Express
Dans un registre ambient éthérée et épurée à son paroxysme, Pieter Nooten (l'ex-Clan of Xymox des débuts) nous refait le coup de l’inoubliable "Sleeps With The Fishes", vingt-six ans après. Avec "Haven", cette fois en solo et sans Michael Brook, ce très discret musicien nous livre un double album contemplatif et méditatif, que l’on jugera carrément trop long avec ses vingt titres pour une heure cinquante-trois. Si l’on ne pique pas du nez pendant l’écoute, le disque nous transportera directement en extérieur s’extasier sur le bruit d’une vague ou celui du vent, rêvasser tout en ayant l’impression d’entendre passer un nuage ou d’écouter le changement de la lumière une fin d’après-midi d’automne. Ou comment donner une consistance sonore à ce qui, par définition, n’en a pas.

Complètement inattendu, le premier disque de musique électronique de Sun Kil Moon & the Album Leaf, Mark Kozelek en compagnie de Jimmy Lavalle de The Album Leaf, est bien plus surprenant. Il faudra d’ailleurs plusieurs écoutes pour se faire aux climats aux antipodes de ceux où se prélasse d’ordinaire en solo et de par le monde, la guitare à l'épaule, l’ancien chanteur des Red House Painters, et dont on ne compte plus les enregistrements live ni les albums semi-acoustiques. L’expérience de "Perils From The Sea" est unique et à tenter d’urgence, tant le duo fonctionne à merveille, ou comment le chant faussement fainéant de Kozelek se calibre parfaitement sur ces beats un peu froids et ces nappes franchement glacées, et dont l’alchimie culmine sur Somehow The Wonder of Life Prevails de plus de dix minutes.

Sortie en catimini juste avant l’été, la vraie bizarrerie électronique était à découvrir sur "Light as a Feather", le second album de Ocoeur, nouveau venu dans l’écurie américaine n5MD. Projet du seul Français Frank Zaragoza, ce second album sonne un peu comme si Yann Tiersen revoyait sa bande originale du "Fabuleux Destin d’Amélie Poulain" en mode mi-IDM, mi-acoustique. Ambiance boîte à musique teintée de prouesses technologiques donc, avec supplément de harpe et d’instruments asiatiques pour une réussite magique, entre comptines et ritournelles simplistes, mais pas si simples.

Terminons avec "Mine", le nouvel album d’Architect, qui commence superbement bien avec Altitude, mais nous perd en chemin sur le reste du disque. Au mieux, Daniel Myer s’est essayé à l’exercice d’intégration de voix féminines probablement suggéré par Alan Wilder lorsque l’Allemand ouvrait pour Recoil en 2011 et en a tiré le meilleur sur Closer, au pire il s’est embourbé dans une copie de Delerium dernière période comme sur Immaterial et Hummingbird. Malgré la présence de Hecq sur Bencq, rien n’y fait, "Mine" nous laisse sur notre faim.
Bertrand Hamonou