Siouxsie & the Banshees
Downside Up
[Polydor/Universal]

C'est indiqué sur le sticker du coffret : 55 morceaux sur 4 disques, dont 34 pour la première fois en CD. Et un booklet de 76 pages, avec les paroles de chaque morceau, incluant un commentaire des trois membres du groupe. De quoi s'agit-il ? Tout simplement d'un objet que les fans attendent depuis bientôt vingt ans : les B-sides de Siouxsie & the Banshees, tous morceaux d'anthologie, révérés par les connaisseurs, petits moments de génie, de folie créatrice, d'expériences en tout genre, qui reflètent à merveille le talent du groupe. Les morceaux sont donc répartis chronologiquement, depuis le premier single, "Hong Kong Garden", sorti en 1978, en pleine période punk, jusqu'au dernier, "Stargazer", en 1995, très loin des climats d'antan. Un premier CD comprend la période 1978-1982, la plus torturée du groupe. Un deuxième s'étend de 1983 à 1987, l'époque où il explose dans les médias, aligne tube sur tube et conquiert un public toujours de plus en plus large. Le troisième, enfin, correspond à la dernière époque des Banshees, celle de la pop léchée et du succès mondial, de 1988 à 1995. Un quatrième CD n'offre que quatre titres, ceux de "The Thorn", paru en 1984, maxi d'anthologie et disque à part dans la discographie du groupe, composé de versions relookées par un orchestre symphonique. Difficile de mettre des morceaux en avant, tant ces B-sides brillent d'intelligence et d'originalité ; car, alors que la plupart des groupes se contentaient de mettre en face B de simples remixes ou des titres moins bons que ceux des faces A (on notera que par "face B" on entend également les inédits figurant sur les CD-singles), Siouxsie & the Banshees accordait toujours une importance particulière à ces morceaux, y injectant tout leur potentiel créatif, leurs délires et leurs frustrations. Certes, ce coffret ne sera pas le meilleur moyen de découvrir le groupe si vous n'en avez jamais entendu parler, mais il constituera un formidable cadeau de Noël pour tous ceux qui ont fantasmé, un jour ou l'autre, sur la déesse crêpée au maquillage égyptien accompagnée de ses blonds elfes.

Frédéric Thébault



Andrey Kiritchenko
Interplays, In Between
[Ad Noiseam]

"Interplays, In Between" est le second album du compositeur d’electronica minimaliste et expérimentale ukrainien Andrey Kiritchenko. On regrette que la pochette ne fasse pas mention d’un "prière de monter sensiblement le volume de votre stéréo", tant les signes de vie que nous envoient ces neuf titres instrumentaux sont loin d’être turbulents et envahissants. Mais ce n’est pas la vocation de cette musique, qui, tout comme celle du récent "Music for Artificial Clouds" des Young Gods, peut être qualifiée de musique environnementale. Comprenez par là musique ambient et aussi enveloppe sonore, tout comme celles qui accompagnent souvent et très justement les expositions d’art moderne. On y retrouve en effet la même façon de caresser l’espace et de créer un souffle de vie autour de constructions souvent inertes. Il faudra donc tendre l’oreille, voire tirer un peu dessus, pour entendre ce que des titres comme Kingdom of Blessed Dream ou Bits Colashade ont en commun ou non avec Raison d’Être, le morceau dont certains diront que le titre devient finalement la question même de sa propre existence. Ce disque, réservé aux initiés, est un voyage au pays du son brut privé des mélodies aguicheuses, où le mélange des musiques électroniques et acoustiques ne sont finalement plus que des histoires de basses et hautes fréquences. De la physique, en somme.

Bertrand Hamonou



Arman Méliès
Néons Blancs et Asphaltine
[Noise Digger]

L’esthétisme de la pochette et le titre de l’album suscitent d’emblée notre curiosité. Lorsque l’on entre dans l’univers d’Arman Méliès, c’est un peu comme si l’on ouvrait un livre de poésie. On découvre un monde décalé, onirique, empreint de douceur et de sensibilité. Ce chanteur guitariste fait partie des artistes qui apportent un souffle de fraîcheur à la chanson hexagonale. Réhabilitant les textes en français, Arman Méliès se révèle une vraie plume. Les mélodies sont accrocheuses et le timbre clair de sa voix se marie merveilleusement bien au jeu de la guitare. Mélancoliques à souhait, ces petites ballades toutes en nuances, entrecoupées de morceaux instrumentaux, agissent sur nous comme un véritable anti-stress et nous procurent un vrai moment de sérénité. Avec un reél talent d’écriture et un style qui lui est propre, Arman Méliès signe là un album très prometteur et vient grossir les rangs de la nouvelle vague d’auteurs compositeurs interprètes qui participent aujourd’hui au renouveau de la chanson française.

