|  Propos recueillis en juin 2009
DERNIÈRE SORTIE : "Of Faith, Power and Glory" |
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|  |   |  |      | Par Christophe Lorentz | Photos D.R. |
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|  | Décidément, il ne faut pas se fier aux apparences. Derrière une musique mêlant EBM, techno trance, et ce qui semble être des thématiques guerrières, VNV Nation est un groupe fondamentalement humaniste et humain, ardent défenseur de l'écologie, farouchement indépendant et axé sur l'émotion avant tout. C'est en tout cas ce qui ressort de l'entretien touffu que nous a accordé le très loquace Ronan Harris, l'homme derrière VNV Nation –assisté sur scène par le percussionniste Mark Jackson. Loin des clichés militaristes et misanthropes de l'électro-dark auquel on l'associe à tort, Ronan nous parle ici avec franchise de confiance en soi, d'environnement, d'accomplissement personnel, d'introspection et pour finir de l'industrie du disque. Du coup, on en oublierait presque que sa musique nous fait un peu moins vibrer aujourd'hui qu'à l'époque de "Empires"...
Ton nouvel album s'intitule "Of Faith, Power and Glory". Quel sens donnes-tu à ce titre ? Ronan Harris : En fait, il définit bien le concept global du disque, parce que chaque chanson est soit une interprétation du titre dans sa globalité, soit une interprétation de chaque mot qui le compose. Je pourrais décrire "Of Faith, Power and Glory" de deux manières. La première est que ce sont les trois choses que les êtres humains désirent, recherchent ou auxquelles ils s'accrochent. Des choses qui peuvent amener une personne au plus haut sommet, ou la détruire. La seconde interprétation est que ces mots décrivent un processus qui, je pense, concerne tous les individus au mode de vie alternatif. Les gens en marge ont généralement des ambitions créatrices, un idéal, quelque chose qu'ils veulent accomplir. Mais la plupart du temps, ils se sentent pris au piège : ils n'osent rien essayer, car ils se disent que ça ne marchera jamais. Cette attitude très négative affecte le processus créatif.
Mais pourquoi ces trois éléments ? Le processus est le suivant : "Faith" est la foi en un idéal, ou en un but que tu t'es fixé –c'est aussi le fait de commencer à croire en soi. Cela prend un certain temps, mais quand finalement tu y parviens, tu commences à ressentir une sensation de mouvement, la sensation que tu peux commencer à travailler, que tu es capable d'accomplir ce que tu t'es fixé. "Power" est la capacité à le faire, à prendre confiance en soi grâce à cette foi. C'est une émotion formidable : cela te rend capable d'accomplir de grandes choses. Et "Glory" est le résultat : si tu as atteint ton but, c'est fantastique ! Et si tu ne l'as pas atteint, c'est quand même glorieux, car tu as fait fonctionner ce processus, tu en as appris plus sur toi, et tu as créé cette synergie qui t'a permis de mieux connaître ta force, de mieux cerner ta confiance dans le fait de parvenir à accomplir des choses.
Comment décrirais-tu ce disque, notamment comparé à son prédécesseur, "Judgement" ? C'est le plus émotionnel des albums que nous avons fait jusqu'à présent, mais pas dans un sens abstrait ou délirant : il est émotionnel de façon très concrète. "Judgement" était un album sombre et interrogateur. "Of Faith, Power And Glory" est quant à lui un disque très positif, qui parle de prendre conscience de notre pouvoir et de l'utiliser, d'être capable d'accepter les choses, de se retrouver en paix et d'avancer. De plus, avec "Judgement", je pense que je m'étais beaucoup retenu : je n'étais pas allé aussi loin que je l'aurais voulu avec la plupart des chansons et des sons. Cela dit, il était important que "Judgement" soit une étape : parce que les gens qui suivent mon parcours ne sont peut-être pas prêts pour un changement radical. Il faut que nous évoluions de façon naturelle, que les gens s'habituent progressivement. Le plus important reste que le public apprécie la musique tout en captant le message. Quand ils écoutent les chansons et leurs paroles, ils sentent bien que, d'une certaine manière, elles deviennent une part de leur vie. Ce n'est pas de la musique jetable, quelque chose que tu entends en boîte et dont tu dis : "Oh, c'est joli. La mélodie est sympa." C'est beaucoup plus que cela !
