Velvet Acid Christ
Hex Angel (Utopia/Dystopia)
[Dependent]

Bryan Erickson fait partie de cette catégorie d'élèves dissipés, de cancres malicieux qui semblent préférer l'indiscipline et le désordre à toute autre activité constructive. On le connaît en effet pour ses frasques, ses concerts désordonnés sous l'emprise de stupéfiants, ses déclarations régulières en faveur de ce type de produit, ses propos assassins à l'encontre de ses petits camarades de VNV Nation... Mais l'on sait que derrière ce type de comportement adolescent et suicidaire se cachent parfois quelques petits génies. On ne jurerait pas que Bryan en est un, mais il a incontestablement du talent à revendre. Trois ans après "Twisted Thought Generator", "Hex Angel (Utopia/Dystopia)" reprend tous les ingrédients qui lui (nous) sont chers : ambiances cinématographiques (des samples de dialogues de films servent de trame aux morceaux et s'intercalent entre chacun d'entre eux), mélange toujours atypique d'indus et d'électro, voix distordues et narratives... Le travail sur les textures est prodigieux, l'atmosphère est sombre, lourde, torturée, quasiment décharnée, "Hex Angel" fait clairement un pas de plus vers la noirceur. Le single Pretty Toy est une véritable bombe, de celle qui "gâche" presque l'écoute d'un album tant l'intensité qu'elle contient déborde sur tout le reste, et aucun autre morceau n'arrive d'ailleurs véritablement à l'égaler. Mais cette pierre angulaire fortifie l'ensemble qui, sans conteste, est une pièce de choix à ajouter à la construction hallucinante que Bryan entreprend de bâtir depuis maintenant dix ans. Lorsque ce sale gosse décide de faire les choses, il les fait vraiment bien.

Christophe Labussière



Andrey Kiritchenko
Kniga Skazok
[Ad Noiseam/Season of Mist]

Dès les premières notes, ce disque annonce la couleur qui sera la sienne du début à la fin : ambiance minimaliste et clicks & cuts. Des mots qui évoquent immédiatement l'univers d'un label comme Mille Plateaux, plus en tout cas que celui des contes pour enfants auquel Andrey Kiritchenko fait référence ("Kniga Skazok" signifie "livre de contes" en russe). On a effectivement un peu de mal à lier cette musique à un quelconque flash-back narratif et enfantin, d'autant plus que partant de ce postulat, le dernier morceau se termine plutôt en queue de poisson, comme s'il était involontairement tronqué, et on se demande du coup si une quelconque histoire a pu commencé puisqu'il n'y a pas vraiment de fin ! Il est par contre indéniable qu'une atmosphère particulière règne sur cet album. Certaines sonorités évoquent même des territoires connus qui nous transportent vers d'étonnantes réminiscences, bien musicales celles-là. Pneumatic/Airless, par exemple, déploie des sons de nappes de synthé qu'on n'avait pratiquement plus entendus depuis les Cocteau Twins... sauf qu'en lieu et place de la délicate voix d'Elizabeth Fraser, on a ici droit à toute une panoplie de blips et de glitches, accompagnés de quelques drones qui s'immiscent de-ci de-là, sans doute pour ajouter une note plus sombre et énigmatique à l'ensemble. Rien à voir avec le groupe écossais donc, même si au final on obtient un peu les mêmes sensations d'apaisement, ce qui n'est déjà pas si mal.

Carole Jay



BioChemical Dread
Bush Doctrine
[Cocosolidciti]