Delphine Payrot



Collection d'Arnell-Andréa
The Bower Of Despair
[Prikosnovénie]

Il en aura mis du temps à sortir, ce sixième recueil de Collection d’Arnell-Andréa. Huit ans exactement, une presque décennie ponctuée il est vrai d’une double compilation "CollAGE" (en 1998) et d’un enregistrement studio "Tristesse des Mânes" (en 2002) qui outre quelques inédits revisitait sept titres façon musique de chambre. Mais pas de véritable album depuis le très floral "Cirses des Champs" en 1996. Mais comme l’on a coutume de dire, notre patience aura été plus que récompensée. Reprenant une formule rock que l’on croyait abandonnée avec "Tristesse des Mânes", le groupe cisèle un album à la froideur de marbre et à la poésie électrique le long duquel serpente la puissante mélancolie qui anime chacun de ses travaux depuis le EP "Autumn’s Breath for Anton’s Death". Proches du référentiel et mythique "Villers-aux-Vents", auquel ils empruntent son alchimie guitares-violoncelle, les onze titres de cet album s’enchaînent dans une belle homogénéité hivernale telle une procession funèbre guidée par le chant sûr et enivrant (et tout en anglais) de Chloé St Liphard. Comme quelques fleurs prisonnières de leur gangue de glace, il paraît alors bien impossible de pouvoir extraire une chanson de ce paysage de neige et d’arbres en deuil sans risquer de briser le charme ténébreux qui plane sur "The Bower of Despair". Et si l’on est tenté de citer en premier lieu le langoureux Wild Trees et ses cordes déchirantes ou le très nerveux Time Always Blows Away, on s’aperçoit bien vite que c’est l’album dans son entier qu’il convient de mettre plus en avant. Et c’est ainsi que, toujours hors de tout courant et de toutes tendances, Jean-Christophe d’Arnell et les siens réussissent une nouvelle fois le pari de nous émerveiller tout en conduisant leur Collection loin de tout autoplagiat et surtout loin de toute inertie artistique. L’hiver 2004/2005 a d’ores et déjà trouvé sa bande son. Superbe !

Stéphane Leguay



The Dears
No Cities Left
[Bella Union/V2]

Véritables prophètes dans leur pays, les Canadiens de The Dears débarquent en Europe avec leur deuxième album "No Cities Left" sous le bras. Emmené par le déterminé chanteur Murray Lightburn, le groupe affiche clairement les ambitions de son leader charismatique. En effet, le rêve européen se précise, puisque après s’être vu offrir la première partie de Morrissey fin octobre à Los Angeles, la formation originaire de Montréal se lance à la conquête du vieux monde grâce à une longue tournée britannique prévue pour janvier et février 2005. Leur arme est simple, efficace et plutôt surprenante : de la pop anglaise. Le résultat est cependant charmant et très bien produit, mais forcément peu original. Il aura d'ailleurs fallu du temps pour qu'un label européen (Bella Union) se décide à distribuer cet album déjà sorti au printemps 2003 chez eux, au Canada. Ceux qui avaient aimé des titres comme La Comédie et The Universal de Blur ne peuvent qu'apprécier ce disque. La première impression se confirme écoute après écoute, et on est en droit de se demander s’il s’agit du nouveau disque d’un Damon Albarn un tantinet crooner, tant la voix, agrémentée de quelques manières d’un Jarvis Cocker transatlantique (Lost in the Plot), s’y rapproche étonnamment, jusque dans les mots utilisés, comme le prouvent les paroles de Warm and Sunny Days. Un disque sous très haute influence brit-rock et brit-pop, avec cuivres, flûtes et violons, pour les amateurs d’un mélange Blur, Divine Comedy et tous les autres.

Bertrand Hamonou



Depeche Mode
Remixes 81-04
[Mute/Labels]

Comment faire du neuf avec du vieux ? Vous prenez un groupe mythique, sorte de Beatles de l'électronique, vous attendez que l'avenir de celui-ci s'assombrisse à force de rumeurs de séparation, que sa musique soit de moins en moins dansante pour faire la place à une electronica morose digne des plus mauvaises publicités automobiles, bref que le consommateur moyen de musique pop de la nouvelle génération oublie presque totalement l'existence des kids de Basildon… et puis vous sortez alors non plus une compilation des meilleurs tubes (ça, ils l'ont déjà fait à plusieurs reprises, une première fois il y a presque vingt ans déjà avec les singles "81-85" puis une seconde fois il y a six ans avec les singles "86-98") mais une compilation de remixes de ses grands succès. Et alors on crie quand même un peu à l'arnaque. Non pas que ces fameux remixes soient mauvais en eux-mêmes, bien au contraire (surtout dans l'édition limitée 3 CD qui vous en offre 3 fois plus c'est-à-dire 36 !!!), mais à l'exception de moins d'une dizaine, tous ces remixes sont déjà fort connus de tous les fans du groupe (surtout ceux de François Kevorkian, Daniel Miller, Flood, Adrian Sherwood et du groupe lui-même). Or un tel produit ne peut se destiner qu'aux plus grands fans, les autres se contentant bien sûr des albums. De plus, dans le cas de Depeche Mode comme dans celui de beaucoup de groupes de musique électronique, l'apport du remix peut être très faible, voire carrément contre-productif et il faut reconnaître que beaucoup de titres originaux sont bien supérieurs à leurs pâles liftings, d'hier comme d'aujourd'hui. Mais si cette chronique ne vous fait pas renoncer à l'achat de pareil produit 100% marketing, sachez quand même que Depeche Mode se décline de nos jours en version fashion, à la sauce Mike Shinoda (auteur de la ré-interprétation de Enjoy the Silence dont on vous bourre actuellement le canal auditif), Goldfrapp, Air, Underworld, Speedy J, William Orbit, Kruder and Dorfmeister, Dave Clark, DJ Shadow et même Colder… histoire de se rappeler qu'à l'instar de Kraftwerk, la musique électronique d'aujourd'hui ne serait pas grand chose sans Depeche Mode.

