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Propos recueillis le 10 mars 2014

DERNIÈRE SORTIE :
"Minuit dans tes bras"



La Gaîté Lyrique, Paris,
le 18 février 2014
Par Christophe Labussière  
Photos Stéphane Burlot  

Lorsque nous avons rencontré Michel Cloup pour la première fois, c'était en 1996 à Toulouse, à l'occasion de la sortie du troisième album de Diabologum. Même si le groupe n'avait pas été particulièrement agréable avec nous ce jour-là, l'échange restait passionnant. Nous décidions alors de mettre en couverture de Prémonition cette formation inclassable, sorte d'indie pop noisy saupoudrée de "rock français" aux références éblouissantes qui ne cessait de nous surprendre depuis son premier album.

Dix-sept ans plus tard, beaucoup de projets ont circulé autour de Michel Cloup. Après Diabologum il y eut Peter Parker Experience, Binary Audio Misfits, Panti Will, Experience et soudain, en 2010, le silence. À l'aube de ses 40 ans, celui qui était jusque-là le maillon fort de ces formations tout en guitares décidait de prendre le large et de continuer la route seul. Un besoin d'air, une envie de grand large, de s'émanciper de ce qui l'avait porté jusque-là, la nécessité de se retrouver. Le résultat : deux disques absolument magnifiques avec lesquels Michel ouvre son âme et offre ses tripes avec des textes extrêmement personnels, comme un besoin de se replier sur lui-même pour mieux imploser. "Notre Silence" son premier album démarrait sur ces mots : "Une histoire, mon histoire, universelle, banale. Mon histoire, notre histoire. Dans le creux de ton oreille, ce n’est pas rien." Parce qu'écouter Michel Cloup, ce n'est vraiment pas rien.

"Il faisait partie de ces artistes français ayant une vraie personnalité et des références", c'est en ces termes et avec un ton grave que Michel parle de Daniel Darc lorsqu'on lui demande de revenir sur "l'incident" qui les a liés. Et ce sont exactement ces mêmes termes que l'on peut utiliser pour définir Michel Cloup, car c'est sans audace que l'on peut risquer la comparaison entre ces deux Artistes.


Sur le titre "Ma vieille cicatrice",  l'association guitare batterie "rythmée" me fait penser à 10:15 Saturday Night de The Cure (dès le début, mais surtout à partir de 2mn). Tu y as pensé ?

Avant, non, mais après, plusieurs personnes me l’ont fait remarquer, et ce n’est pas faux.

Tu connais ce titre ?
Oui, j’adore la première période de ce groupe, minimale et sèche.

Cure, ça signifie quelque chose pour toi ?
Un groupe que j’ai un peu écouté pendant mon adolescence et que de temps en temps j’ai toujours du plaisir à écouter.

Avec Michel Cloup Duo, vous n'êtes que deux, Patrice Cartier à la batterie, et toi à la guitare. C'est parce que vous avez fait le choix qu'il n'y ait pas de basse que vous n'êtes que deux. Ou bien, c'est le contraire, c'est parce que vous ne teniez à être que deux qu'il n'y a pas de basse ?
Option 2. En commençant à jouer à deux, je me suis rendu compte qu’avec ma guitare baritone, je pouvais combler le trou dans les fréquences graves, ça m’a obligé à penser différemment la composition par rapport au format groupe classique, ce qui m’a fait beaucoup de bien à ce moment-là.

En fait ça change quoi, qu'il n'y ait pas de basse ?
Je dois bosser plus !

Et que vous ne soyez que deux ?
On est libres, on s’écoute beaucoup plus, on communique énormément. Il y a beaucoup plus de souplesse dans la composition même s’il y a certaines contraintes.

