon, au fil des années, entre des projets personnels et des collaborations avec d'autres gens, soit à la guitare, soit à la production, ou autres... J'ai toujours eu la chance d'avoir des projets parallèles. J'ai arrêté Les Objets en 1995, car je voulais tenter des choses nouvelles. J'ai donc publié deux disques sous mon nom : "L'Héroïne au bain" en 2003 et "Imbécile" en 2007, tout en fondant Nouvelle Vague avec Marc Collin en 2003. Ma trajectoire est assez touffue, ce n'est pas facile de la résumer facilement...

On connaît le background musical de Marc Collin, carrément... new wave (!) (avec ses projets Spleen Ideal et Persona, si tu ne les connais pas c'est (c'était) de l'or !) ; de ton côté, as-tu fait tes armes dans d'autres groupes avant Les Objets ?
J'ai joué dans mon premier groupe rock à l'âge de 15 ans, en 1979, et par la suite, j'ai multiplié les projets musicaux dans le Nord (dont je suis originaire). Mais je ne trouvais pas de bons partenaires, et notamment des musiciens ayant les mêmes références musicales que moi, qui, à l'époque, étaient très new wave. Au milieu des années 80, je me suis installé à Paris, où ma recherche de collaborateurs est restée aussi infructueuse. À cette époque-là, j'étais influencé par le Monochrome Set et une certaine pop anglaise. Je passais donc pour le zébulon de service quand je rencontrais des musiciens. J'ai commencé à faire des maquettes tout seul, et au final, Jérôme (Ignatus) a été le seul à partager mes goûts, et nous nous sommes naturellement associés pour former Les Objets. le premier groupe qui laisse des traces dans mon histoire c'est donc Les Objets, qui n'ont d'ailleurs pas eu beaucoup de succès, si ce n'est juste une petite influence sur la musique pop d'ici.

Concernant Nouvelle Vague, le deuxième album n'était-il pas l'album de trop (bien entendu je ne te parle pas des retombés "financières" que je suppose conséquentes !).
Je suis content de parler avec toi de ce deuxième album de Nouvelle Vague. Étant donné l'accueil réservé au premier, l'idée d'en sortir un deuxième était plausible. De plus, nous avions beaucoup de cartouches pour faire un bon deuxième disque, vu le nombre de reprises inachevées sur le premier, et les titres inédits que nous jouions sur scène. Le problème a été que celui-ci s'est fait sans véritable concertation entre Marc Collin et moi. Il en découle quelque chose d'à mon sens assez peu homogène, écartelé entre les morceaux issus de notre collaboration, et ceux enregistrés par Marc dans son coin. Je pense qu'il aurait été possible de faire que cette livraison soit plus cohérente. Par exemple, j'étais vert quand U2 et Green Day ont fait leur reprise de The Saints Are Coming des Skids : j'aurais voulu qu'on en sorte une version avant la leur qui, de plus, est assez mauvaise.

Le deuxième album a-t-il d'ailleurs mieux ou moins bien marché que le premier ?
Je ne connais pas vraiment les chiffres de vente du second : je ne suis pas tellement intéressé par les chiffres. Je suppose qu'il a marché autant que le premier, mais avec beaucoup plus de moyens marketing et d'argent dépensé, là où le premier était un miracle de percée mondiale sans aucun moyen, uniquement par la force des idées et la créativité. Je reste un fidèle partisan du premier disque, de son contenu et de son éthique, tout en sachant qu'il était possible de faire aussi bien, sinon mieux.

Tu as travaillé avec Dominique Dalcan, Philippe Katerine, Helena Noguerra, Jean-François Coen, Doriand... Est-ce qu'il existe une famille -parallèle- de la variété française (ne rien voir de péjoratif dans ce terme !) ?
Je pense qu'il existe effectivement une famille d'artistes qu'on pourrait affilier à la variété française, car ne faisant pas du rock et chantant en français, dont le parcours est plus défricheur, original, risqué, et donc intéressant, que l'"autre" variété française. Personnellement, je suis proche de cette famille, alors que je ne me sens strictement aucun point commun avec la majeure partie des gens qui composent la "variété française" officielle, dont les chiffres de ventes égalent souvent le manque sidérant d'idées originales, et de prise de risque. Pour moi, il ne sert à rien de sortir un disque si on n'a pas quelque chose de neuf à proposer, soit une démarche originale, soit un concept, soit un style. Les gens que tu as cités sont tous des "originaux", parfois si originaux et en avance sur leur temps -je pense à Dominique Dalcan- qu'ils obtiennent une réponse injuste à ce qu'ils proposent.