Stéphane Colombet



Destroid
Future Prophecies
[Out Of Line]

N'en déplaise aux mauvaises langues, Daniel Myer n'est pas prêt de prendre sa retraite, et il vient, en cette fin d'année, de rallonger sa liste déjà longue de ses side-projects électro. Et si le titre de l'album n'est pas vraiment engageant, son contenu (sorte de synthèse extrêmement bien faite des différents courants de la musique dite électro-industrielle) en fait un de ses meilleurs disques depuis le "From Homes to Planets" de Haujobb. Alors oui, Myer y plagie dedans tour à tour Front Line Assembly (Contamination), Velvet Acid Christ (Broken and Abused) et évidemment lui-même (le haujobbien Into the Deepest Dark), oui, il joue avec le feu avec l'inutile et larmoyant Sir Wiliam (l'obligatoire morceau lent de l'album) ou en lorgnant dangereusement vers des sonorités future pop (Judgement Throne, Denial of Life, Bullet in Your Head), mais malgré cela, on obtient au final un disque globalement dur et surtout bourré de hits tous aussi efficaces les uns que les autres. Les alternances de genres et d'influences, l'utilisation de chants soit clairs soit plus crades, la qualité globale des morceaux et leur optique délibérément dancefloor évitant à l'auditeur l'ennui et le sentiment de déjà-vu. Un très bon point pour Myer, qui se replace à nouveau grâce à Destroid dans le peloton de tête des meilleures formations dark-électro du moment.

Renaud Martin



DFA #2
Compilation
[DFA/Labels]

À chaque époque ses labels de prédilection, ceux qui découvrent, innovent, promeuvent des groupes dont personne n'aurait voulu ailleurs, ceux qui, bien souvent, donnent naissance à de nouveaux genres, et deviennent très vite LA référence incontournable du moment. Il y eût Virgin dans les 70's, puis Mute, Beggars Banquet, 4AD, Creation dans les 80's, Too Pure, Big Cat, Alternative Tentacles ou Sub Pop dans les 90's, hier on lorgnait vers K7! et depuis peu, vers ce petit label de New York nommé DFA.
Il y a donc fort à parier que les groupes présents sur cette seconde compilation (les mêmes que sur la première, pour la plupart), vont faire parler d'eux un jour ou l'autre. Et ce, grâce aux seuls qui pour le moment peuvent nourrir financièrement le label : The Rapture, que l'on ne présente plus, désormais une valeur sûre. Le fil conducteur musical de DFA, c'est un mélange détonnant entre punk et disco, ambiance de danse et folie expérimentale, du "death disco", comme certains le nomment. Rien à jeter donc sur cette compilation de singles sortis en vinyle, on en redemande après écoute : LCD Soundsystem, qui a déjà à son actif plusieurs tubes et The Juan MacLean (un ancien de Six Finger Satellite, groupe noisy barjot des 90's), avec leur dance froide style "early New Order" ; j.o.y, très proches des punkettes 70's Slits, que l'on aimerait entendre un peu plus ; Black Leotard Front, groupe conceptuel qui ne se contente pas de musique mais aussi de danse, de sculpture, de photo, avec un seul morceau de plus de quinze minutes de disco lancinante interrompue par des hurlements ; deux des membres de ces derniers sous leur vrais noms, Delia Gonzalez et Gavin Russom pour un morceau splendide et bourré d'émotion ; Pixeltan et Liquid Liquid, qui n'ont rien à envier aux autres pour le talent ; et enfin Black Dice, les seuls à ne pas fricoter avec la dance (sauf sur cette compil, où ils offrent des remixes de leur musique purement expérimentale). Tous ces groupes balbutient là leurs premiers morceaux, on ne peut qu'espérer qu'ils nous en offriront d'autres, et c'est le seul défaut (la seule qualité ?) de cette compilation : nous mettre l'eau à la bouche. En bonus, DFA se fend d'un troisième CD contenant les mêmes titres que les deux premiers, mais tous mixés en un, histoire de rappeler que leur propos est, avant tout, la sudation sur les pistes de danse. Prometteur.

Frédéric Thébault



Frank Black Francis
Frank Black
[Cooking Vinyl/Wagram]

Alors que les Pixies se reforment et tournent autour du monde, sort ce double album au titre curieux : Frank Black Francis, croisement entre le Frank Black en carrière solo, et le Black Francis leader des Pixies. Un premier CD est mis en avant, il s'agit "d'enregistrements inédits à travers des démos de 1987 à 1991". En guise de démos, nous avons droit à Frank Black à la guitare sèche, tout seul dans sa cuisine (ou sa salle de bains ?) en train de brouillonner les morceaux qui deviendront de futurs tubes planétaires. Certes, cela pourra intéresser les fans les plus dévoués, les faire sourire devant les délires du bonhomme, mais hormis une seule écoute, ce n'est peut-être pas la peine d'y revenir. Mais heureusement, il y a un second CD, et quel CD ! À lui seul, l'objet vaut le détour, tant pis pour la déception du premier.
Notre héros pixien s'est entouré de deux Pale Boys, Andy Diagram et Keith Moliné, respectivement trompette et guitare/synthés, et qui jouent en parallèle avec le chanteur des mythiques Pere Ubu, sous le nom David Thomas & Two Pale Boys... Tous trois ont réinterprété des titres des Pixies, transformés à un point que vous n'oseriez imaginer. Non, ce n'est pas une simple cure de jouvence : ces morceaux-là en sont d'autres, ils n'ont conservé des originaux que le squelette. On navigue ainsi en pleine expérimentation : beaucoup de sonorités curieuses, peu de batterie, et une recette différente appliquée à chaque titre. This Monkey Gone to Heaven nage en plein psychédélisme, Caribou prend une ampleur dramatique surprenante, Velouria devient un chant d'amour bouleversant, Into the White est carrément lugubre, Holiday Song est devenu un jazz new-orleans particulièrement exaltant et Planet Of Sound un délire hypnotique d'un quart d'heure. Le travail qui résulte de ces sessions constitue le meilleur hommage jamais entendu aux chansons des Pixies. Un must !