L'ours de Sheffield sort de sa tanière deux à trois fois par an. S'il est pratiquement impossible de prévoir à l'avance quel chemin empruntera cet illustre pépé de la musique industrielle prétechno (plus connu comme moitié de cerveau de Cabaret Voltaire), il est par contre plus facile d'anticiper sur ses réactions sensibles. Va-t-il hiberner après l'automne et s'assoupir sur ses prétentions artistiques? Ou fidèle à sa férocité légendaire, va-t-il mordre l'establishment en dénonçant les injustices qui le heurtent depuis son adolescence? Vous le saurez en écoutant les nouvelles aventures de Richard H. Kirk sous le nom de projet "BioChemical Dread". On retrouve sur cet album, composé l'an dernier, les obsessions qui dénotent de la facette politique vacharde de l'homme du nord. Lorsqu'il y a, quelque part dans le monde, une secte survivaliste qui manipule des paysans crédules, des assassins du Ku Klux Klan, des tyrans qui agissent en impunité totale, surgit alors Richard H. kirk armé de ses synthés lugubres pour dénoncer à sa façon la laideur de l'humanité. On pourra toujours le traiter de paranoïaque mais la cible, cette fois-ci, est le crétin Bush dont la doctrine de guerrier en croisade est épinglée à base de samples et de reportages sonores. Musicalement, l'esprit collage sert toujours de trame à des étendues électroniques, un brin tribales, surtout africaines dans l'âme. Un groove malicieux s'infiltre dans le discours de Bush l'inculte destructeur, qui devient l'acteur malgré lui d'une symphonie électro ou cohabitent le rythme, la séduction et le pamphlet. Enfin de l'esprit, de la critique, dans un mouvement qui semblait jusqu'ici dépourvu de conscience sociale.

Anthony Augendre



Camouflage
Sensor
[Polydor]

Alors là, chapeau bas. Comme si le trio allemand de Camouflage, adulé au milieu des années quatre-vingt comme la version germanique de Depeche Mode (rappelez-vous de The Great Commandment), s’était mis en sommeil pendant plus de quinze ans puis réveillé pour nous offrir ce que les quatre de Basildon -devenu trio- sont bien en peine de retrouver aujourd’hui : une pop synthétique simple et efficace, faite de mélodies accrocheuses et de refrains magnifiques qui vous donnent envie de pousser la chansonnette. "Sensor" est une perfection, au sens où le groupe a sans nul doute digéré le meilleur de ses propres clones, à commencer par De/Vision dont les ressemblances, y compris dans la voix et la façon de chanter, sont désormais troublantes. L’expérience est d’autant plus étonnante que Camouflage s’est essayé à ouvrir ses horizons musicaux pendant ces longues années, nous offrant des albums inégaux, presque expérimentaux parfois, jamais à la hauteur de "Voices and Images", leur premier album, auquel "Sensor" fait à l’évidence plus qu’un simple clin d’oeil. Particulièrement attendu des vieux fans, ce nouvel album apparaît, dans ce contexte, presque comme une œuvre de commande : les titres Me and You, I Can’t Feel You, I’ll Follow Behind, Thief ou encore You Turn s’inscrivent directement parmi les meilleurs tubes synthpop depuis la découverte de groupes tels que Mesh et autres De/Vision précités. Les sonorités, souvent proches de "Ultra" de Depeche Mode, sont mises au service de compositions assez dansantes, même si pour la plupart méditatives, souvent down tempo. Une perfection pour tout fan de synthpop.

Stéphane Colombet



Coil
Live One
[World Serpent]

Comme son nom ne l’indique pas, ce "Live One" est le quatrième live publié par Coil cette année. Pour clôturer cette série 2003 à rebours qui débuta par le "Live Four", c’est sous la forme d’un double CD que le groupe nous livre ses prestations de Londres et Barcelone enregistrées en 2000. Dès la première écoute, un doute s’installe puis mute en certitude : les performances font la part belle aux sonorités irritantes de "Constant Shallowness Leads to Evil". Même si l’objet est beau et indispensable pour tous les fans collectionneurs des productions du couple Balance/Christopherson, ce n’est pas ce joli blouson en peau d’ours polaire présent sur la pochette qui réchauffera le vide interstellaire contenu dans ces disques. Adepte de putréfaction sonore, Coil semble jouer des quanta d'énergie comme d'autres jouent de la guitare ou de la basse, et il faut bien avouer que le résultat, peu passionnant, est à rapprocher de leur difficile "How to Destroy Angels" réédité en 1992. Les deux concerts se ressemblent tant que ces deux CD font double emploi. John Balance se fait très rare et n’est présent vocalement que sur l’un des trois longs morceaux qui composent le concert de Londres, hormis ses cris qui clôturent le second CD. Amethyst Deceivers, en véritable fil rouge de cette série d’enregistrements live (car présent à chaque fois dans une version différente) se retrouve sur le concert de Barcelone (CD2) dans une version hybride méconnaissable. Avec ce disque, Coil ne repousse pas les frontières de la musique contemporaine, mais les pulvérise bel et bien. Sommes-nous seulement prêts ? Préférez écouter les "Live Four", "Live Three" et "Live Two", heureusement bien meilleurs.