Qui en est aujourd'hui le chef de file ? Philippe Katerine ?
Je pense que Philippe a été un des premiers à aboutir une oeuvre remarquable et différente. Déjà à l'époque des "Mauvaises fréquentations", on pouvait deviner qu'il allait secouer la chanson française. Aujourd'hui, il a enfoncé le clou et il reste, pour beaucoup d'artistes français, un exemple vivant qu'on peut et doit faire les choses différemment.

Par contre que penses-tu de la variété française "canal officiel", qui squatte les premières places des hits ?
Je l'évite soigneusement ! J'ai pourtant l'impression qu'il y a un mieux dans la situation actuelle, étant donné les très bonnes audiences que réalisent des artistes comme Camille, Émilie Simon ou Katerine. Mais la majorité du public, dans ce pays, reste quand même extrêmement peu curieuse de choses nouvelles, de personnalités différentes. Il faut donc s'armer de patience quand on propose des projets originaux. Mais j'évite la plupart du temps de penser à tout ça, car c'est assez déprimant, d'autant que ça me rappelle combien de bons artistes végètent ici en ne gagnant pas un rond.

Avant "Imbécile" tu avais mené le projet "L'Héroïne au Bain", quelle en était l'idée ?
Je voulais faire une sorte de comédie musicale, un projet qui pourrait exister sur disque, avec plusieurs personnages et une dramaturgie, et qui pourrait aussi devenir un spectacle, ou un film. J'ai commencé à y travailler en 1995, après la séparation des Objets, et il m'a fallu sept ans avant de pouvoir le sortir. Je pensais trouver des supporters pour ce type de projet, mais en fait ça a été difficile. Pendant ce temps-là, la comédie musicale plus traditionnelle ("Notre-dame de Paris" et consorts) a connu un essor absolument monstrueux dans notre pays. J'en étais malade... mais je fais partie de cette fameuse famille "parallèle", comme tu disais...

Et concernant "Imbécile", comment s'est mis en place ce casting ?
Le casting s'est fait assez facilement. Je souhaitais faire appel à Philippe Katerine et Helena, étant donné qu'on se connaît bien et qu'on avait déjà bien fonctionné sur "L'Héroïne au bain". J'ai juste découvert Barbara Carlotti en écoutant son premier CD autoproduit, et j'ai un peu tâtonné pour trouver le quatrième larron, avant de contacter JP Nataf, avec qui le premier essai sur mes chansons a été excellent.

Tu peux me rappeler le concept de ce disque ?
il s'agit d'un dîner réunissant quatre amis: un couple marié et deux célibataires. L'idée est que ces quatre personnages expriment leurs sentiments sur la vie, la mort, l'amour, les déceptions, etc. C'est un vrai dîner entre amis, intime, sans parlotes inutiles et mondaines. Personnellement, je n'aime pas les conversations stériles, alors ce dîner d'"Imbécile" était un peu mon rêve. Évidemment, je souhaite que beaucoup de gens puissent se retrouver dans ce que raconte "Imbécile".

Tu as tout construit seul avant de faire appel à tes invités, ou bien est-ce que vous avez monté le projet ensemble ?
Non, je construis mes projets tout seul. Pour "Imbécile", j'ai d'abord eu l'idée du dîner, puis j'ai pensé à ce que pourraient bien se raconter ces gens, etc. J'ai écrit les chansons, je les ai assemblées, j'en ai jeté certaines, j'ai gardé les autres... c'était une sorte de puzzle assez passionnant à faire. Ensuite, il y a une étape importante, celle où mes interprètes viennent essayer leurs chansons, comme si ils essayaient un costume, le costume de leur personnage. Mais ça se passe tout seul, parce que mes interprètes ont beaucoup de talent.

