Alec Empire
Intelligence And Sacrifice
[DHR]

Depuis la mort de Carl Crack l'an dernier, les aficionados d'Atari Teenage Riot pouvaient avoir des craintes quant à l'avenir de la petite bande du label DHR. Ce nouvel album d'Alec Empire devrait les rassurer. En fait d'album, il s'agit d'un double (vendu au prix d'un single !) qui réunit les deux facettes musicales de ce Docteur Jekyll et Mister Hyde à la prolixité bouillonnante. Le premier CD a en effet tout de la fougue d'Atari Teenage Riot. On y retrouve Nic Endo (programmation et synthés), des guitares ravageuses et des messages vindicatifs vigoureusement déclamés. En bref, cette énergie explosive et jubilatoire qui détruit tout sur son passage ! Ainsi que le résume Alec Empire, ce premier CD est "comme conduire une voiture chère très vite et l'exploser contre un mur". Le second s'inscrit dans la continuité de ce qu'Alec Empire avait coutume d'explorer en solo, une expérimentation électronique plus conceptuelle, cyclique et entêtante, sans paroles ni cris.
À l'instar de cet animal hybride et sauvage qu'est Alec Empire, "Intelligence And Sacrifice" album difficile à marqueter, séduira autant les adeptes d'électronica que ceux de métal, de punk ou de noise.

Laure Cornaire



A Certain Ratio
Early
[Soul Jazz Records]

Vers la fin des années 70, deux tribus de jeunes gens de Manchester cohabitent en curieuse harmonie. D'un côté, ceux qui ont été fascinés par le souffre de Velvet Underground et le charme de Bowie (Joy Division, Section 25, Crispy Ambulance), de l'autre, les fanatiques de musique noire américaine, eux-mêmes enfants de la Northern Soul. A Certain Ratio est le trait d'union entre ces deux cultures animées par le même sens de la répartie. Nul besoin de savoir jouer d'un instrument pour s'inventer un univers musical riche, même si on s'attaque à la difficulté des rythmes funky. "Early", à l'initiative du label londonien SoulJazz, retrace l'aventure de ce collectif qui a partagé avec Cabaret Voltaire cette volonté absolue de singularité (A Certain Ratio s'était mis à la manipulation de bandes magnétiques après avoir assisté à un concert des Cabs). En deux CD, plus un clip au format Quicktime, cette anthologie est une sorte d'OVNI pour qui n'a jamais dansé sur des tubes glacés comme Shack Up ou Blown Away. Le livret chic à souhait est un cadeau de plus pour les nostalgiques d'une période qui n'a existé que sur un point microcosmique de la carte musicale du monde. Do the Du!

Anthony Augendre



Black Tape for a Blue Girl
The Scavenger Bride
[Projekt]

Éternel reflet des états d'âme de son leader Sam Rosenthal, les albums de Black Tape For A Blue Girl ont toujours baigné dans les eaux claires et les volutes éthérées d'un romantisme toujours très vivace malgré les années. La huitième réalisation du groupe ne déroge pas à la règle, sauf que ce "The Scavenger Bride" se pose d'entrée comme plus ambitieux. Centré autour de trois personnages submergés dans les tourments de la passion, du désir et de la solitude, ce concept album (élaboré dans l'ombre de Kafka) nous délivre la plus poignante des confessions amoureuses que Sam Rosenthal n'ait jamais couché sur disque. Un ouvrage tout en sensibilité et en grâce dans lequel chaque instrument (guitares, piano, flûte…) trouve sa juste place, véhiculant, chacun à sa manière les différents sentiments des protagonistes (le regret de Bastille Day, 1961, la désillusion de Like a Dog). Lumineux en même temps que profondément sombre, "The Scavenger Bride" exhale ses sons feutrés et planants comme autant de respirations s'évaporant dans les nappes de synthés (Floats in the Updrafts) et les murmures des cordes (The Doorkeeper). Épaulé dans son œuvre par l'angélique voix d'Elysabeth Grant et par quelques guests de luxe (Martin Bowes d'Attrition, Athan Maroulis de Spahn Ranch, Michael Laird d'Unto Ashes, Bret Helm d'Audra et Chris David de Judith), Sam Rosenthal écrit avec "The Scavenger Bride" une véritable ode au romantisme, touchante de pureté, dont il est bien difficile de se sortir. Un album définitivement propice à l'introspection et au vagabondage mélancolique.