Frédéric Thébault



The Hacker
Rêves Mécaniques
[PIAS]

Une des déceptions de cette fin d'année restera l'album de The Hacker. Lorsqu'on connaît le CV du talentueux jeune homme (ce n'est pas moins que l'éminence grise qui officiait dans l'ombre de Miss Kittin sur son "First Album"), la sortie de cette nouvelle production avait toutes les chances de se révéler être une bonne surprise. Mais "Rêves Mécaniques" s'avère malheureusement n'être qu'un disque de DJ électro boum boum de plus. À force de piller la musique électronique des années 80, tous ces artistes en manque d'inspiration viennent tout juste d'atteindre le milieu de cette décennie. Une nouvelle étape qui aurait pu retenir notre attention, mais le résultat reste à vrai dire extrêmement superficiel et assez ennuyeux. Même si le clin d'oeil appuyé à Nitzer Ebb sur le premier titre (Radiation) semble dans un premier temps pouvoir donner du relief à l'ensemble, la sauce ne prend jamais vraiment et l'on ne décèle aucune âme derrière cette techno trop souvent métronomique, parfois acid house ou encore parcimonieusement teintée de bleeps. Même l'apparition de Miss Kittin sur un titre ne parvient pas à sauver l'ensemble. Seuls rares reliefs, la prestation de Mount Sims sur Traces, ou encore les titres It's the Mind ou Electronic Snowflakes, trop rares et surtout étouffés par le reste de l'album. "Rêves mécaniques" reste au final plus destiné aux platines des DJ, préoccupés par leur piste de danse, qu'à celle de notre salon.

Christophe Labussière



LaôH
The Liquid-Crystal Sins
[Atoll]

LaôH a trouvé un écho favorable chez Atoll qui distribue "The Liquid-Crystal Sins", leur premier album. Ce groupe français qui fait beaucoup parler de lui depuis quelque temps en multipliant les concerts, fait partie de cette vague de jeunes musiciens obscurs et talentueux, chantant exclusivement en anglais. Tout comme les Quimpérois de Frigo, les Niçois accouchent d'un album très professionnel où les ballades et un rock à la fois lent et énergique (Grown Too Fast) se télescopent. Cependant, la voix de Jérémie Lapeyre n'a pas toujours la force et la précision de celle de Max B (Frigo), mais elle se cale parfaitement sur des ambiances chères aux shoegazers (Liquidz). Ils ne manquent pas de goût pour les mélodies et les structures non linéaires (her@untitled.com, These Are Letter/Dragons), et nous aurions même souhaité que les synthétiseurs, si largement crédités sur la pochette du disque d'un groupe qualifié de rock et électro, soient largement plus présents. Car il ne faut pas s'y tromper : LaôH est un groupe de scène, et "The Liquid-Crystal Sins" est un album guitare / basse / batterie comme le prouve Nothing = Ruby ou encore Little Fagget in Slumber Land. Cet album est un joli départ, avec un son qui ne demande qu'à s'étoffer, en prenant soin d'éviter le trop plein de choeurs irritants.

Bertrand Hamonou



Ophelia's Dream
Not a Second Time
[Kalinkaland]

Ce second opus d’Ophelia’s Dream se pose comme l’exemple typique de l'album difficile à traiter. Difficile, car loin de tout manichéisme qui facilite généralement la tâche du chroniqueur. Ce disque regorge jusqu’à ras bord d’une jolie heavenly voices à tendance néo-classique, admirablement bien élaborée, gracieuse, céleste, sombre tout en restant lumineuse, bref, un véritable condensé des canons de beauté du genre. Et c’est justement là que le bât blesse. Car aussi agréable et délicieuse soit-elle, cette collection romantique et baroque n’en est malheureusement pas originale pour un sou. Pire, elle semble persister à recreuser sempiternellement le même et déjà profond sillon d’une ère post Dead Can Dance, elle-même passée de mode depuis une dizaine d’années. Car c’est bel et bien dix ans qui séparent les hauts faits d’armes d’Anchorage ou Stoa, apôtres baroques du label Hyperium et de ses compilations multi tomes "Heavenly Voices" de ce "Not a Second Time". Et si le son n’est pas daté, la formule est bien trop cousue de fil blanc pour berner les plus critiques d’entre nous. Tout y est pourtant : une jolie voix haut perchée, des orchestrations plutôt réalistes, des ambiances angéliques, de grands moments de bravoure, quelques percussions, quelques cordes, une poignée de Renaissance, une pincée de Moyen-Âge, pas de doute Ophelia’s Dream et son mentor Dietmar Greulich connaissent leur sujet et savent le maîtriser. Un peu trop bien peut-être et là réside tout le problème. Un problème que les moins regardants d’entre vous sauront oublier dès la première écoute mais que les plus exigeants auront bien du mal à occulter.

