DERNIÈRE SORTIE :
Alkimia



SITE OFFICIEL :
agentsidegrinder.com

LABEL :
Progress Productions
Par Yannick Blay  
Photos D.R.  

Depuis "Hardware", son précédent album, Agent Side Grinder affirme de plus en plus son penchant pour la pop. Si le côté radical à la Throbbing Gristle/ Cabaret Voltaire n'est maintenant plus qu'un souvenir du passé, les Suédois continuent pourtant à nous ravir avec leur nouveau disque intitulé "Alkimia", et ses mélodies new wave aux fortes réminiscences Depeche Mode du début des 80’s, et au post punk ravageur, l'ensemble teinté d’expérimentations industrielles discrètes, mais toujours menaçantes. Le charismatique chanteur Kristoffer Grip et le claviériste Johan Lange nous font l’amitié de répondre à nos interrogations sur l’alchimie particulière de ce quatrième album…

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"Alkimia" est plus pop que jamais, avec un titre comme Giants Fall qui est le morceau le plus mainstream que vous n’ayez jamais écrit, mais aussi avec beaucoup de chansons rappelant les tout premiers Depeche Mode, notamment New Dance ou For The Young. Comment l’expliquez-vous ?
Johan Lange :
On a mis l’accent sur les mélodies pour cet album, mais on a essayé de maintenir l’atmosphère sombre de nos débuts. Beaucoup de gens l’ont comparé comme toi au Depeche Mode des 80’s, ce qui me convient parfaitement. Cela veut dire que nous avons réussi à écrire des morceaux marquants. Beaucoup de groupes se contentent de sons sympas et de quelques effets, mais ils oublient d’écrire de bonnes chansons, une tâche bien plus difficile.

Je me souviens d’ailleurs que tu es un grand fan de Depeche Mode, ainsi que de Prefab Sprout. C’est surtout toi le mélodiste du groupe, non ?
Johan :
Tu as bonne mémoire, Yannick (rires). Je suis à l’origine de beaucoup de mélodies et de riffs sur "Alkimia", mais c’était déjà le cas à nos débuts. Tout le monde contribue et apporte ses idées dans le groupe.

Mais tu sembles être un peu le catalyseur d'Agent Side Grinder, aujourd’hui, je me trompe ?
Johan :
J’apporte la majeure partie des idées, mais tout le monde amène sa part. Certaines chansons, comme Giants Fall, se sont écrites presque toutes seules. Au contraire, un morceau comme Hexagon, a pris plus de temps à se développer au fur et à mesure des répèts'.

C’est l’alchimie particulière du groupe ? "Alkimia", le titre de l’album, doit se comprendre dans ce sens-là?
Kristoffer Grip :
Oui, quelque chose comme ça. ASG a toujours fusionné différentes parties qui ne semblaient pas aller ensemble à la base. Le tout est plus grand que la somme des parties. Avec cet album, on a rassemblé toutes les parties qui ont toujours été présentes, et on les a cuisinées afin de transformer l'ensemble en or.

Depeche Mode est-il un modèle pour vous en terme de carrière, aussi bien artistiquement que commercialement ?
Johan :
Oui, tu m’étonnes !! Mais on ne risque pas d’avoir le même succès. Le climat musical est bien différent aujourd’hui d’il y a 30 ans, une carrière comme cela n’est plus possible. Mais en ce qui concerne leur développement musical, on essaie de suivre un chemin similaire, en nous perfectionnant sur le plan technique pour chaque sortie.

Tu m’as dit un jour que Der Mussolini de D.A.F. était une sorte de modèle pour vous à vos débuts, une référence que vous aviez toujours en tête afin d’obtenir le son d’ASG.  Vous vous êtes pas mal éloignés de cette référence, non ?
Johan :
On a en effet évolué depuis, et nous avons d’autres objectifs aujourd’hui. Je pense qu’ASG a le potentiel pour des productions plus grosses et supérieures en tout. On a commencé ASG comme une réaction à tous les groupes laptop, n’utilisant que des logiciels de synthés sans absolument aucun élément live. Nous voulions ramener la nervosité brute et discordante qui peut exister dans la musique électronique. Pour accomplir cela, on s’est inspiré de l’exemple des pionniers, Throbbing Gristle, Suicide et DAF. Depuis 10 ans, la scène s’est beaucoup améliorée, je pense. Les concerts sont meilleurs et les albums sonnent mieux. L’industrie musicale est également plus excitante aujourd’hui, les fabricants relancent les synthés et boites à rythmes analogiques et il y a dans le même temps plein de matériel informatique disponible. Le temps nous a rattrapé et cela nous satisfait amplement.