Stéphane Leguay



Collection d'Arnell-Andréa
Tristesse des Mânes
[Prikosnovénie]

Près de 6 ans séparent "Tristesse des Mânes" du dernier album studio des Collection d'Arnell-Andréa "Cirses des Champs". Après un aussi long silence radio, on était légitimement en droit de se demander quelle tournure allait prendre le futur de nos Collections préférées. La signature sur le label Prikosnovénie aurait dû nous mettre la puce à l'oreille : les judicieuses guitares de "Villers-aux-Vents" et de "Cirses des Champs" ont en effet bel et bien disparues de ce nouvel album. Album ? Plutôt un travail de relecture (relativement fidèle) d'anciens titres de leurs trois premiers disques auxquels Jean-Christophe D'Arnell et les siens ont rajouté sept inédits. Des inédits qui fleurent bon le parfum désuet de ces poésies automnales chères au groupe et qui se fondent avec succès dans les couleurs ocre et pastel des quasi-classiques Kergal et autres Les temples élevés. Pourtant, ce singulier mélange (in)temporel dans lequel le passé rejaillit au travers du présent et vice-versa n'apporte pas grand-chose à l'édifice Collection. Orchestré à la manière d'une musique de chambre au milieu de laquelle piano et violoncelle dominent de leur timbre mélancolique, "Tristesse des Mânes" a, à la longue, tendance à nous anesthésier quelque peu, la belle voix de Chloé pouvant parfois même paraître un peu trop précieuse (Un automne restant). Aux lendemains d'albums "électriques" passionnants par les nouveaux horizons qu'ils semblaient ouvrir, l'arrivée d'un disque aussi intimiste nous laisse un petit goût de frustration dans la bouche et une déception à l'image des frimas de fin d'hiver : légère mais persistante…

Stéphane Leguay



Daniel Ash
Daniel Ash
[Psychobaby]

Autant Daniel Ash s’était raté avec ses deux premières tentatives solo en 91 et 92, autant ce nouvel essai restera comme un album exceptionnel. Même si Love & Rockets semble être aujourd’hui de l’histoire ancienne, on retrouve malgré tout ici quelques sonorités qui ne nous sont pas totalement étrangères. Derrière les percussions raffinées, la production et les arrangements exceptionnels, les guitares restent estampillées Love & Rockets et l’association d’une rythmique souvent endiablée à la voix de Daniel Ash nous ramène incontestablement aux meilleures heures du groupe. En introduction de cet album Hollywood Fix nous replonge dans des ambiances connues, et deux morceaux plus loin, Mastermind pousse l’insolence jusqu’à jouer avec le gimmick de Christian Says de Tones On Tail.
Daniel Ash nous entraîne tout au long de ces chansons sur lesquelles il sait parfois se mettre en retrait, cédant sa place au chant (Chelsea, Sea Glass) ou supprimant totalement ce dernier pour quelques pièces instrumentales (Rattlesnake, Lights Out). Les titres s’enchaînent, le rythme ne faiblit jamais, nous offrant un concentré de mélodies étonnant. L’influence de DJ Keoki se fait sentir tout au long d’un album parsemé d’ambiances électroniques, en particulier sur Burning Man, véritable travail de précision. La relecture de Spooky ou le titre Walk on the Moon sont également de purs moments de plaisir sur un album homogène dont la qualité se maintient de bout en bout.

Christophe Labussière



Das Ich
Anti'Christ
[Danse Macabre/Massacre]

