|  Propos recueillis en mai 2012
DERNIÈRE SORTIE : "Tristesse Contemporaine" |
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|  |   |  |      | Par Yannick Blay | Photos Eric Beckman |
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|  | Tristesse Contemporaine est un trio parisien d’expatriés formé d'une Japonaise, un Suédois et un Anglais. Forts d’un excellent premier album entre post-punk et trip-hop, le groupe clôturera l’excellent festival parisien, Villette Sonique, le mercredi 30 mai. Nous avons voulu en savoir un peu plus sur cette tristesse aussi européenne que contemporaine qui leur sied tant…
Comment vous êtes-vous rencontrés tous les trois ? Narumi : J’ai rencontré Maik à Tel-Aviv alors que nous jouions dans Telepopmusik, le groupe dans lequel Maik était l’un des chanteurs et dans lequel j’ai joué des claviers. On a préparé la tournée pendant deux semaines entières. C’est à ce moment-là que l’on est devenus inséparables. On parlait de tout ce que l’on aime, la musique, les livres, les films et l’Art en général. Depuis, nous sommes les meilleurs amis du monde. Leo : Quant à moi, un ami en commun m’a présenté Narumi. Mon groupe d’alors, Aswefall, cherchait un claviériste pour un concert. Au retour d’une tournée au Japon avec Aswefall, nous sommes devenus tous les trois très amis. Maik a aussi chanté un titre sur l’album d’Aswefall. Comment cela se fait-il que Tristesse Contemporaine soit basé à Paris ? Quels sont les avantages et inconvénients de cette ville pour votre groupe ? Narumi : Nous n’avons pas choisi cette ville pour former notre groupe, cela s’est juste passé ainsi. Si nous avions vécu ailleurs, on n’aurait peut-être pas eu la même conduite artistique. Et bien sûr, nous n’aurions sans doute pas fait la même musique. Paris nous a certainement isolés, nous vivons ici comme dans une bulle. Même si nous nous sentons bien intégrés dans cette ville, le sentiment d’isolement est toujours là. Nous demeurons ici des étrangers en quelque sorte et Paris nous force à nous poser des questions afin que nous restions nous-mêmes dans notre vie quotidienne. Il est important de rester soi-même, surtout quand tu es loin de ton pays.
Tristesse Contemporaine est donc un groupe parisien composé d’étrangers ou d’expatriés, plus élégamment dit ? Oui. Encore que le terme "Parisien" ne veuille pas forcément dire la même chose pour nous que pour un Parisien français ! Narumi, il semble que tu aies une boutique à Paris vendant des vêtements "vintage". As-tu étudié la mode ? Oui, j’ai fait des études de stylisme à Paris. J’ai travaillé pour des magazines de mode japonais tout en bossant pour une galerie d’art à Tokyo qui produisait des t-shirts en édition limitée en collaboration avec des artistes que j’aimais. J’ai été assistante pour Christophe Lemaire, pour sa propre marque. Puis, avec une ex-collègue, Sandrine Arnone, nous avons ouvert une boutique de vêtements vintage nommée Mon Amour, qui a fermé en mars dernier.
C’est grâce à tes connexions dans la mode que le titre I Didn’t Know a été choisi par Chanel pour leur dernier défilé de mode ? Non, c’est grâce à Dirty, notre label, qui a envoyé notre album à Michel Gaubert qui sélectionne les musiques pour les défilés. Il a choisi deux de nos chansons. Il semble que cela aille assez vite pour vous, en tout cas. C’est déjà le succès, non ? Vous devez avoir pas mal de contacts, j’imagine… Il est un peu tôt pour parler de succès. Mais oui, nous avons beaucoup d’amis liés ou non à l’art, des gens qui nous supportent depuis notre premier concert ou depuis la sortie de notre premier single. Et nous avons la chance d’avoir beaucoup de presse.
Votre musique est indubitablement très européenne et vous faites souvent référence aux excellents premiers albums de Talking Heads. Cependant, je pense que la référence aux premiers New Order est plus évidente, non ? On ne fait pas référence à ces disques de Talking Heads, même si nous les aimons beaucoup. Ce sont plutôt les journalistes qui nous comparent à eux. Nous sommes attirés par certaines sensations du passé comme du présent offertes par la musique de New Order et celle d'autres groupes. Ce sont des chansons que nous avons beaucoup écoutées étant jeunes. Il est donc possible que cette influence transpire à travers les nôtres. Le son d’une grosse basse, une guitare froide, une voix morbide et des claviers oniriques. Mais si on cherchait délibérément à sonner comme cela, on aurait un son de merde. Votre son est très post punk, surtout sur mes préférées In the Wake, I Didn’t Know et 51 Ways to Leave your Lover… Ces chansons sont aussi très dansantes. Vous aimez danser sur ce genre de musique ? Bien sûr que l’on aime danser sur une telle musique dans les clubs. Mais danser toute la nuit sur un seul type de musique nous ennuie.
Vous avez écrit vos morceaux avec l’envie de faire danser les gens ? On aime surtout l’idée que notre musique soit écoutée par différents types de personnes… Quelles sont les chansons qui vous donnent envie de danser à n’importe quel moment de la journée ? (Le groupe se met d’accord sur…) Big Fun d’Inner City. Perfect Kiss dans sa version "Substance" de New Order. Voo Doo Ray de A Guy Called Gerald. The Promised Land de Joe Smooth. Il y a également sur votre album des titres dans une veine trip hop. Maik, on pourrait être porté à penser qu’en tant qu’ex-chanteur d’Earthling, tu es sans doute l’auteur de celles-ci ? Maik : On ne pensait pas au Trip Hop lorsque nous travaillions sur cet album, mais peut-être y a-t-il eu une sorte de persuasion inconsciente qui perdure dans la tête de certaines personnes lorsqu’elles écoutent certaines chansons. Earthling existe toujours, au fait ? Oui. C’est juste en sommeil depuis très longtemps maintenant.