« J’adore les soli de guitare. Et je sais que ça fait flipper les fans d’indie Rock. Ça m’amuse aussi ! »


À la fin de Sortir boire et tomber, et de Minuit dans tes bras pt. 2, tu ne penses pas que tu as un peu exagéré sur les guitares ?
Si. J’adore ça. Et je sais que ça fait flipper les fans d’indie Rock. Ça m’amuse aussi !

En tant que musicien, quelles sont les limites que tu peux te donner, est-ce que il peut t'arriver de te dire "non là on en fait trop" (je parle par exemple de ces "solos" de guitare) ?
Quand ça ne sonne pas bien ou que c’est trop poussif, on coupe, bien sûr. Mais nous avons avec Patrice un seuil de tolérance assez énorme (surtout en ce qui concerne les soli).

Comment as-tu amorcé le travail sur ce second album, tu n'as pas eu peur de faire le même que le premier ?
Si, mais nous avons travaillé avec l’impulsion de la scène et des nombreux concerts que nous avons faits ces deux dernières années. Le duo a avancé, grandi, évolué tout seul. Le disque s’est fait naturellement, même s’il y a eu des moments de stress car nous savions qu’il était attendu. Il y avait cette envie de retrouver un son plus Rock et bouillonnant qui a permis de se démarquer facilement de "Notre Silence".

À la première écoute, j’ai trouvé ta voix vraiment différente sur ce nouvel album par rapport au précédent, comme si tu avais "rajeuni"… Comment tu expliques ça ?
J’ai pris de la DHEA pendant toute l’année 2013 ! Sérieusement, je pense que ça vient du fait que le disque est plus chanté que parlé, plus doux aussi vocalement. J’avais envie d’aller vers autre chose, de m ‘éloigner un peu de ce parlé-chanté. C’est aussi très agréable de chanter.

Au final, tu penses que ce disque est le même que le précédent ? En mieux ?
Il est différent, il n’est pas mieux ou moins bien.

En quoi est-il différent ?
Il est plus mélodique vocalement mais plus rêche au niveau du son, peut-être un peu plus maitrisé. On sent que le duo a pris plus de corps et d’assurance. 

Tu as deux enfants. Quel est le disque qu'ils ont un jour apprécié et qui t'a rendu "fier" d'eux, fier de toi ?
Ma fille qui a 11 ans est fan de Nirvana, de J. Mascis, des Beatles, de Bowie et de Daniel Johnston. Ça me fait plaisir mais ça ne me rend pas non plus "fier d’elle". Mon fils est plus jeune, il peut écouter Nirvana mais est aussi fan de Gangnam Style. Parfois on danse dessus à la maison !

Est-ce qu'ils écoutent tes propres disques ? Qu'est ce qu'ils en pensent ?
Ils écoutent mes disques, oui, ils ne sont pas encore en rejet ! Mon fils connait les textes de certains morceaux par coeur, et s’entraine sur sa batterie junior. Il est surtout fan de Patrice, en fait, je crois ! Ils savent aussi me dire assez durement quand ils n’aiment pas un morceau ou qu’un concert était trop long !

Tu as demandé à Françoise Lebrun de participer au titre Minuit dans tes bras, pt. 2 (dont je trouve la "chute" terriblement triste...). Comment s'est passée cette collaboration ? L'avais-tu déjà rencontrée à l'époque de "La Maman et la putain" lorsque vous aviez utilisé son monologue pour le titre avec Diabologum, ou bien l'as-tu rencontrée plus tard ? Comment s'est passée cette rencontre ?
J’ai rencontré Françoise en 2011, quand elle est montée sur scène avec nous pour la reformation de Diabologum. C’est elle qui a souhaité nous rencontrer. C’est une rencontre qui m’a marqué. On s’est revus plusieurs fois après. C’est une forte personnalité, avec un parcours assez exigeant. C’est une personne extraordinaire, très douce et très forte. J’avais envie d’aller plus loin, de lui proposer une nouvelle collaboration, quelque chose de différent, de sortir de "La maman…" afin d’être connecté au présent, plus qu’au passé.