Bertrand Hamonou



The Fall
Country on the Click
[Action Records]

Mark E. Smith doit bien se marrer quand il entend tout le monde s’extasier sur cette nouvelle scène new-yorkaise qui se réclame du mouvement dit "post-punk" (The Rapture, Liars, Clinic, Interpol, etc.). Lui, il était déjà "post-punk" avant même d’être "punk". Car le leader de The Fall, seul rescapé du The Fall millésimé 77, n’en a toujours fait qu’à sa tête, sans jamais avoir eu besoin d’être qualifié de "punk", "post-punk", "techno" ou "bal-musette". Avant cet album, est sorti un single ironiquement intitulé "The Fall vs 2003" (Vs = versus = contre), alors que le groupe n’a vraiment rien à combattre en 2003 : il surfe plus que jamais sur la vague du talent, de l’irrévérence et de la discrétion. "Country on the Click" sera sans aucun doute à classer parmi les meilleurs albums du groupe (c’est-à-dire un sur deux) : moins de délires, plus de mélodies, le tout nappé de délicieuses sonorités synthétiques, très "post-techno", au détriment des guitares. On pourra même mémoriser certains morceaux, voire les siffloter une fois la hi-fi éteinte : Boxoctosis, Mountain Energei ou le morceau-phare du single, Susan vs. Youthclub. Le groupe le plus intemporel de l’histoire du rock "alternatif" vient une nouvelle fois de prouver qu’il est non seulement diablement bien intégré à son époque, mais aussi qu’il est devenu incontournable, pour ne pas dire nécessaire, à toute discographie qui se respecte. Respect.

Frédéric Thébault



Haujobb
Vertical Theory
[Out of Line]

Depuis ses débuts dans les années 90, Haujobb, le principal projet électro de Daniel Myer, a régulièrement évolué et s'est rarement trouvé là où on pouvait l'attendre : après avoir été à ses débuts un des meilleurs clones de Skinny Puppy, le son de Haujobb s'était affiné au fil des albums et avait pris un virage (très fraîchement accueilli à l'époque) vers une electronica austère et complexe avec l'album "Ninetynine" et ses remixes. Haujobb était ensuite revenu à des horizons plus abordables avec "Polarity" (2000) et sa future pop légère, intelligente et (relativement) complexe. On aura cette fois moins de surprises avec ce nouvel album car on disposait déjà de quelques indices révélateurs (le maxi "Penetration" et le morceau A Terrifying Truth v0.1 sorti sur un sampler du label Out Of Line). Au risque de décevoir une nouvelle fois ceux qui voulaient qu'il retourne à un son plus dur, Daniel Myer est bel et bien resté dans l'esprit de "Polarity", puisqu'on y retrouve cette même future-pop mutante, teintée de dark electro, d'EBM et d'electronica. Heureusement, l'album possède son lot de très bons morceaux (Metric, Platform, Slide, les nouvelles versions de A Terryfing Truth et Penetration) et Daniel Myer a conservé son savoir-faire et ne succombe toujours pas à la facilité de faire un tube rythmé et mélodique ni ne tombe dans le schéma classique couplet/refrain. Au final, si plusieurs écoutes sont nécessaires pour apprécier l'ensemble à sa juste valeur, c'est bel et bien au dessus de la masse des productions du genre que se situe ce "Vertical Theory". Une constance chez Haujobb, encore une fois vérifiée.