Stéphane Leguay



Otto Von Schirach
Global Speaker Fisting
[Schematic/Asphodel]

Écouter un disque d'Otto Von Schirach relève souvent de l'expérience psychotrope... Rien qu’à la vision de ses pochettes (pour celle-ci un autoportrait ensanglanté où il s’arrache les entrailles), on comprend vite que ce qui nous attend n’aura rien d’une sinécure. À mi-chemin entre Venetian Snares (dont il partage le goût du mélange des genres) et Richard Devine (dont il partage la parfaite technicité), ce docteur Frankenstein de l’electronica a choisi son laptop comme laboratoire et n’hésite pas à (re)constituer de musicales monstruosités avec les sonorités les plus variées possible et souvent bien éloignées du monde aseptisé de la musique électronique. Goat Sperm, par exemple, est une parodie death métal hilarante psalmodiée dans la plus pure tradition du genre, et La Sangre Del Dedo Intelecto intègre l’air de rien à son bric-à-brac sonore un instrument inattendu : l’accordéon. Le résultat est pour le moins surprenant. On regrettera par contre que certains morceaux plus purement électroniques en rappellent d’autres (pour ne pas dire qu’ils s’en inspirent), comme The Inventor of the Milf'ed Decible qui évoque le Russian Roulette de Solar X. Otto Von Schirach nous offre néanmoins un bon album mais le meilleur reste encore à venir, espérons-le.

Carole Jay



Picore
Discopunkture
[Autoproduit -

"Une poule sur un mur, qui picore du pain dur...". Quel joli nom pour un groupe, "Picore". Dedans il y a "Pi", et il y a "core", comme pour bien nous annoncer la couleur de leur musique : un côté aléatoire, infini, perpétuellement remis en question, et une violence latente, affectionnant les sons électriques et industriels. "Discopunkture" est à l'image de son nom et de celui du groupe : il picore nos habitudes musicales, nous force à les remettre en question et nous oblige à ne plus penser qu'à la musique, à nous y enfoncer, histoire de mieux analyser sa diversité. À rapprocher d'un autre groupe français excellent dans le genre, Hint, aujourd'hui disparu (?). Nappes de sons industriels, phrasé rap, hip hop, hardcore, trompettes, le tout mélangé, comme les graines des poules, dans un chaudron bouillonnant d'idées, pour un résultat très original et particulièrement réussi. Nasdaq est un titre angoissant et tendu, Burundi enfle, se brise et nous déroute, The Picnic Beatnic hésite entre suffocation et désespoir, avant que Oblong ne flirte avec Nine Inch Nails et que Walkyries of Soul termine l'album avec onze minutes de nausée. Picoti, picota, Picore nous a convaincu, il faut certes engraisser encore un peu la poule pour passer du talent au génie, mais on ne se lassera pas de l'objet, à consommer de préférence avant la fin du monde, comme cela est clairement indiqué sur le livret. Et puis, les membres du groupe (près d'une trentaine) ont un air sympathique malgré leur calvitie et leur embonpoint : le chanteur est le sosie de José Bové.

Frédéric Thébault



Robots In Disguise
Get Rid
[Sony]

On attendait au tournant le second album des deux néo-punkettes de Robots In Disguise, après leur très prometteur premier album éponyme, qui confirmait la bonne impression du mini-LP avec lequel on les avait découvertes, la production de Chris Corner (Sneaker Pimps) était forcément pour celui-ci un atout supplémentaire. Et les attentes ne seront pas déçues. Mieux, ce "Get Rid" place les Robots In Disguise parmi les meilleurs combos électro-punk-death-disco du moment. Si le premier album laissait en mémoire une musique faussement joyeuse, voire carrément dépressive, le second efface bien vite cette impression. Manifestement, Dee Plume et Sue Denim, la brune et la blonde, ont beaucoup écouté leurs consœurs (curieusement, ce sont les groupes de femmes qui tiennent le haut du panier —Chicks On Speed, Peaches, Miss Kittin, Le Tigre…—), sans délaisser pour autant leur admiration pour d'illustres anciens. Elles le disent même dans Turn It Up (en tendant l'oreille vous remarquerez quelques titres d'albums ou de chansons : Pretty Vacant (Sex Pistols), Ashes to Ashes (Bowie), Teaches of Peaches (Peaches) ou Hatful of Hollow (Smiths)) ou encore en reprenant You Really Got Me des Kinks. Que de bonnes influences donc, ce qui ne peut que donner une bonne musique, cette fois-ci complètement débridée, rigolote, enthousiasmante. Le côté robotique est évidemment toujours là, avec ses bip-bip et glou-glou synthétiques désuets, et même si c'est très à la mode aujourd'hui, cela n'enlève rien à l'inventivité de l'ensemble. Et en plus, comme dans leur disque précédent, elles comblent notre ego de chauvins, en nous gratifiant d'une chanson en français, consacrée à la France. Merci, robots chéris.

