Propos recueillis
en février 2011


DERNIÈRE SORTIE :
"Deleted (1999-2006)"


SITE OFFICIEL :
http://undermathic.com/

LABEL :
http://tympanikaudio.com/
Par Bertrand Hamonou  
Photos D.R.  

Maciej Paszkiewicz est un jeune homme ambitieux. Auteur de deux albums hautement recommandés, parfaits compromis entre musique orchestrale et électronique pointue, le prodige Polonais prépare un troisième disque, mais qu’il a l’intention de laisser mûrir jusqu’à atteindre une certaine perfection. Celui qui ne veut pas entendre sa musique qualifiée d’IDM, nous explique sa façon de travailler et nous livre sans fausse pudeur convenue, les espoirs et les désirs les plus chers qu’il formule pour sa carrière déjà bien lancée.

On ne connaît que très peu de choses de toi, peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours musical ?

Je viens de Pologne et j’ai 29 ans. J’ai commencé à créer de la musique électronique en 1999. Jusque-là, j’avais toujours joué de la guitare et de la batterie dans des groupes de rock locaux. Bien que nous essayions de jouer quelque chose de différent à chaque fois, le son même de la guitare m’est vite apparu limité, je n’en sortais pas. J’ai toujours su qu’en utilisant des ordinateurs et du matériel électronique, j’aurais à ma portée des possibilités illimitées d’espace et de son, et j’ai voulu essayer. Quant au genre de musique que je fais, je ne sais pas de quel genre il s’agit... J’utiliserais les mots "espace", "profond", "sombre" et "lourd" pour la décrire. Ce dont je suis sûr, c’est que je veux que ce soit de l’art au plus haut niveau, que ce soit de la musique qui inspire des émotions. La meilleure façon de découvrir ma musique est encore d'aller écouter les morceaux sur mon site ou sur ma page MySpace.

Tes compositions sont très volumineuses de par le choix des sons utilisés. Qu'utilises-tu comme matériel ? De quelle façon procèdes-tu pour créer cet espace et cette profondeur dont tu parles justement ?
Pour moi, l’équipement ne compte pas vraiment. Aujourd’hui, comme tu le sais, il y a tellement de gens qui utilisent des milliers de samplers et de synthétiseurs et dont la musique est inaudible. Je ne veux certainement pas de ça pour la mienne, qui provient de ma passion pour cette forme d’expression, si forte et si riche en émotions. Le mixage est pour moi la base de toute bonne production musicale. Par exemple, si un titre est composé de trente pistes, toutes mixées en proportion et à des fréquences adéquates, alors le mastering est un pur plaisir. Mais arriver à faire un bon mix requiert une vision et une compréhension totales de ce que tu es en train d’écouter, de ce que tu fais et de ce que tu veux en faire. En ce qui concerne l’équipement, je suis en train de lentement passer des softwares aux hardwares. Les plugins virtuels comme ceux de Spectrasonics sont bons, mais rien ne remplace vraiment le véritable matériel que tu peux utiliser à loisir et avec lequel tu peux créer un son en tournant de vrais potentiomètres . C’est en tout cas beaucoup plus plaisant que de regarder un écran d’ordinateur. Aujourd’hui j’utilise Nuendo, et comme je peux jouer de n’importe quel instrument, je joue presque tout en live grâce à des contrôleurs MIDI et des synthétiseurs tels que le Nord Lead 2X, Waldorf Blofeld, Access Virus Ti2. Je peux créer des sons incroyables grâce à ces machines formidables. Reste que l’imagination est ce qu’il y a de plus important, quelles que soient les machines que j’utilise.

D'une certaine manière, ta musique me fait penser à un crossover entre In The Nursery et l'IDM. Es-tu d'accord avec ça ?
Je ne connais pas In The Nursery et je n’aime pas exploiter le terme d’IDM, parce que je ne crois pas qu’il s’applique à ma musique. J’ai même demandé au label Tympanik Audio de ne pas utiliser ce terme pour promouvoir mon nouvel album. Classifier la moitié des productions musicales du moment sous l’étiquette IDM est très à la mode, mais rien de plus. Ce qui me touche aujourd’hui, c’est plutôt de pouvoir lier d’une manière moderne le monde des synthétiseurs analogues avec celui des sons plus orchestraux. Pour mon troisième album, je voudrais parvenir à synthétiser le son de chœurs, de violons, de violoncelles et de harpes. Ce sera un mélange de sons incroyable.