Renaud Martin



Interpol
The Black EP
[Labels]

Un an après la sortie du phénoménal "Turn on the Bright Lights" et la Black Session enregistrée à la Maison de la Radio pour France Inter, Labels propose enfin aux Européens d'entendre quelques extraits de ce qui fut une révélation pour qui découvrait alors le quatuor (en fait augmenté d'un cinquième membre aux claviers sur scène) en live. Même si les conditions de l'auditorium confèrent au son un côté excessivement ouaté malgré la voix mise très en avant aux dépends des guitares, on (re)découvrira alors avec délectation l'énergie qu'Interpol sait déployer d'emblée comme sur Obstacle 1 et PDA, single imparable, ou encore la sublime gravité d'un Specialist et de Leif Erikson. Les deux titres prétextes à ce mini album n'en demeurent pas moins magnifiques puisqu'il s'agit de Say Hello to the Angels, tel qu'il est disponible sur l'album, et NYC dans sa version démo enregistrée en 2001. Seul point noir : cette version "inédite" de NYC fera doublon pour ceux qui s'étaient précipités sur le trois titres "Say Hello to the Angels/NYC" sorti en avril chez Matador UK et disponible en import.

Catherine Fagnot



Melmac
Les Secours arrivent et prennent le relais
[Ronda]

Le duo Reverter présente enfin son premier album, après avoir sorti trois EP depuis 99 -citons notamment "00:20:37", six titres-mirage de 2001 à situer entre un Brian Eno période Apollo, Diabologum et Godspeed You Black Emperor. Loin de s'essouffler dans le post rock, direction majeure de leurs précédentes productions, Melmac persévère dans l'electronica ambient avec habileté pour nous livrer des textures, couleurs et résonances uniques. Et Melmac de développer sur "Les Secours arrivent et prennent le relais" un sens aiguisé du détail et de la mélodie. Le xylophone, le piano à pouces, le gamelan, pour ne citer qu'eux dans les percussions utilisées, sont traités avec parcimonie et finesse. De quoi agrémenter les toiles fines et denses posées en fond par les samples ou relayer les guitares discrètes et tisser des ambiances certes répétitives mais subtilement contrastées. Et quand le groupe fait un split avec Transmissionary Six (onzième et dernier morceau de l'album), le résultat n'a rien à envier à certains morceaux de This Mortal Coil.
Zoom urbain ou panoramique interne, pixel de lumière ou déferlement de cauchemars, ce premier album est une pépite.

Catherine Fagnot



µ-Ziq
Bilious Paths
[Planet-Mu/La Baleine]

Depuis la création de Planet-Mu, dont il s'occupe à plein temps depuis 1998, Mike Paradinas aura du consacrer bien plus de temps à son label qu'à son projet principal : µ-Ziq. "Royal Astronomy", son dernier album en date a déjà 4 ans, et même s'il a depuis sorti plusieurs disques sous quelques-uns de ses nombreux pseudonymes (Kid Spatula, Slag Boom Van Loon...), ce nouvel opus se faisait réellement attendre. Évidemment "Bilious Paths" est une belle surprise qui nous rappelle que peu de musiciens sont capables d'égaler la dextérité de ce pionnier de l'electronica. Une surprise qui ne s'apprécie néanmoins pas d'emblée car on peut être étonné, à la première écoute, de découvrir un µ-Ziq un peu moins novateur. Deux explications à cela : la première est qu'à force de s'occuper de ses petits protégés, Venetian Snares et Hellfish & Producer en tête, notre homme s'est inévitablement imprégné de la folie créatrice de ces derniers, ce qui apporte de toute évidence un plus à ses compositions mais, de fait, rien de bien nouveau. La deuxième est qu'à force d'être abondamment pillé, comme tout bon pionnier qui se respecte (demandez donc à Aphex Twin et à Autechre ce qu'ils en pensent), le retour de bâton oblige sans cesse à se renouveler, au risque de passer soi-même pour un copieur. Le comble ! Heureusement, la "patte" de Mike Paradinas reste bien présente, et à une époque où certains préfèrent privilégier l'expérimentation au détriment de la mélodie, celui-ci nous prouve qu'il excelle toujours dans l'élaboration de compositions étonnamment fluides et cohérentes, au milieu du fusionnement général des différents styles qu'il aborde (breakbeat, ragga, techno hardcore...). Dédié à Lorien, l'un de ses deux enfants, "Bilious Paths" serait d'après son auteur le dernier album qu'il réalise sous le nom de µ-Ziq, mais qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse.