Justement, tes textes sont de plus en plus orientés, impliqués, et d'ailleurs, le packaging complet du nouveau CD est totalement respectueux de l'environnement. Penses-tu que l'écologie est plus que jamais un sujet important ? Mon dieu, oui ! Je pense que nous aurions dû nous en préoccuper depuis les années 60 ! Le problème est qu'aujourd'hui les êtres humains pensent juste au lendemain : nous ne pensons même pas à l'année qui vient. Nous rejetons tous nos problèmes à vingt ans dans le futur. On ne pense même plus à ce que nous aimerions que le monde soit à l'avenir : c'est comme si nous avions accepté qu'il soit affreux. La question n'est même pas de savoir si c'est important de se préoccuper de l'environnement : c'est juste essentiel ! Que réservons-nous ) nos enfants d'ici 20 ans si nous continuons comme ça ? Des livres de cyberpunk sont sortis dans les années 80, des livres dans lesquels les auteurs imaginaient un monde avec de la pollution, des problèmes sociaux et une obsession pour la technologie privée. Et c'est arrivé ! La science-fiction a vu juste. Mais il n'y a rien de génial à ça, ce n'est pas un terrain de jeux que nous décrivons : nous décrivons une route qui mène vers l'enfer. Malheureusement, je ne pense pas que l'humanité changera tant qu'elle ne sera pas face à un désastre total. Et c'est presque comme si nous voulions déclencher volontairement ce désastre : nous savons que ça va arriver, nous savons que la population mondiale va s'accroître de façon hallucinante, que nos problèmes sociaux vont s'aggraver, que nous ne serons plus en mesure de nourrir tout le monde, qu'il n'y aura plus assez d'eau, qu'il n'y aura plus assez de pétrole...
VNV Nation existe depuis au moins 15 ans maintenant... Quand tu considères le chemin parcouru, que penses-tu de tout ce que tu as accompli ? Je suis très fier de tout ce que j'ai fait. Je suis aussi extrêmement reconnaissant. Mark et moi avons vécu des moments extraordinaires, où avant de monter sur scène, ou en sortant de scène, on se regardait et on se disait : "Comment diable sommes-nous arrivés jusque-là ?!" En ressentant un formidable et étrange mélange d'humilité et de fierté. Je n'ai jamais dit "J'aurais pu faire ceci" ou "J'aurais dû faire cela" : nous l'avons fait, et nous l'avons fait comme on le souhaitait. Personne ne nous a dit comment on devait le faire, et c'est quelque chose dont je suis particulièrement fier. Nous sommes aujourd'hui aussi indépendants que nous l'avons toujours été.
Tu penses que votre musique apporte quelque chose à votre public ? C'est ce qui est plus important que tout le reste, tous ces gens que Mark et moi avons rencontrés au fil des années et qui nous ont dit à quel point notre musique a pu les aider. Et en ce qui me concerne, la musique m'a permis de traverser les moments difficiles de ma vie. J'ai créé ma musique pour moi, comme une lumière pour m'en sortir. Ce la mêm façon que lorsque tu te donnes toi-même des conseils : tu ne les écoutes jamais, mais ça te permet de parler de tes espoirs. J'ai composé "Empires" lors d'une période très douloureuse, je n'ai pas voulu décrire ce que je vivais, j'ai voulu parler de ce que je voulais faire lorsque je m'en serai sorti. Quand nous sommes partis en tournée en Amérique après la sortie de l'album, et les gens ont commencé à venir me voir pour me raconter quelques-unes des histoires les plus incroyables que tu je n'avais jamais entendu de toute ma vie ! Il y a là quelque chose de purement gratifiant après toutes ces luttes, toutes ces douleurs, ce dur labeur, ces frustrations avec l'industrie du disque...
Votre parcours a été difficile ? L'industrie musicale est un tas de merde : il ya tant de gens persuadés que leur petit label est un empire. On se demande ce qui à l'origine les a amenés à la musique, ce qu'ils ont essayé de changer... ils aiment se taper dans le dos en se disant : "Ne sommes-nous pas formidables ?". Alors qu'ils ne font rien d'autre que distraire les gens avec des conneries commerciales. Je ne dis pas que notre musique est un truc fantastique que chacun doit écouter pour voir sa vie bouleversée. Mais je déteste cette industrie musicale contre laquelle nous avons constamment dû nous battre, à chaque fois que nous rencontrions de nouvelles personnes, à chaque nouveau niveau... Demande à n'importe quel groupe qui a le moindre succès, il te dira qu'à chaque étape que tu atteins, tu rencontres toute une nouvelle bande de connards, et que tu dois réussir à repérer ceux qui t'aideront sincèrement à atteindre ton but. Des gens qui formidables, qui t'inspirent, qui te montrent que jtu es sur la bonne voie et que ce que tu fais était bon. Il y en a, mais ils sont rares. |  |  |  | | |  | |
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