 | On aurait aimé prendre le temps de faire le point avec Peter Murphy à l'occasion de la sortie de son nouvel album, "Lion", qui vient tout juste de paraître. Nous l'avions déjà rencontré à plusieurs reprises, et, "à Prémonition" vous savez que nous avons toujours aimé les entretiens, parce que nous avons toujours tenu à ne les faire que lorsque nous le souhaitions vraiment, préférant éviter de rencontrer toujours les mêmes artistes à chaque nouvelle sortie de disques. Même un bon album ne nécessite pas forcément de devoir faire un "point annuel" avec son auteur.
La dernière fois que nous nous étions entretenus avec Peter Murphy date de 2002, avec la sortie de "Dust". Depuis, Bauhaus s'est reformé, dans sa formation originelle, avec, autour de lui, Daniel Ash, David J. et Kevin Haskins, une première fois en 1998, puis une seconde en 2005, il y eut même un album, puis suivirent de nombreux autres disques de Peter Murphy en solo, dont "Ninth", son avant-dernier, paru en 2011. Avec lequel il nous offrait une de ses plus belles réussites. Un disque que l'on attendait depuis très longtemps.
Puis vint "Lion".
Entre "Ninth" et "Lion", le charismatique leader de Bauhaus a mis en branle une tournée de pas moins de 50 dates pour célébrer les 35 ans de son groupe historique. Mais cette fois-ci, sans ses acolytes. Curieuse "reformation". Pendant cette même période, Peter Murphy a défrayé la chronique, il s'est en effet fait arrêter en Californie au volant de sa Subaru, ayant tenté de prendre la fuite après avoir causé un accident, sous l'emprise de méthamphétamine (crystal meth). Il a été condamné à trois années de probation, 45 jours de réunions avec les Narcotiques Anonymes, et 10 jours de travaux d'intérêt général. Nous n'avions pas relayé cette information dans nos pages, nous nous sommes toujours appliqués à ne parler que de musique et pas de faits divers.
"Ninth", puis "Lion", deux très bons disques consécutifs, deux bonnes raisons de faire un nouveau point avec Peter Murphy, douze ans après notre dernière rencontre.
Une demande au label, bien entendu immédiatement acceptée. Pas sûr que le garçon se souvienne de nous, mais le label, évidemment oui. Vingt et une questions. Soigneusement préparées. Envoyées.
Et là, problème. Seraient-ce ces questions qu'il aurait fallu éviter ?
Qu'est-ce qui t'a motivé à entamer seul une tournée pour les 35 ans de Bauhaus ?
Tu as demandé aux autres membres du groupe ? Aucun n'a accepté de te suivre ?
Peter Hook "chante Joy Division et New Order" sans les autres membres du groupe, tu trouves ça "légitime" ?
Daniel Ash aurait pu faire seul la tournée d'anniversaire des 35 ans de Bauhaus ? « I am truly sorry, but it seems some of your questions were not received well by Peter and he has now decided not to answer at all, as he is worried that you might be biased on certain matters... I tried to convince him otherwise to no avail. »
C'est la réponse de Patricia. L'attachée de presse allemande, pour l'Europe.
On insiste, on discute. On explique. Mais parmi nos 21 questions initiales, nous en avions posé d'autres encore plus inconfortables. Certainement celles qui ont bloqué Peter.
On a entendu parler de toi concernant tes frasques et ton addiction au crystal meth, comment as-tu pu réussir à ne jamais avoir d'ennui avec les drogues et la justice pendant près de 40 ans, et n'en avoir que maintenant, alors que tu as 57 ans ?
Et ton entourage ? N'a-t-il pas été finalement "soulagé" que tu aies été arrêté, afin que ça t'aide à décrocher ?
Tu as décroché ? « I tried again and I am sorry but he is definitively not going to answer the interview. Because of the aggressive and leading tone of the drug arrest questions, Peter is saying no to this one. »
Une triste fin de non-recevoir.
Mais on ne lâche pas. On se débat un peu, on explique notre position, que ce qui nous préoccupe c'est poser de vraies questions, pour avoir de vraies réponses, rien d'autre. On essaye d'expliquer qu'il y a de l'humour dans la première des deux questions, et quelque chose de plus positif et de plus sérieux dans la seconde.
« I think to an English person these questions are very direct and impolite. A German maybe would understand them, the way you meant them, because German’s are a lot more direct, in the way they talk. I think the French also just say what they think and I like that. But however you meant the questions (and honestly, even I don’t find the first question funny), Peter did not like the tone and is vehement on not answering. There is nothing I can do. I’ve tried everything. »
"Lion" est un excellent disque. Peter Murphy y exploite les mêmes ficelles, brillantes, que celles qu'il avait utilisées pour "Ninth", enchaînant des hits en puissance aux mélodies hyper efficaces, mais affichant en filigrane une sorte de hargne, sauvage, brute, à la fois mature, mais par certains aspects toute juvénile. Le disque est à la fois sale, plus sale que son prédécesseur, et surtout bien plus produit. Le résultat est vraiment spectaculaire.
Nous n'aurons pas l'occasion d'en parler avec son auteur. Celui-ci semble en effet être entré dans une nouvelle crise d'adolescence. Eu égard au résultat, nous ne lui en voulons vraiment pas. Nous souhaitons juste qu'il prenne soin de lui. |  |