Frédéric Thébault



Supercilious
Next Time We Go Sublime
[Monopsone/Chronowax]

Supercilious mérite toute notre attention. Non pas seulement parce qu'il s'agit du projet d'un Français voisin de label d'artistes tels que Laudanum, Bathyscaphe ou en encore Micro:mega, mais bel et bien parce que l'arrogance d'Alexandre Vaudin est justifiée, et fait plaisir à entendre. En effet, quel groupe peut donc se permettre de se baptiser Supercilious (hautain, en français) ? Celui-là même qui annonce que son prochain album sera sublime ("Next Time We Go Sublime"). Et comment mieux servir la voix malicieuse, nonchalante, enfantine et innocente de Yucky Yummy qu'en lui offrant des compositions frénétiques si séduisantes, comme sur le très réussi Energy Has Forgotten My Arms ? Avec un peu d'imagination, les micro sons qu'utilise Supercilious sont vivants et sont autant d'insectes dressés pour battre la mesure avec leurs antennes, pattes et rostres chitineux devant les yeux de Yucky Yummy que l'on imagine ébahis (Give Us Back to the Witches, Back to the Old Summer Holidays). Celle-ci pourrait facilement obtenir le titre d'Alison Shaw de l'électronique si le concours devait un jour exister. Ce disque est constitué d'une moitié de titres chantés, et d'une moitié instrumentale, très rythmée mais jamais surchargée, qui nous offre quelques perles d'electronica cotonneuse et ensoleillée comme sur Senor Alec Thompson. Et cette promesse un rien prétentieuse : "Next Time We Go Sublime". Le pire, c'est qu'on les croit sur parole !

Bertrand Hamonou



Wallenberg
Sea of Sins
[Manic Depression]

Il y a quelques vingt années, les plus vieux d'entre vous avaient pu écouter quelques titres, épars sur d'obscures compilations, d'un jeune groupe français nommé Wallenberg. Groupe prometteur, délivrant une musique sombre, tendue, pas très éloignée d'artistes comme Theatre of Hate, malgré les influences revendiquées Cure ou Virgin Prunes. Prometteur, car original, et qui collait pile poil à son époque, même si en France on a toujours fait les choses un peu en retard par rapport à nos amis anglais. Et puis, Wallenberg a disparu, englouti par la vague house, puis par le grunge, la techno et tout ce qui a suivi. Aujourd'hui, phénomène de mode ou réel besoin, Wallenberg fait comme bon nombre de ses congénères : il renaît de ses cendres. Et sort son premier album ! Il ne reste de l'époque que le chanteur / leader, mais rien n'a changé : mêmes climats électriques stressés et angoissés, même chant plein d'emphase, même absence d'humour. Et c'est justement ce qui gêne, malheureusement : cet immobilisme musical. On aimerait dire que l'album est génial, on aimerait crier au renouveau gothique, mais on ne ressent, après un premier effet plutôt sympathique, qu'un léger ennui, on oublie ce que l'on écoute et on a envie de s'intéresser à autre chose, de plus actuel, de moins "cliché", ou alors, carrément, de retourner aux sources, à nos vieux vinyles aux pochettes grisâtres. Reste un second CD (version limitée) qui reprend les morceaux de 84-88, histoire de compléter la discographie de ce groupe dont il ne reste, malgré l'actualité, qu'un bon souvenir, rien de plus...

Frédéric Thébault

Express

C'est reparti pour un tour : attachez vos ceintures au démarrage car l'engin qui nous conduit n'est autre que celui des ChineseBlack
et de leur troisième album, "Monstersushi" (Pandaimonium) : sur leur route, on trouve beaucoup d'Apoptygma Berzerk avec une pointe de dance, de breakbeat et quelque chose d'assez inclassable et de très hétérogène, comme une réminiscence punk qu'on a pu trouver par le passé chez les Prodigy et autres Chemical Brothers. "Monstersushi" n'est peut-être pas l'album du siècle mais simplement une bonne surprise techno-hybride colorée. Dépaysant.
Dans le même registre difficile à cerner, on trouve le deuxième opus des Belges de Nebula-H, "H-20" (Alfa Matrix). Un gros son, une production carrée, des rythmiques très 242 époque "Front by Front" et un peu de folie en plus (quelques phrase récitées en français !), tout cela avec une furieuse envie de danser et de chanter. Ni techno ni futurepop ni même rétro-EBM, Nebula-H se fout sans doute des étiquettes. L'important est de vous faire bouger sous le martèlement des machines et ça marche : difficile de rester en place tout au long de l'album. Basique mais redoutablement efficace, dans un registre entre Juno Reactor et Praga Khan, le tout assorti de chants conquérants. Que demander de mieux ?
On enchaîne avec quelque chose de beaucoup plus menaçant et qui prend aussi beaucoup plus au sérieux : "Strain", le nouvel album de Fleshfield
(Dependent) qui, sous couvert d'esthétisme guerrier et d'imagerie -au demeurant très réussie- empruntée au film "Predator", nous offre un nouveau style : la musique industrielle cinématographique. Assurément, Ian Ross et Wendy Yamko ont été inspirés par la violence tribale de certains films adaptés de jeux vidéo et ce ne sont pas les sons de tambours et autres samples d'instruments à vent, à la In The Nursery, qui contrediront cette analyse. L'idée était bonne à la base mais les morceaux sont de ce fait si longs au démarrage que l'on perd vite ses repères. Difficile en tout cas aux titres de "Strain" de trouver une place sur le dancefloor, tant les cassures de rythmes sont fréquentes. Quant au mixage des voix, souvent très en retrait, il y aura encore quelques progrès à faire dans l'avenir. Sans concession en tout cas, un peu à la manière d'un :Wumpscut: d'un nouveau genre, Fleshfield impose sa force et son sérieux.
On termine en douceur avec un disque beaucoup plus civilisé : le second album de Sero. Overdose, "No Time for Silence" (Alfa Matrix), qui nous offre une futurepop mélodieuse et posée, mélancolique, simple et maîtrisée. Le groupe berlinois a pris de bonnes choses chez VNV Nation assurément, avec un petit côté synth-pop allemande à la TOY en plus. Au total, seize morceaux bien construits et un chant masculin plutôt frais permettent à Sero.overdose de se hisser à la hauteur de quelques bons clones comme Angels & Agony, Pulsher Femina ou encore Colony 5, en attendant de jouer dans la cour des grands, avec les Covenant et autres Assemblage 23. Pas si mal.