Y a-t-il une raison précise autre que visuelle expliquant le fait que tu portes un masque d’âne sur scène ? L’âne est très têtu. C’est aussi un animal très mignon et très humain, à l’air mélancolique, et souvent considéré comme un idiot… Pour nous, ce masque d’âne représente une sorte de tristesse ou de destin inévitable, tout comme l’âne Balthazar dans le film de Robert Bresson.
Que vous a apporté Pilooski, votre producteur ? Pourquoi lui ? Plein de choses, mais le plus important sans doute a été dans son travail sur la structure des morceaux, surtout dans les fréquences basses, médium ou aiguës, là où on avait tendance à tout laisser au même niveau. Cela nous a donné un nouveau spectre de dynamiques. Cela peut paraître technique, mais pour réussir un album, il y a plein de décisions artistiques à prendre. Il était important pour nous que ce soit un producteur, mais aussi un mixeur avec un niveau technique et une expression artistique qui nous parle. Nous connaissions bien son travail et avons pensé que nous pourrions mêler de manière intéressante nos harmonies et sa puissance sur le plan des rythmes. Il est donc intervenu dans le mix et la post-production. On a réenregistré certaines choses à ce moment-là, mais c’était fondamentalement deux phases différentes.
Êtes-vous fans de culture française ? Quel en est le must, selon vous ? Narumi : Oui. La plupart des protagonistes du Surréalisme, les musiciens impressionnistes, Nouvelle Vague… En littérature, Céline, Rimbaud, Mandiargues, Pierre Louys... Il y en a tant…
Et vos artistes français préférés ? Claude Debussy, Erik Satie. Et J.L. Godard bien sûr, si on le considère comme étant français et non suisse. Quel est l’endroit que vous préférez à Paris ? Les terrasses des cafés au printemps. C’est la meilleure saison pour être à Paris.
Votre plat préféré ? La Raclette.
La littérature semble très importante dans votre vie et votre création artistique. Leo semble même avoir travaillé dans une librairie. Quels sont les livres qui ont pu influencer ou inspirer Tristesse Contemporaine ? "Démon" d’Hubert Selby Jr., "La Course au mouton sauvage" d’Haruki Murakami. "Moins que Zéro" de Bret Easton Ellis. "L'Homme-Boîte" (The Box Man) d’Abé Kobo. "Voyage au bout de la nuit" de Céline… Vos cinq disques préférés de tous les temps ? "Chelsea Girl" de Nico. "Thousand Knives" de Ryuichi Sakamoto. "Ravel Piano Works" joué par Samson François. "Screamadelica" de Primal Scream. "Let It Bleed" des Rolling Stones. Vous êtes plus vinyles ou CDs ? Les deux… On continue d’acheter des vinyles, mais bien moins qu’avant. Dans un petit appartement parisien, il est très difficile de garder de la place pour ça… Mais grâce à Dirty, nous sommes très contents d’avoir la version vinyle de notre album. Ça sonne mieux ! Narumi, tu as joué dans Múm, n’est-ce pas ? Non. Avec la galerie pour qui je bossais, nous avons collaboré à la création de produits tels que des t-shirts en édition limitée, mais rien de musical. Nous les avons rencontrés à Reykjavik, envoyés par le patron de la galerie, Mr. Chiba. Il était important de rencontrer les artistes avec qui nous devions travailler. J’ai un très bon souvenir de cette rencontre. Leo, est-ce qu’ Aswefall existe encore ? Leo : Oui, nous travaillons en ce moment sur de nouveaux titres. Nous sommes très contents du dernier album "Fun is Dead" (paru en 2010 -ndlr). Je ne sais pas quand l’autre sera prêt, mais nous avons pour le moment quatre ou cinq chansons et nous commençons à avoir une bonne direction. Qui est Daniela D’Ambrosio (à ne pas confondre avec Daniela Lumbroso, une des rares présentatrices de télévision à avoir eu la Légion d’honneur. La raison ou l’explication de cet honneur demeure d’ailleurs des plus obscures -ndlr) avec qui tu as collaboré sur Between the Miles ? Leo : J’étais dans un groupe nommé Veo Veo et Daniella en était la chanteuse. Nous avions un album de prêt, mais on ne l’a jamais sorti et le projet s’est évanoui. La seule chose qui soit sortie est un vinyle 10 pouces avec un remix très cool de Volga Sélect (Ivan Smagghe et Marc Collin -ndlr). Quand Clément et moi avons démarré Aswefall, Between the Milses était un des premiers instrumentaux sur lequel nous travaillions. J’ai demandé à Daniella si elle voulait chanter dessus et je suis heureux qu’elle ait accepté de le faire.
Comment avez-vous été programmé dans ce prestigieux festival qu'est Villette Sonique ? Nous ne savons pas, mais on est très honorés. La programmation est excellente et tellement excitante.
À quoi peut-on s’attendre lors de votre passage ? Jouerez-vous des chansons qui ne sont pas présentes sur l’album ? Oui, car nous travaillons aujourd’hui sur notre deuxième disque. Nous jouons un nouveau titre en live depuis le début de l’année. Et pour Villette Sonique, on prépare d’autres nouvelles chansons que l’on jouera à la Cité de la Musique. On espère donner un concert digne de cette prestigieuse salle ! |  |  |  | | |  | |
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