Est-ce que tu as prévu qu'"Imbécile" prenne forme sur scène ?
Oui, nous sommes en répétitions intensives. Il y a toute une partie théâtrale à créer, et mes interprètes, qui ne sont pas comédiens à la base, se prêtent à l'effort de jouer la comédie. Ils se débrouillent très bien. Philippe Katerine est remplacé par Bertrand Belin et Helena par Armelle, de Holden. On va présenter le spectacle les 5 et 6 novembre au Café de la Danse.

Vous partagez avec Ignatus le goût pour les "histoires" du quotidien, ton chemin et le sien ne se sont jamais recroisés ?
Hé non. J'avais évoqué l'idée avec lui de retravailler un jour ensemble, de refaire quelques concerts avec Les Objets -parce qu'on se débrouillait très bien sur scène-, mais il n'était pas intéressé à l'époque. Maintenant, ça nous fait plaisir de nous voir, mais le problème, c'est que, depuis trois ans, je n'ai quasiment jamais de temps libre.

Que penses-tu de ses propres productions ?
Je ne les connais pas bien. Juste après la séparation des Objets, Jérôme s'est démené pour lancer sa carrière solo et il a obtenu un très bon accueil. Moi, je ne pouvais pas écouter ses premiers titres, je venais de passer dix ans avec lui, je ne pouvais plus entendre sa voix... Mais mes amis aimaient bien ce qu'il faisait. Ce que je retire aujourd'hui de son oeuvre, c'est surtout son artisanat, au sens très noble du terme ; Jérôme fonctionne en indépendant, en assumant des tas de choses tout seul, et il reste très honnête et droit. Il n'est pas dans le "système", il invente son système à lui. Ses chansons me semblent parfois hermétiques, comme issues d'un monde complètement à part, mais ce n'est pas grave. Jérôme est un membre de la "famille".

Comment expliques-tu qu'il n'y ait aucune trace de tes influences, new wave, ou tout au moins anglo-saxonnes, dans tes deux albums, "L'Héroïne au Bain" et "Imbécile" ? C'est une volonté ou c'est naturellement que tes productions personnelles ne sont pas sous influence ?
Il y a pas mal d'influences dans "L'héroïne au bain", tu ne trouves pas ? En tout cas, il y a pas mal de musique de films. Mais j'essaie évidemment d'accoucher d'une oeuvre personnelle. Même dans "Imbécile", que beaucoup qualifient de "nouvelle chanson française" (qu'est-ce que c'est que ça !), il y a ma patte. Plus le temps passe, et plus j'estime avoir digéré le temps des "influences". Et mon travail en trouve petit à petit sa vérité.

Helena Noguerra est une curiosité, elle a collaboré avec Marc pour Ollano et Indurain, avec Federico pour Dillinger Girl & Baby Face Nelson, et maintenant avec toi. Qu'est ce qu'elle a qui la rend irrésistible ?
Helena est effectivement une "curiosité", dans le sens où elle se met très facilement au service des autres, Elle est même friande de ces expériences avec des compositeurs et des artistes. Beaucoup d'artistes féminines semblent figées dans leur personnage et dans leur style, Mais Helena est plutôt de l'école Claudine Longet ou Dusty Springfield : une voix et une plastique qui savent habiller des chansons écrites par d'autres. Il n'y en pas beaucoup comme elle, et c'est ce qui fait son unicité.

Tu as aussi récemment collaboré à Dillinger Girl & Baby Face Nelson, de quelle façon ?
Ça a hélas un peu avorté. L'idée était que j'accompagne Federico et Helena sur scène, et nous avons fait une paire de répétitions enthousiasmantes, ainsi qu'un ou deux shows télé. C'était vraiment bon. mais je n'ai pas pu suivre le projet, étant en tournée permanente avec Nouvelle Vague. J'en ai été un peu triste, car j'adore ce disque et les chansons du "French Cowboy".

Quels sont tes prochains projets ?
Continuer à survivre !! Plus sérieusement, je vais mettre "Imbécile" sur scène (gros chantier), continuer à tourner avec Nouvelle Vague... J'aimerais bien que Marc Collin m'appelle comme il le faisait régulièrement à une époque, notamment s'il est question d'enregistrer du matériel neuf pour Nouvelle Vague. À part ça, je réfléchis à un nouvel album, tout en étant à l'écoute dès qu'on me propose des projets intéressants.