Enfin ! serait-on tenté de dire à la vue de ce nouvel album de Das Ich, tant l'attente entre "Morgue" (98) et cet "Anti'Christ" nous a paru longue, en dépit de l'enthousiasmante compilation de remixes "Re_laborat" (99). Enfin ! serait-on aussi tenté de dire à l'écoute de l'implacable rythmique d'Engel car c'est un Das Ich puissant et intense qui nous revient après les mélopées ambiantes d'un précédent opus un peu frustrant. Car aussi habile soit la paire Ackermann-Kramm à nous pondre de superbes pièces ambiantes pour film ("Das Innere Ich") ou œuvre poétique ("Morgue"), elle n'est jamais aussi bonne que lorsqu'elle étale son savoir faire à mélanger ses beats saccadés, ses encorbellements symphoniques et son lyrisme tout allemand. Déclinant les hauts faits d'armes d'hier (les albums "Die Propheten", "Staub" et "Egodram") sur dix nouveaux titres allant de l'hymne guerrier Krieg im Paradies jusqu'au chant du cygne Der achte Tag, le duo transcende son art et son style dans une intensité tragique qui donne proprement la chair de poule (Tor zur Hölle, Vater)… Les psalmodies théâtrales de Stefan associées aux structures inspirées de Bruno font toujours merveille, donnant à n'importe quel titre la noirceur d'un requiem (Garten Eden) ou la lumière d'un hit irrésistible (Das dunkle Land). Preuve éclatante d'une évolution exemplaire en dépit des modes et des courants, "Anti'Christ" est à coup sûr le meilleur opus de Das Ich depuis le mythique "Staub".

Stéphane Leguay



Girls Against Boys
You Can't Fight What You Can't
[Jade Tree/Vicious Circle]

Rares sont les survivants de l'époque ou le hardcore américain régnait sur le panorama musical, disons entre 1991 et 1995. Plus discrets que ceux qui tenaient régulièrement le haut de l'affiche, Girls Against Boys, formé en 1990, a continué son petit bonhomme de chemin, délivrant à chaque nouvel album un petit bijou d'émotions et de rage à l'état brut. L'album précédent, "Freak on ICA", en 1998, était un tournant pour le groupe. La musique, moins "punk", s'était empreinte des influences techno de l'époque, offrant au groupe un peu de sang neuf, lui permettant de s'offrir la fréquentation d'un plus large public. Aujourd'hui, Girls Against Boys remet ça. Le groupe a achevé de digérer ses multiples influences, et les morceaux ne nécessitent plus qu'on s'y replonge à plusieurs fois avant de s'y abîmer. D'emblée on marche : la voix éraillée de Scott Mc Loud est toujours aussi impressionnante, la basse en avant continue à nous faire penser à un Joy Division noisy, et la guitare omniprésente nous rappelle constamment que lorsqu'on a goûté au punk, on n'en sort jamais tout à fait. Bref, les morceaux s'enchaînent sans que l'on voie le temps passer, et l'ensemble se savoure de la première à la dernière note avec le plus grand plaisir.

Frédéric Thébault



In Strict Confidence
Herzattacke
[Minuswelt / Sony Music]

Deux ans après leur dernier album, "Love Kills", plébiscité par toute la presse indépendante, le trio allemand d'In Strict Confidence revient sur le devant de la scène electro-gothique. Et la cuvée 2002 est tout aussi forte en bouche que la précédente, même si l'aperçu de leurs derniers travaux que constitue ce nouveau 8 titres ne représente qu'une suite logique de "Love Kills". Herzattacke est un hit sans aucun doute, et 5 versions devraient suffire pour vous en convaincre. Rythmiques lourdes, chants en allemand, voix toujours d'outre-tombe, multiplication de sons cybernétiques, la formule de cette musique à images de chaos a fait recette. Les trois autres titres sont de qualité inégale : si Into Ashes tient les promesses d'une ballade entraînante à la mélodie guerrière qui fait mouche dès la première écoute, on se lasse assez vite de Kaléidoscop, un instrumental qui manque un peu de variations harmoniques. Quant à Final Embrace, il s'agit certes d'un morceau oppressant mais qui porte en lui un goût d'inachevé. Bilan : un disque de facture moyenne pour tous les cyborgs exigeants. Cela sera-t-il réellement suffisant pour supporter l'attente de leur prochain véritable album ?