Quels artistes t'ont inspiré pour faire cette musique très cinématographique ?
J’écoute vraiment de tout. Je ne distingue que le bon et le mauvais art, et plus spécifiquement l’art qui m’émeut, celui qui m’ennuie ou encore celui qui m’indiffère totalement. Chez moi j’écoute aussi bien The Prodigy que Barbra Streisand, et les artistes les plus importants pour moi sont The Cure, Kate Bush et Bjork. Mais j’aime aussi découvrir de nouveaux bons groupes, car c’est important de rester à la page en termes de sons, d’arrangements et de production. Si tu as suffisamment d’imagination, tu peux trouver de l’inspiration partout. J’ai vécu vingt-sept ans dans des régions industrielles, où je me nourrissais du son des trains, des aciéries et des centrales électriques. Je les ai tous enregistrés ! Aujourd’hui j’habite sur la côte et j’aime tout ce qui est lié à la mer. Cela a fatalement un effet sur ma musique.

As-tu été approché pour composer la musique d'un film ? Est-ce quelque chose que tu aimerais faire ?
Créer la musique d’un film est mon rêve et mon but ultime, figure-toi. Je n’ai pas encore reçu de propositions sérieuses, probablement parce que je ne suis pas encore très connu. Cependant, comme tu le sais, ce que je crée est idéal pour les films, les jeux vidéos et les publicités. Mais il est très difficile de se faire un nom dans ce milieu-là, car c’est celui des agents et des agences. Je ne peux pas y faire grand-chose, surtout que je vis dans une petite ville depuis trois ans maintenant. Je déteste cette situation et d’une certaine manière, je dois la changer et commencer à composer pour des films. Un titre comme Big City Nights est parfait pour ça, un jour ce morceau pourrait être utilisé dans un film, qui sait ? Je te recommande d’ailleurs de regarder la vidéo qui a été tournée aux US pour ce titre. On en tourne une autre pour Saiph en ce moment même en Pologne, à Krakovie.

Rob d'Access to Arasaka me disait récemment que Tympanik Audio fonctionne un peu comme une famille, et que vous échangez des idées les uns avec les autres. Vas-tu réaliser des remixes pour d'autres artistes du label ?
Je n’ai jamais réalisé de remix pour qui que ce soit chez Tympanik Audio, et personne n’a réalisé de remix d’un de mes titres non plus. J’avoue que c’est un peu de ma faute, tout simplement parce que je ne suis pas très friand de ce genre de chose, et personne ne m’a donc jamais rien demandé. C’est m’est égal à vrai dire, mais si quelqu’un me le demandait, bien sûr, je le ferais.

Tes deux albums sont sortis en un an, chacun en octobre. C'est parce que tu composes vite qu’ils sont sortis de manière si rapprochée, ou bien s'agit-il de matériel que tu as accumulé ?
Tu as tout à fait raison, j’avais déjà six morceaux prêts pour l’album "10:10 pm", et je n’ai eu qu’à composer cinq titres supplémentaires. C’est effectivement ce qui m’a permis de sortir mes deux albums en l’espace d’un an.

On s'attendait à ce que tu réalises un troisième album en octobre 2011, mais finalement c’est une compilation d’anciens titres qui est sortie.
Maintenant, je dois composer dix à quinze nouveaux morceaux, ça va prendre plus de temps pour un nouveau disque. Effectivement, un album complètement gratuit de quatorze titres est sorti en 2011, au format digital uniquement. C’est un album constitué des meilleurs morceaux que j’ai composés entre 1999 et 2006. Ce sont des titres importants pour moi, auxquels j’associe beaucoup de souvenirs. Et pour mon troisième véritable album, j’ai développé une nouvelle philosophie en matière de création. À partir de maintenant, j’enregistre chaque son avec une attention toute particulière, avec un sens du détail très poussé. Je travaille de cette manière sur le premier titre depuis octobre, mais cela va me prendre du temps, je devrais avoir fini fin 2012 ou courant 2013. Mais je peux te garantir que ça va être quelque chose d’énorme et de très spécial. Je n’ai pas envie que ce troisième album soit simplement bon, c’est insuffisant aujourd’hui de me contenter de ça. De bons CDs, il en sort tous les jours par centaines. J’ai dans l’idée de créer une musique qui fera sensation. J’en ressens le potentiel, je suis à un âge où je sais que je peux attendre les objectifs que je me suis fixés.

Qu'est-ce que le fait d'être signé chez Tympanik Audio a changé dans ta vie ou dans ta façon de composer ?
En toute honnêteté : rien n’a vraiment changé. Tympanik Audio est encore trop jeune et trop petit. Les choses changeraient si je signais avec Ninja Tune ou Warp, par exemple. Un tel contrat signifierait des concerts, plus d’argent pour acheter de nouveaux équipements, etc. Doucement, mais sûrement, il se peut que j’y arrive un jour, qui sait ? J’ai de bons espoirs.