Stéphane Colombet


Express

“Seven Veils of Silence” (Hymen), le nouvel album d’Hecate, est entièrement consacré au mythe de Salomé. Ainsi, chaque titre qui le compose évoque l’évènement qui mènera à la décollation du saint Jean-Baptiste et l’ensemble est fortement empreint de sonorités orientales, un peu à la manière de “Aswad”, le dernier album de Squaremeter. Mais ce qui marque d’emblée à l’écoute de ce disque, c’est le calme inattendu qui y règne : moins breakcore mais toujours aussi sombre, la musique de Rachael Kozak est peut-être ici simplement plus féminine, plus séductrice, mais toujours aussi insidieuse voire démoniaque (on pense souvent à une BO de film d’horreur), à l’image de la femme dont l’histoire inspire ce disque.
“The Fears” (Ad Noiseam) est le premier album de Mothboy, alias Simon Smerdon, un Londonien qui a d’abord tâté de la basse dans différents groupes hardcore avant de virer sa cuti et de côtoyer la scène dark hop, et plus particulièrement Mick Harris le temps d’un album avec son ancien groupe Ocosi. Avec “The Fears”, il nous offre quelques très bons morceaux (le lancinant Spiders ou X in His Territory, basé sur des rythmiques de, encore lui, Mick Harris) qui se mêlent difficilement à d’autres plus dub, hip-hop voire carrément ennuyeux et très jazzy, saxophone à l’appui. La technique est là, mais le style est un peu décousu, un équilibre à trouver sans doute.
Pour finir attardons-nous encore sur un premier album, "Medical Breaths" (Frozen Empire Media) de Velapene Screen. Intelligent assurément, dansant parfois et mélodique clairement (en bref et en trois lettres : IDM), ce disque parfaitement recommandable est à classer d’emblée entre les productions de n5MD et Toytronic. Matériau composite alliant légèreté et créativité avec quelques influences rythmiques plus hip-hop sur la fin, il combine à lui seul tous les éléments incontournables qui composent un bon disque d’electronica en 2004, mais attention 2005 est déjà là...