Carole Jay



Sonar 2003
Compilation
[Mute / Labels]

En juin dernier se tenait à Barcelone la dixième édition du festival de musique électronique et d'art multimédia, Sonar. Devenu une véritable institution depuis sa création en 94, le festival accueille durant trois jours et nuits les artistes de la scène électronique internationale. La programmation diurne ouverte aux expérimentations les plus audacieuses offre la possibilité au public de découvrir de nouveaux talents. La programmation nocturne est plus festive avec la participation des grandes pointures de la techno. À cette occasion le label Mute édite la compilation du festival : un double album présentant une sélection de 28 artistes de l'édition 2003. Le premier opus est consacré au Sonar de jour avec les artistes aussi variés que Data Rock, GD Luxxe, Colder, David Grubbs, Prefuse 73, Pole, Seefeel, ou Matthew Herbert... Le disque propose une sélection de morceaux d’électronica raffinée. Abolissant la frontière entre rock et musique électronique, la plupart des groupes intègrent le chant dans leurs compositions pour notre plus grand plaisir. Le deuxième opus est d’une facture plus techno avec la participation d’artistes de grande renommée comme Carl Cox, Jeff Mills, Laurent Garnier, Underworld, LFO, Scan X, Johannes Heil. Une alternance de sets dansants et de morceaux calmes aux couleurs plus subtiles. Au final cette compilation dresse un panorama plutôt réussi des dernières tendances de la musique électronique.

Delphine Payrot



Sweep
Two Players
[A Different Drum]

Après plusieurs apparitions sur diverses compilations, on attendait avec impatience le premier album de ce duo norvégien, s’annonçant comme un nouvel Erasure. D’entrée, le single Emptiness, your Loneliness démontre un vrai don pour des mélodies synthétiques nouvelles d’une efficacité évidente -sans usage abusif de lourdes boîtes à rythme- et d’une variété nécessaire à sa pérennité. L’impression d’ensemble n’est certes pas révolutionnaire : on pense beaucoup à Human League comme à d’autres bons groupes du début des années 80 comme Heaven 17, avec ces sonorités de vieux synthés analogiques qui rappellent le meilleur de Giorgio Moroder, Visage, parfois même, étrangement, de Alan Parson Project, mais aussi des premiers Depeche Mode : de l’electroclash au masculin donc, plutôt down tempo. On regrettera néanmoins que le groupe n'ait pas fait preuve de plus d'audace et qu'il se soit plus ou moins contenté de reproduire la bonne vieille formule de la wave synthétique sans chercher à créer un son plus personnel. En bref, de la musique pour vieux nostalgiques des eighties ; les amateurs de future pop passeront leur chemin.

Stéphane Colombet



VAST
Turquoise V3.x
[realVast.com]