Stéphane Colombet



Metamatics
From Death To Passwords
[Hydrogen Dukebox]

Lee Norris est l'archétype du musicien électronique contemporain. Il vit à la campagne, avec sa femme et ses enfants, comme ses confrères baba aquatiques de Boards Of Canada. Il n'aime pas montrer sa trogne comme Richard D James et multiplie les projets sous différents pseudos comme le fait Uwe Schmidt. Lorsqu'il s'entiche de la techno de Detroit, Lee s'appelle Norken. Lorsqu'il dirige un label de jolie electronica, Lee opte pour la signature de Neo Ouija (qui a déjà produit deux compilations, les fameuses "Cottage Industries" 1 et 2, ainsi que les albums des groupes Infant et Sense). Mais là s'arrêtent les comparaisons faciles car ce nouveau Metamatics ne doit de compte à personne tant son univers est onirique. Si les trames en contretemps semblent naïves de prime abord, les harmonies et la plastique de l'ensemble laissent rêveur. L'utilisation de la poésie et de voix sont du meilleur effet. Un disque attachant, sincère, à des années lumière de l'austérité ambiante.

Anthony Augendre



Mlada Fronta
Oxydes
[Parametric]

On sait Rémy Pelleschi perfectionniste, une sorte d'orfèvre qui prend tout autant soin de ses créations sonores que de tout ce qui les entoure, et une fois de plus ici, il nous offre ce savoir-faire avec un double CD digipack, à la pochette et au livret soigneusement travaillés. Graphisme, esthétique, il porte attention à tout, prouvant à chaque fois que rien dans son travail n'est gratuit, mais malgré cela, il reste cette fois encore avare en indications pour guider l'auditeur dans la façon d'appréhender sa musique.
Là où son album précédent "Fe2 O3", était constitué de deux parties bien distinctes, "Oxydes" balaye d'entrée cette organisation pour mêler sans cohésion apparente morceaux "calmes" et rythmes plus dévastateurs. La façon dont ce disque s'articule est donc déroutante, mais évite ainsi la répétition.
Ce que génère "Oxydes" semble plus consistant que jamais. Les bande-sons névrotiques, Pbo, Li2O, Rho, sont à elles seules des sources inépuisables de création d'ambiances, d'images... on croit même parfois entendre les dialogues de ces films psychotiques que nos cerveaux créent de toutes pièces. Mlada Fronta est une machine qui joue avec notre imaginaire, qui contrôle notre inconscient. Rythmes décharnés (Mno, NO) et textures inconnues, voilà de quoi est fait "Oxydes", une sorte de minerai nouveau, ni solide, ni quoi que ce soit d'autre : jusque là tout simplement inconnu.
Le second CD offre 8 remixes très intéressants (Tarmvred, Dither, Mimetic, Milligramme, Gom, Data Raper et Mlada Fronta) et pas moins de 4 titres live en vidéo.

Christophe Labussière



Peter Murphy
Dust
[Metropolis]

On connaît depuis longtemps les affinités de Peter Murphy pour la Turquie. Jusqu'alors plutôt discrètes dans son inspiration, elles sont ici totalement dévoilées, et font de "Dust" un album à part dans sa discographie. Chaque morceau s'étend sur des durées allant de 6 à 10 minutes, et jamais il n'aura été autant nécessaire d'être attentif pour pénétrer l'univers de l’artiste.
Mais la patience et l'attention sont largement récompensées, car ce qui effraye dans "Dust" en est finalement la force. Plus profonde, plus insidieuse qu'aucune de ses œuvres précédentes, "Dust" ne sombre jamais dans la facilité. Et même si l'on retrouve tout au long de ses 70 minutes (pour seulement 9 chansons) le son si personnel et charmeur de Peter Murphy, le rythme est plus ouaté, les morceaux plus délayés, les rythmiques plus surprenantes. Les arrangements et la variété des instruments donnent une vraie richesse à l'ensemble. Les morceaux s'allongent, évoluent, se déconstruisent, brouillent les pistes. Peter Murphy a sciemment choisi la difficulté et sa voix est parfois le seul élément de mélodie sur une trame musicale subtile, riche et fouillée.
Déroutant, avare en repère, "Dust" arrive néanmoins à échapper au piège de l'expérimentation élitiste, et la nonchalance et la désinvolture apparente de Peter Murphy le rendent très attachant. Un disque pour les gens patients.