Carole Jay


Express

Placebo a, depuis son tout premier album,
systématiquement
réussi à imposer sur chacun de ses disques un ou deux "tubes" décelables dès la première écoute. La sortie de ce best of était donc l'occasion rêvée de découvrir ainsi tous ces morceaux regroupés sur un seul CD. Mais l'on sera surpris de réaliser que finalement cette liste de hits n'est pas très longue et que la heavy rotation que nous impose les télés et radios depuis des années nous en a presque dégoûtés. La seule satisfaction que l'on pourra trouver à acquérir "Once More With Feeling" (Delabel) concernera le deuxième CD, bourré de remixes extrêmement intéressants, dans des versions d'ailleurs souvent très éloignées de l'univers de Placebo.
S’il y a deux choses qui caractérisent Archive, ce sont l'emphase et l'instrumentation décalée de ses compositions. Retrouver le groupe en acoustique sur cet album intitulé "Unplugged" (Warner) n'a donc à vrai dire aucun intérêt, et l'écouter de bout en bout s'avère même être une véritable corvée.
Le premier album de "Superdiscount" avait été un vrai succès critique et commercial, celui-ci, "Superdiscount 2" (Solid/V2), a toutes les chances d'emprunter le même chemin. Avec une rythmique qui rappelle souvent New Order (Brutalist) et une basse qui s'en inspire tout autant, Étienne de Crecy et les cinq fines lames de l'électro française auxquelles il a fait appel, Alex Gopher, Philippe Zdar, Hubert Boombass, DJ Medhi et Julien Delfaud, réussissent un disque moins superficiel que son prédécesseur, qui, s'il n'a rien de révolutionnaire ou de foncièrement novateur, est constitué d'une vraie matière qui a tout pour retenir notre attention. On remarquera les titres des morceaux, tous empruntés aux noms des logiciels de Peer to Peer (Soulseek, Audio Galaxy, Bit Torrent, etc.), qui donneront le sourire aux pirates du réseau.
Dans des domaines électroniques dont la qualité est pour nous plus souvent garantie, intéressons-nous au nouvel album de Black Lung (le side-project de David Thrussel de Snog). "The Grand Chessboard" (Ant-Zen) est redoutable d'efficacité. On pénètre comme à l'accoutumée dans un dédale de rythmiques, textures et séquences à la construction et à l'agencement toujours stupéfiants. Un délice pour les neurones et un régal pour les dance floors. Si le terme d'Intelligent Dance Music n'est aujourd'hui plus vraiment au goût du jour, la musique de David Thrussel en est pourtant incontestablement une des représentations les plus efficaces.
Avec "Amek" (M-Tronic), Dither continue dans la voie de l'electronica ciselée à la construction haletante dans laquelle il s'est solidement installé. Mais là où son album précédent "Summit" avait retenu toute notre attention, celui-ci, s'il en a gardé toute la classe, semble avoir perdu un peu de son âme. Reste à savoir si ce sont nos oreilles refroidies par l'hiver qui demandent plus de chaleur ou si Marc T. commence à avoir fait le tour d'un domaine qu'il maîtrise pourtant parfaitement, à vous d'en décider.
On vous avait parlé de 8kHz Mono en juin 2002 alors que venait de paraître leur tout premier EP "Monolog". Il aura fallu attendre plus de deux ans pour retrouver la formation suédoise avec son premier album "Monochromator" (Progress Productions). Leur EBM synthpopisante (!) n'a néanmoins pris aucune ride et brille de toujours autant d'efficacité. On retrouve d'ailleurs ici dans des versions bien plus abouties et encore plus efficaces les titres du précédent EP. Les amateurs du genre apprécieront, c'est certain.
Stephan Haeri a mis de côté Télépopmusik afin de travailler en solo sur le projet 2 Square et de nous offrir l'album "Superconductivity" (Warm). Plus homogène que ce que proposait son groupe précédent, l'univers électro pop de ce nouveau projet en reste proche, mais dans des ambiances toutefois plus feutrées, plus cotonneuses. Un vrai plaisir mis en exergue par les voix lumineuses de Laure Milena et Muriel Bonfils (son ex comparse au sein de Planète Zen) et que n'entachent pas non plus les prestations vocales masculines de Mau. On ne sait pas encore si les agences de pub pilleront ce disque autant qu'elles l'ont fait avec celui de Télépopmusik, mais il a toutes les chances de squatter nos platines aussi longtemps.
Dans un tout autre domaine on ne pourra une fois encore qu'honorer le travail de Robert Smith avec cette réédition remastérisée du premier album de The Cure, "Three Imaginary Boys" (Fiction), agrémentée d'un second CD contenant une belle série de démos et d'inédits qui ravira tous les fans et leur donneront l'occasion de redécouvrir cet album vieux de plus 25 ans ! Félicitations aussi pour le label Infrastition qui vient de rééditer, pour la première fois en CD, l'intégralité de la discographie du groupe Baroque Bordello, avec leurs deux albums et leur premier EP regroupés ensemble sur un même disque, "83-86". Ceux qui connaissent déjà cette formation seront enchantés de pouvoir profiter ainsi de ces enregistrements, les autres auront en l'espèce l'occasion de découvrir une vraie pièce de musée, le groupe cold wave français le plus important de sa génération (mené par la voix irrésistible de Weena), dont Lol Tolhurst avait produit le premier maxi que l'on retrouve ici. Un deuxième CD bourré de démos et de lives complète l'objet qui en lui-même est déjà un must absolu.

Christophe Labussière


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Le projet français Kamido:tu (Dead Bees Records) nous livre avec "Naegi" cinq titres bien moins répétitifs et mornes que ceux que proposait son précédent CD "Revealed". Il ose enfin utiliser une plus vaste banque de sons que la trop usée et plate sonorité de guitare souvent associée à ses premiers travaux. Au final, les petits génériques instrumentaux, véritables habillages sonores pour toutes circonstances que compose le solitaire protagoniste (récemment invité au Palais de Tokyo à Paris) gagnent en crédibilité, et se débarrassent pour de bon de cette étiquette "ambiance magasin de jouets à l’approche des fêtes". "Naegi" est donc sans aucun doute plus varié, plus complet et plus ambient que ses prédécesseurs, tant et si bien qu’il devrait ouvrir le champ de vision de son géniteur.
Les Morbihannais de Hijo Data chantent quant à eux en français sur une musique qui doit beaucoup à la filth-pop et à la noisy pop de nos voisins anglais, surtout sur Le Dernier Objectif. Leur EP éponyme de trois titres est dans l’air du temps, ni plus ni moins, avec quelques programmations de bon aloi sur Mes Vieux ennemis. Leur site internet a quant à lui un métro d’avance, puisqu’il présente des extraits de prochains titres en anglais.
Restons en France avec le groupe Nova, qui propose la démarche inverse. En effet, le quatuor parisien sort un EP autoproduit de cinq titres en anglais d’une maturité
déconcertante, tant du point de vue de l’artwork que de celui de la production (Bedtime Story et sa guitare empruntée à Joseph Arthur). Les refrains sont plutôt efficaces (Time ou encore Supernova) chez ce groupe de pop-rock au tempo lent qui annonce travailler actuellement sur des titres en français.
L’état de Washington aux USA a vu grandir le duo Growing (Kranky) et leur somptueux instrumental et expérimental album "Soul of the Rainbow and the Harmony of Light" en forme de record à battre : quatre titres pour près d’une heure. À la fois minimal et d’une étendue infinie, leur musique se compose de notes lentes et embrumées, tour à tour fainéantes et stridentes ( Anaheim II). L’architecture de leurs morceaux est invisible à l’œil nu, sorte de long mouvement sans mélodie apparente que l’on écoutera plus volontiers pour se relaxer, tel ce Onement statique, que pour se remuer.

Bertrand Hamonou