Pistes Noires* (de préférence)
Hommage Électronique-Pop à Étienne Daho
[BOREDOMproduct]
Il aura fallu trouver un sacré prétexte au label BOREDOMproduct pour réussir à monter ce projet qui réunit l'avant-garde de la scène pop électronique française sur un concept en apparence facile, parce qu'aux contours assez précis, mais à l'énoncé plutôt sélectif. On imagine d'ailleurs que les candidats ont du se faire rares et la sélection difficile. L'exercice, puisque c'est de ça dont il s'agit, est de réaliser des compositions électroniques à partir de structures "pop", accessibles au plus grand nombre, et d'y adjoindre un chant en français, intelligible, en avant, mais jamais au détriment de la musique elle-même. Comme une sorte de "variété électronique intelligente (VEI ?)". Autour de ce schéma directeur auquel on adhère totalement, se succèdent dix-sept artistes que l'on écoutera dans un premier temps avec soin, appliqué, comme le serait le jury d'une audition où défilerait un étonnant cabinet de curiosités. D'autant qu'au casting, hormis l'écurie du label BOREDOMproduct et Opera Multi Steel (qui apprécieront sûrement d'être considérés ici comme à l' "avant-garde de la scène pop électronique" !), les formations et artistes présents sont pour le plus grand nombre d'entre eux confidentiels.
On classera en trois parties les compositions de ce disque. Déjà, ceux qui réussissent parfaitement l'exercice, sans effort apparent, tels Happiness Project, Cyborgdrive, Phllox & Blue Bell None, Electrosexual, Dekad, Destillat, People Theatre, This Grey City, Laag, Celluloide et Polynomiq, offrant onze titres qui s'enchainent d'une façon extrêmement homogène, avec des compositions soignées, mélodiques, des textes souvent émouvants, pour le moins touchant, et toujours avec cette énergie "pop" qui donne envie "l'air de rien" de danser. Onze artistes qui sont à eux seuls la substantifique moelle de ce disque et en font, c'est acquis, une vraie réussite.
Deux formations ratent l'exercice en ne parvenant pas à maintenir l'équilibre demandé, Foretaste, qu'on adore par ailleurs, qui, s'il réussit son titre baptisé "Ouverture", impose trop la voix, d'entrée trop prégnante, et si sa prestation reste spectaculaire, le résultat ne correspond pas à l'effet recherché sur le reste du disque. Échec plus cuisant encore avec 360° qui offre un titre bien trop long, "Heures Indoues", sans jamais essayer de le faire évoluer ni de se l'approprier.
Trois artistes se distinguent avec des voix plus dissonantes, s'autorisant à prendre un autre angle de travail et rendent leurs compositions plus punchy, plus dansantes, plus sexy, et donnent ainsi un beau relief au disque. Opera Multi Steel transcende ainsi "Bleu Comme Toi", Neutral Lies "Week-end à Rome", et Auto-Immune "Paris Le Flore". Trois titres vraiment étonnants réalisés d'une façon plus "compliquée", avec des artistes qui osent prendre le risque d'être moins faciles d'accès mais qui se permettent de donner une vraie étoffe au disque.
La palme, pourtant hors-concours, car interprété en anglais, est Tourdeforce qui ouvre le disque avec "En Surface", titre magnifique dont la version originale figure sur le dernier album d'Étienne Daho.
Parce que, vous l'aurez compris, le prétexte qu'a trouvé le label pour imposer ses règles aura été de demander à chacun des intervenants de réaliser une reprise d'un titre d'Étienne Daho, pioché librement dans la discographie de l'artiste que l'on sait toute en nuances, en textes, en pop, et en émotions. Mais ça ne reste qu'un prétexte, même s'il se transforme de fait en hommage. En effet, que l'on connaisse les titres originaux ou pas, qu'on les apprécie ou non, ils ne servent finalement que d'ombre à ces réalisations véritablement envoûtantes de par le travail très personnel qu'a réalisé chacun des invités. 
Christophe Labussière