Christophe Labussière



Programme
L'enfer tiède
[Lithium]

Diabologum, groupe français né à l'aube des nineties, n'était pas, admettons-le, un groupe hilarant. Si leur premier album pouvait à la limite s'écouter sans que la déprime s'installe, cela a été de pire en pire au fil du temps qui passait.
Deux albums plus tard, le groupe, dont les textes au phrasé si caractéristique étaient devenus la marque de fabrique, consommait sa rupture, et Diabologum se transformait en Expérience d'une part, Programme d'autre part. Après un premier album intéressant mais difficile, "Le cerveau dans ma bouche", l'heure est venue de voir si la seconde branche brisée de Diabologum tient ses promesses.
Force est de constater que le groupe a évolué. Envolées les guitares noisy qui donnaient toute l'énergie à leurs morceaux, aujourd'hui, même la vigueur s'en est allée. Ne reste qu'une musique glaciale, terrifiante, que ne renierait pas Throbbing Gristle. Très expérimental, l'album ravira les inconditionnels du genre, sans forcément laisser d'ouverture aux non-initiés. Même l'écueil du chant "avé l'assent" disparaît rapidement devant la force de cette non-musique, issue des tréfonds de l'âme, une musique purement animale, sans la moindre trace de détachement ou d'humour.

Frédéric Thébault



Theatre Of Tragedy
Assembly
[Nuclear Blast]

On prend les mêmes et on recommence ! Plus d'un an après l'excellent "Musique", les anciens héros du doom-gothique reconvertis depuis en cyber-romantiques remettent le couvert avec leur nouvel album "Assembly". Convaincus, à juste titre, d'avoir trouvés avec leur précédente réalisation la recette miracle d'un métal électro poppy parfaitement assimilable par le plus grand nombre, les norvégiens ont sans doute cru facile de décliner cette subtile balance sur les onze nouveaux titres qui composent "Assembly". Raté ! Devenu trop synthétique et mécanique, leur métal s'est amolli sous l'effet d'une production trop léchée donnant à l'ensemble un goût artificiel bien insipide. Là où Image ou Machine faisaient imparablement mouche par leurs refrains inspirés et accrocheurs les Automatic Lovers et autres Play d'aujourd'hui s'embourbent dans de plates combinaisons bien moins captivantes et pour tout dire limite ennuyeuses. Le Theatre of Tragedy version 2000 avait découvert avec talent les joies de l'électronique et du vocoder mais pêche aujourd'hui par l'utilisation excessive d'éléments synthétiques qui auraient gagné à rester confinés derrière des guitares devenues trop propres (Superdrive). Restent quelques bons titres comme Universal Race, Let You Down ou Envision pour ne pas totalement bouder un "Assembly" pourtant bien décevant.

Stéphane Leguay



Wire
Read And Burn 01
[Pink Flag]

Après les anciens punks (Damned, Buzzcocks, Exploited…) reformés les uns après les autres, c'est au tour des groupes phares de la scène indépendante des eighties de reprendre les instruments. On a vu récemment Fad Gadget sur le devant de la scène, des groupes encore plus confidentiels comme A Certain Ratio réapparaissent subitement, enfin une multitude de jeunes groupes clament haut et fort leurs influences ; respect donc pour les obscurs d'antan, devenus par un coup de baguette magique les héros du XXIe siècle débutant. Les irréductibles Wire eux-mêmes, dont les trois brûlots "Pink Flag", "Chairs Missing" et "154" firent sensation entre 1977 et 1979, sortent de nouveaux morceaux 25 ans plus tard. Il faut dire que le groupe s'était déjà reformé une première fois, en 1986, pour quelques albums d'une pop new-wave toujours aussi novatrice et hors des sentiers battus, avant de disparaître pour de bon - croyait-on- en 1991, après "The First Letter", album sorti sous le nom de Wir, sans le "E" représentant le batteur retourné à ses moutons (au sens propre du terme !). Ce coup-ci, en six morceaux et un quart d'heure, nos quasi-papys (pensez donc, le guitariste B.C. Gilbert avait déjà 30 ans bien sonnés en 77) se la rejouent punk froid et monolithique, son actuel en sus. Et le pire, c'est que ça marche ! Pas un seul instant les six titres en question ne semblent démodés ou ringards. Soyons clair, on prend vraiment son pied, et si la chose se prolonge (il en est question) par un véritable "long play" album et pourquoi pas une tournée, vous pouvez être sûr que trois générations se presseront à leurs concerts, les ados post-techno côtoyant les punks cinquantenaires bedonnants. Mais en attendant, dégustons l'objet, il en vaut vraiment la peine…

Frédéric Thébault