À vos débuts, votre son me rappelait surtout le Cabaret Voltaire de la fin des 70’s. Pensez-vous que vous ayez un peu la même évolution en devenant de plus en plus pop, dansant et mélodique avec le temps ? À l’instar d’un Einstürzende Neubauten aussi, par exemple ? Vous attendiez-vous à évoluer de la sorte ?
Johan :
Peter (membre fondateur, aux synthés modulaires, bandes, séquences etc. -ndlr) avait une vision claire d’ASG dès le début. De mon côté, je ne savais pas à quoi m’attendre quand on a commencé, tout était très expérimental. Mais plus on jouait ensemble, plus je sentais que ce groupe était capable de faire plus qu'uniquement créer des sons particuliers. Pour ce disque, on a essayé une approche plus mélodique, ce qui, je crois, nous va parfaitement bien. Il est possible que l’on aille dans une tout autre direction pour le prochain album. Il y a tellement de chemins passionnants à prendre.

Revenir à plus d’expérimentations, peut-être ? Même si Peter est toujours aussi présent sur ce disque, il est tout de même plus en retrait et au service des mélodies. Il a utilisé de nouveaux instruments pour "Alkimia" ? Une trouvaille particulière dont vous pourriez nous parler ?
Johan :
Peter a samplé pas mal de sons fascinants et cool pour les rythmes, comme les clics d’un appareil photo analogique ou encore les cloches d’un vieux navire du 18e siècle. Ainsi que différentes séquences sur bandes, comme toujours. On a également utilisé des percussions faites maison, tels que des énormes bidons en plastique ou divers ressorts métalliques.

Je me souviens que vous avez beaucoup écouté "Black Celebration" et "Violator" à l’époque de la composition de "Hardware", ainsi que Nick Cave et Wovenhand. Qu’écoutiez-vous lors de la création d’"Alkimia" ?
Johan :
Beaucoup de classiques des 80’s de mon côté, des trucs comme "Pornography" des Cure, "First and Last and Always" des Sisters, "Tinderbox" de Siouxie, "Garlands" et "Treasure" de Cocteau Twins ; des groupes comme X-mal Deutschland et aussi Twice A Man. Mais tout comme pour la composition, chacun a des recommandations pour les autres en ce qui concerne ce qu’on se doit écouter.

Quelles sont les principales différences entre "Alkimia" et le précédent "Hardware", selon vous ? Vouliez-vous quelque chose de différent pour ce disque ou au contraire poursuivre dans la même veine, à la base ?
Kristoffer :
Hmm, difficile à dire. "Hardware" était le meilleur album possible à l’époque. C’était notre catharsis, et il a été reçu et perçu de cette manière. Il peut être difficile de donner une suite à un disque comme ça, alors nous nous sommes donnés du temps. On a passé trois ans à tourner pour "Hardware" dans toute l’Europe, puis à écrire, composer, écrire, composer... Je peux dire maintenant honnêtement que nous avons atteint un nouveau point de catharsis ; nous sommes meilleurs que jamais et je pense que c’est notre meilleur album, notre "Magnum Opus" !
Johan : Comme tu l’as toi-même remarqué, il contient plus de mélodies, c’est sûr. Et sur le plan de la production, ils sont très différents. "Hardware" était plutôt direct, presque minimaliste pour nous. "Alkimia" a plus de textures ; le son est plus puissant et plus spectaculaire, mais aussi plus froid et plus brutal, je pense. Je considère "Hardware" comme un album plutôt chaud. Beaucoup d’auditeurs ne seront sans doute pas d’accord avec ça.

Les lignes de basse sont plus présentes et importantes que jamais. Thobias Eidevald, le dernier membre à avoir intégré ASG semble avoir beaucoup apporté, non ?
Johan :
Oh que oui ! Sa puissante basse organique est un soutien crucial sur tout l’album. Il nous a rejoints juste avant "Hardware" et est donc maintenant un membre stable pour un bon moment.

Il y a de plus en plus de chœurs, ce qu’on appelle plus précisément en anglais les "backing vocals". C’est d’ailleurs Tobias et toi, Johan, qui vous en chargez…
Johan :
Oui, on voulait un son plus atmosphérique que sur nos précédents disques pour "Alkimia". D’où plus de textures, plus d’instruments additionnels et plus de "backing vocals". Kristoffer et moi avons des voix qui contrastent bien l’une avec l’autre, ce qui est parfait.

Il y aussi une certaine Nicole Sabouné aux chœurs et qui est même la chanteuse principale de la toute dernière chanson…
Johan :
On voulait essayer quelque chose de différent, une voix qui se mêle à la mienne d’une façon nouvelle, c’est ce que réclamait la chanson Last Rites. Nicole est une star montante très talentueuse de la scène dark pop suédoise, avec une voix caractéristique et nerveuse (elle a participé au The Voice suédois ! -ndlr). Nous sommes amis et très heureux qu’elle nous ait rejoints pour cette chanson.

