Light Asylum
Pantiero Festival, Cannes, 09/08/2012

Avec : Mina May, Light Asylum, Future Islands, Crystal Castles

SITE OFFICIEL :
www.festivalpantiero.com
Par Christophe Lorentz  
Photos Mathilde de Morny@Take A Drag Or Two  

Le sud-est de la France n’est pas particulièrement réputé pour son activité forcenée en matière de concerts rock, pop et assimilés. On peut même dire que c’est une région particulièrement sinistrée en la matière… Hormis l’été, où les villes des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches-du-Rhône semblent vouloir rattraper frénétiquement le temps perdu durant le reste de l’année en organisant moult festivals et évènements musicaux dans (quasiment) tous les styles. Certes, la tendance générale de ces grand-messes musicales estivales reste assez "grand public", sans réelle prise de risques et cantonnée à des "soirées musicales", avec des concerts répartis sur une semaine plutôt que des week-ends entiers de musique non-stop type Hellfest ou Eurockéennes, mais quelques organisateurs parviennent à capter l’attention des amateurs de musiques indépendantes en proposant des programmations plus pointues. C’est le cas du festival Pantiero qui, en dix années d’existence, est parvenu à imposer sa formule de quatre soirées consécutives consacrées à l’électro, au hip-hop et au rock indé. En général, deux soirées sont plutôt dévolues à cette dernière tendance (toujours plus ou moins mâtinée de musique électronique néanmoins), tandis que le groove et les bleeps se répartissent sur les deux autres. Il faut dire aussi que son cadre est assez original, puisqu’il se déroule sur le toit/terrasse d’une partie de l’immense Palais des Festivals, recouvert pour l’occasion de pelouse synthétique, avec un coin "lounge" garni de transats et une petite scène pour les DJ qui meublent entre les groupes.
Cette année, une moitié de la programmation était plus axée sur le hip-hop (avec notamment le crispant Orelsan), et la seconde soirée "pop indée" n’était guère excitante à notre goût. En revanche, l’affiche du jeudi 9 août se voulait plus dark et audacieuse, et a donc attiré notre attention.
À l’heure de l’apéro, ce sont les Toulonnais de Mina May qui ouvrent la danse avec leur mélange de post-punk dansant, de pop progressive et d’électro-rock. On pense parfois à The Rapture (notamment à cause du chant) et on accroche sur certaines lignes de basse bien cold ou des mélodies tendues. On baille par contre un peu lorsque le côté psyché prend trop le dessus, et on convient que les garçons sont encore trop empruntés sur scène –malgré leur évidente maîtrise technique. À suivre, néanmoins…
Les DJettes marseillaises Girlz Inthegarage s’assurent que la pression ne retombe pas entre les shows grâce à leurs remarquables sélections faites de post-punk, de noisy-rock ou d’électroclash.
On était quand même venu là surtout pour deux groupes : le premier monte sur scène alors que le soleil se couche doucement derrière eux. Il s’agit du duo new-yorkais Light Asylum, dont nous vous avons déjà dit tout le bien que nous en pensions dans nos pages. La charismatique chanteuse Shannon Funchess (définie comme un mélange de Grace Jones et Ian Curtis) s’extasie sur le lieu "magnifique" avant de lancer ses compositions tendues et hypnotiques, qui oscillent entre EBM, post-punk synthétique ou new wave pop. Les versions sont fidèles à celles des disques, notamment au niveau du chant toujours aussi puissant, mais quelques problèmes techniques semblent vouloir nous priver de fioritures supplémentaires. De plus, le duo choisit de jouer son tube définitif Dark Allies en plein milieu du set, et de terminer par une chanson nettement moins intense (le léger A Certain Person), alors que l’inverse aurait été de meilleur effet. On est néanmoins satisfaits d’avoir pu assister à cette prestation de l’un des groupes les plus originaux et marquants de l’année 2012.
Nettement moins lancinant, le trio américain Future Islands nous évoque furieusement les néoromantiques des années 80, Ultravox en tête, avec ses chansons exaltées aux synthés outrageusement vintage ! Certaines mélodies rappellent même ABC, tandis que la façon de chanter de Samuel Herring oscille bizarrement entre Spandau Ballet… et Killing Joke ! À la fois déconcertante et séduisante, la formule n’échappe malheureusement pas à une certaine monotonie, faute de diversité dans les ambiances et de réel relief mélodique. Mais notre cœur de new-waveux aura néanmoins été pris d’un pincement…
Enfin, la tête d’affiche de cette nuit sera à la hauteur de l’attente d’une partie du public et de sa réputation sulfureuse : Crystal Castles offre un show aussi décapant que revigorant et riche en adrénaline, avec un son qui vrille délicieusement les tympans, un light show glaçant et une Alice Glass déchaînée qui multiplie les bains de foule (et les gorgées de vin). Imbibé d’esprit punk (entre autres), le duo canadien –agrémenté d’un batteur en live– se veut radical et inattendu. Pari gagné : on en aura pris plein les yeux et les oreilles.
Bref, une fois de plus, le festival Pantiero a joué avec panache les défricheurs de talents et donné quelques émotions fortes. Seul point noir (toujours le même chaque année) : un public en grande majorité composé d’adolescents tout droit sortis d’un roman de Bret Easton Ellis, une jeunesse dorée décérébrée et antipathique, qui ne connait visiblement aucun des artistes programmés, ne sait pas se comporter en concert, et se retrouve là uniquement parce que c’est sur le chemin entre la sortie de la plage et l’entrée en boîte ("Le Palais", le club le plus atrocement branché de la ville, où viennent mixer Snoop Dogg ou Sean Paul, se situe juste en dessous). Ce qui explique finalement pourquoi le Sud-Est est aussi sinistré en matière de concerts intéressants…