La qualité est une substance qui ne se distille pas facilement, et c’est après un silence de près de trois ans que Jon Crosby décide de nous livrer une version provisoire du prochain VAST via le site internet de son groupe. Comme il doit être difficile de donner une suite aux deux albums précédents, tant ceux-ci regorgeaient de trésors de mélodies et d’ingéniosité ! Et pourtant, c’est encore un sans faute. La voix de Jon est toujours aussi magnifique et il suffit de se ruer sur Don't Take your Love Away pour dissiper les derniers doutes et se laisser emmener par son refrain irrésistible. Sur Ecstasy Jon se prend pour Bono avant de se rappeler, sur Falling From the Sky, qu’il est VAST à lui tout seul et qu’il a mieux à offrir. Dans le même registre, le morceau Turquoise précise que si l’ensemble de l’album est plus calme que les deux précédents, la bête n’est pas morte et peut encore montrer les dents. Be with Me, Can't Say No (to You) et Thrown Away séduisent immédiatement, la potion VAST (un savant mélange de samples de voix et de sons piochés on ne sait où, une voix inimitable et un jeu de guitare maîtrisé) fonctionnant toujours à merveille. L’acoustique et déchirant Desert Garden en surprendra plus d’un, tandis que I Woke Up LA remplit à merveille le rôle du single impeccable. Comme tous les grands disques, cet album comme ses prédécesseurs livrera ses secrets écoute après écoute, riche d’un équilibre stable entre la douceur et l’électricité. Il y a fort à parier que la prochaine version "Crimson V3.x" prévue pour la fin de l'été sous la même forme, sortira elle aussi avec son lot d'excellentes surprises.

Bertrand Hamonou

Express

Annoncé depuis 1998, le retour de Laibach est "enfin" une réalité. À quelques semaines de la sortie de l'album "Wat", le titre Tanz Mit Laibach, "dédié à l'amitié entre les peuples américains et allemands" (!), est ici décliné en 5 versions, remixées par les DJ Zeta Reticula (alias Umek), Johannes Heil et Temponauta. À elle seule la pochette du single vaut le coup d'œil, affichant une coiffe ornée du logo du groupe et d'une Totenkopf du meilleur goût. Douglas Pearce va en mourir de jalousie. Les Slovènes ne font donc toujours pas dans la dentelle et distillent plus finement que jamais leur humour "légendaire". On retrouve La voix inimitable de Laibach, toujours parfaitement maîtrisée, sur une électro aux forts accents "DAFiens", agrémentée de quelques touches de ces chœurs féminins irrésistibles... Le combo n'a pas perdu la main et fait même preuve d'une grande vitalité. Patientez encore un peu, l'album "Wat" est largement à la hauteur de ce single, on vous le promet.
Beaucoup plus décevant, le "Damaged" de la formation Hawaïenne Razed In Black. Si par le passé Romell Regulacion faisait preuve d'une vraie singularité, c'est aujourd'hui un album totalement impersonnel qu'il nous propose. Il lorgne ici plus que jamais vers la synth-pop et a totalement abandonné son électro agressive qui avait pourtant fait preuve de toute son efficacité. Le résultat frise le ridicule et les remixes qui figurent sur le deuxième CD pourront tout au mieux servir de sonnerie polyphonique pour votre portable.
Il suffit d'aller de l'autre côté du globe pour découvrir une formation qui attise vraiment notre curiosité, avec son mélange atypique d'électro et de guitares qui cohabitent avec une voix plutôt charismatique. SSS (pour SubSonic Symphonee) vient d'Australie et ne devrait pas avoir beaucoup de mal à s'imposer hors de son continent. Allez découvrir leur dernier single en date, "Images" sur leur site.
Retour aux sources avec "La Forge" de Grandchaos, le side-project de la formation belge Ivanovitch Dans l'Ombre qui s'offre un bel exercice d'EBM old school. Son auteur, Tcheleskov, nous entraîne dans un curieux voyage dans le temps qui nous ramène 15 ans en arrière, à une époque ou Sigmund und Sein Freund, Klinik, SA 42 ou encore À;Grumh squattaient nos platines vinyles... Sombres, froids, si les sons utilisés ne sont plus tout jeunes, l'usage qui en est fait est parfaitement maîtrisé.
Le label Projekt vient de prendre en licence Android Lust et en profite pour rééditer le deuxième album de la charmante Shikhee, "The Dividing", sorti l'an passé. Un digipack au packaging particulièrement soigné, sur lequel figure une piste CD-rom joliment présentée contenant les paroles, quelques photos et un morceau supplémentaire, une splendide "ballade", pour accompagner un album qui mérite toute notre attention. De l'électro au féminin, sensuelle, soignée, tendue et sombre, bien plus mature et personnelle que ce qu'elle avait réalisé jusque-là.

Christophe Labussière