« Quand j’ai eu 40 ans, j’ai eu envie de changer beaucoup de choses dans ma vie. J’avais envie d’écrire et de chanter des choses plus personnelles, de changer un peu de registre. »


D'où t'es venue l'envie de te "débarrasser" de tout nom de groupe et de jouer sous ton nom ? C'est un choix quand même particulier non ?
Quand j’ai eu 40 ans, j’ai eu envie de changer beaucoup de choses dans ma vie. Je n’avais plus envie de travailler en groupe, comme je l’ai fait dans les années 90 et 2000. J’avais envie de m’assumer sous mon nom. J’avais envie d’écrire et de chanter des choses plus personnelles, de changer un peu de registre. Quand nous avons commencé à travailler avec Patrice, il y avait cette idée de souplesse, que je puisse aussi jouer seul quand il n’était pas disponible. À ce moment-là, je suis reparti de zéro à tous les niveaux, et le fait de jouer seul ou à deux m’a aussi obligé à tout revoir et à tout repenser différemment artistiquement. Ça m’a fait beaucoup de bien.

« Après avoir enregistré ce titre, Daniel Darc voulait que l’on produise un album pour lui avec Diabologum. »


Tu avais collaboré avec Daniel Darc en 1997 pour la chanson Et si nous n'avions pas été là, l'histoire aurait été la même, mais racontée par d'autres, comment cette collaboration s'était-elle produite ?
C’était pour une compilation où chaque titre était une collaboration entre deux artistes ou groupes, en l’occurrence Diabologum & Daniel Darc.

Tu connaissais ce qu'il faisait avant de le rencontrer ?
Je connaissais un peu sa musique et je l’avais rencontré en coup de vent quelques années plus tôt.

Tu en pensais quoi ?
J’aimais bien certains titres de Taxi Girl ou certains morceaux en solo. Il faisait partie de ces artistes français ayant une vraie personnalité et des références autres que la sempiternelle "chanson française".

À sa disparition, tu avais posté un texte assez laconique sur ta page Facebook, comme s'il y avait eu une mésentente entre vous. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Après avoir enregistré ce titre, Daniel voulait que l’on produise un album pour lui avec Diabologum. C'était en 1998, il était un peu dans le creux de la vague, et nous étions sur le point de nous séparer. Nous n’avons pas donné suite à cette offre, et il l’a mal pris. L’enregistrement du titre avait été assez épique et Diabologum était presque mort.
Quand il a sorti "Crève Coeur", il a de nouveau été très exposé, il nous a bien pourris dans plusieurs interviews, en nous traitant de cons sans talent. Il a aussi raconté pas mal de mensonges et autres méchancetés sur notre sujet, qui se sont retrouvées retranscrites ici et là, sur des blogs. J’ai trouvé ça très con et gratuit, je l’ai recroisé plusieurs fois mais je ne l’ai plus jamais salué, je ne lui ai plus jamais adressé la parole. La dernière fois que je l’ai vu, c’était six mois avant sa mort. J’ai fait sa première partie à Rennes. Nous nous sommes copieusement ignorés. Quand il est mort, j’ai trouvé notre attitude commune débile, ça m’a rendu triste. Mais c’est ainsi.

« J’aime bien Paris, mais seulement quelques jours ! C’est trop grand, trop cher et trop gris pour moi. »


Tu viens assez fréquemment à Paris ces derniers temps pour la promo, des concerts, etc. Que penses-tu de Paris ? Et des Parisiens ?
J’aime bien Paris, mais seulement quelques jours ! C’est trop grand, trop cher et trop gris pour moi. La vie à Toulouse est plus facile pour un musicien et surtout plus douce.
Il y a un truc qui me dérange un peu à Paris quand je sors dans des bars ou des concerts, j’ai toujours l’impression de bosser, j’ai l’impression qu’il faut que je sois en représentation. C’est sans doute un blocage débile.