Pourquoi avoir signé sur le label suédois Progress Productions pour ce nouvel album ? Parce que c'est le label de Kite et Henric De La Cour avec qui vous avez collaboré. Cela a-t-il influé sur votre décision ?
Kristoffer :
Progress est une compagnie déterminée avec de bons disques à son catalogue et un bon goût évident. Il nous est apparu naturel de bosser avec eux pour "Alkimia". Torny est un directeur de label dévoué. Il le dirige comme une famille, ce qui ne l’empêche pas de voir grand.

Pourquoi la chanson Beloved Fool en collaboration avec Kite n’apparaît pas sur le disque ?
Kristoffer :
Nous sommes fiers de cette chanson, Kite y fait des choses magnifiques, mais il n’y avait juste plus de place pour ce titre sur "Alkimia". On a donc décidé de le faire briller sur le EP "This Is Us 12" où il s’intègre parfaitement.

Vous avez bossé avec Dirk Ivens aussi l’an dernier. Il y a en tout cas eu Go (Bring it) Back, fruit de cette collaboration, et "mash up" d’une chanson de Klinik et d’une d’ASG…
Johan :
Oui, j’adore Klinik et les autres projets de Dirk. Mais la collaboration a vraiment commencé lorsque Dirk a exprimé son admiration pour ASG. On avait cette chanson nommée Bring it Back qui avait certaines similarités avec le classique de Klinik Go Back. J’ai eu l’idée, pendant mon jogging, de les mixer ensemble. Par chance, Dirk a accepté de l’enregistrer avec nous.

Il y aura une suite à cette collaboration ?
Johan :
Pas pour le moment, mais on reste en contact et on jouera et enregistrera d’autres choses ensemble dans un avenir proche.

Hexagon et Into The Wild sont pour le moment mes chansons préférées sur "Alkimia". Que pouvez-vous me dire sur ces titres ?
Kristoffer :
Hexagon était une des dernières chansons réalisées pour l’album. Elle a une pulsion quasi primitive et un chant qui implose pour se transformer en murmures. Elle a ce quelque chose de brut et sinistre que réclamait cet album. C’est un genre de sort vaudou. Into the Wild, au contraire, a été la première chanson que l’on a faite. On l’a testée en live pendant deux ans avant de la lustrer en studio pour la faire briller sur le disque. Ce morceau est une sorte de clé pour le reste de l’album, car il contient tous les éléments présents dans les chansons suivantes.

Le titre Void (The Winning Hand), avec sa rythmique rappelant les premiers Cure et ces sons de synthés très européens et aériens, allégeant du coup l’atmosphère générale, est peut-être le titre le plus original et surprenant de l’album…
Kristoffer :
On voulait obtenir pour cette chanson un sentiment de guerre froide ajouté à l’idée d’être trempé sous une pluie grisâtre. Elle aurait pu devenir le générique d’un James Bond ! Elle mêle les esprits de John Le Carré et Brecht. C’est un morceau atmosphérique, riche en textures, que l’on a cherché pendant des années à faire, je pense. On a vraiment essayé des trucs que l’on n'avait jamais faits avant.

Quel est le morceau le plus difficile à jouer d’"Alkimia" ?
Johan :
Nous n’avons fait que deux concerts depuis la sortie du disque. Mais comme on part en tournée ce mois-ci, on va probablement jouer la plupart des nouveaux titres. On pensait que Last Rites serait difficile du fait de toutes ses parties différentes, mais ça a l’air de sonner plutôt bien.

Quels sont les vieux morceaux que vous aimez toujours autant jouer sur scène ?
Kristoffer :
 Life in Advance demeure un compagnon stable. Et on ne sort quasiment jamais de scène sans donner libre cours à nos derniers fragments d’énergie au service de Die to Live. Mais notre préférée doit être Mag 7, sans aucun doute. Une chanson qui ne cesse de s’améliorer en live.

Et ton morceau préféré du dernier, en live ?
Kristoffer :
Difficile à dire, étant donné que toute nouvelle chanson est intéressante, mais peut-être This Is Us qui est à la fois mélodique, lyrique, punky et brute de décoffrage.

Quelle importance a votre ingé-son Pontus Svensson pour vos concerts ?
Kristoffer :
C’est notre sixième membre ! Quelles que soient la taille de la salle ou son acoustique, il s’arrange toujours pour que l’on sonne de manière élégante, brutale et claire comme du cristal !

Y a-t-il des groupes que vous ayez découverts récemment dont vous voudriez nous parler ?
Johan :
Il y a plein de nouveaux groupes bien cool. J’ai vu Youth Code à Stockholm récemment et j’ai été complètement sonné. J’aime aussi les récents Distel, Keluar, The Devil and the Universe ou Sally Dige. Et attention aussi au deuxième album de Nicole Saboune, les démos sonnent super bien !

Je vous avais envoyé un lien pour écouter le Parisien Cage Apotheek, dont je fais partie. Vous en pensez quoi ?
Johan :
Ça claque ! C’est bien brutal, voire satanique ! J’aimerais bien écouter ça avec une plus "grosse" production.
Kristoffer : Je te le dirai de vive voix le 21 mai à Paris !