Attrition
Something Stirs - The Beginning 1981-1983
[Two Gods/Voiceprint]

Comme son titre l'indique, ce CD compile les tout premiers travaux d'Attrition, réalisés à l'aube des années quatre-vingt et principalement édités, à l'époque, sur des cassettes diffusées via des labels indépendants qui se spécialisaient dans ce format devenu aujourd'hui obsolète. Pour cette compilation, Martin Bowes a ainsi dépoussiéré une série de titres que tout le monde pensait disparus, ainsi que trois morceaux live totalement inédits, captés en 1981 avec la formation d'origine du groupe (dont un batteur !). Document exceptionnel, ce disque dévoile donc Attrition sous un jour que l'on ne connaissait pas vraiment, à travers des compositions statiques, lancinantes et spectrales, hantées par la voix inquiétante d'une Julia Waller qui évoque souvent la Siouxsie de "The Scream". De nombreux bruits stridents et bidouillages électroniques divers traversent ainsi des compositions pour la plupart sans rythmes ni mélodies évidentes, et qui ont retrouvé une nouvelle intensité grâce au remarquable travail de remixage et de remasterisation dont a fait preuve Martin. C'est donc une autre époque que fait revivre "Something Stirs". Celle d'un activisme musical post punk et underground dont la devise tenait en trois mots : "Do it yourself". Mais aussi celle où les groupes n'avaient pas peur d'expérimenter, avec les moyens du bord, pour des résultats qui restent, vingt-cinq après, toujours aussi étranges et dérangeants.

Christophe Lorentz



Christopher
Smoke and Origination
[CD Baby]

Il aura fallu cinq ans au Canadien Christopher pour donner une suite à son premier album, l'énigmatique "Wer Next Project". Cinq années pendant lesquelle l'artiste a failli devenir le chanteur du groupe finlandais Poisonblack, pour finalement enregistrer deux fois "Smoke and Origination" (un crash disque étant venu pimenter l'affaire). À croire qu'il était écrit que ce disque ambitieux se devait de voir le jour, tant il est riche et unique. Unique tout d'abord par son packaging peu habituel (un boîtier au format DVD), mais surtout par ce contenu chaud et froid, coloré, et à la fois tellement noir. Christopher a réussi à transporter l'énergie du metal (son background musical) vers des ambiances ethniques, world et tribales, où l'on imagine croiser Dead can Dance et les Fields of the Nephilim sur un même morceau. Reprenant ce qui avait fait le succès d'un certain "Elyzium", "Smoke and Origination" propose de longs titres constitués de mouvements imbriqués qui redéfinissent les limites d'une musique qui n'en a pas encore. Refusant la facilité, Christopher a placé The Derivative Heart (sans doute le titre le plus immédiat de ce LP) en fin de programme, juste avant le très Smashing Pumpkins Again, qui invite simplement à appuyer sur la touche "play" une fois encore. Mystique, classique, lyrique, orchestral, certains oseront gothique. La vérité est qu'on ne sait pas bien où se situe "Smoke and Origination", et c'est bien là la force de ce disque qui n'a pas fini de livrer tous ses secrets.

Bertrand Hamonou



Deathboy
End of an Error
[Line Out Records]

Deathboy est à l'origine le pseudonyme et le projet d'un seul homme déterminé, Scott Lamb, dont on ne compte plus les albums jamais publiés et aujourd'hui disponibles en téléchargement libre sur le site du groupe qu'il a monté pour jouer sa musique en live. L'anglais offre une suite à "Music to Crash Cars to" (2003) avec ce second album officiel, "End of an Error", destiné à un public averti : pochette réalisée par Chad Michael Ward (déjà responsable, entre autres, de celle du "Lest We Forget" de Marilyn Manson) et production signée John Fryer (Nine Inch nails, Depeche Mode, Cocteau Twins, Clan Of Xymox). Le combo de rock industriel s'est vite rendu compte que sa formule sonne au final plus pop qu'il se l'était imaginé (Slip, Amphetamine Zoo, Something), et l'exposition de Black Morning dans le jeu "Project Gotham Racing 3" pourrait permettre à Deathboy de faire mouche auprès d'un auditorat plus vaste que prévu initialement. Car c'est bien de chansons et d'énergie dont il s'agit ici, joliment et efficacement habillées avec un son qui emprunterait à KMFDM, au Nine Inch Nails des débuts autant qu'à l'electropop d'aujourd'hui, pressée d'aligner des bombes sur les dancefloors. Grâce à des titres accrocheurs, un chant clair et une rythmique tour à tour dévastatrice et drum'n'bass, Deathboy réalise ce qui ressemble à un renouvellement du genre pour un album très réussi.

Bertrand Hamonou



Leæther Strip
Fætish
[Alfa Matrix]

Revenu fièrement sur le devant de la scène en 2005, au terme de plus de cinq années de silence, Claus Larsen -alias Leaether Strip- a visiblement retrouvé sa créativité et sa hargne d'antan. Après un copieux double album de haute volée ("After the Devastation"), l'un des pionniers de l'électro-indus délivre ici un "mini-album" de dix titres et soixante-cinq minutes. Constitué d'une étonnante reprise du Tears Runs Rings de Marc Almond, de deux remixes (dont un du classique Adrenaline Rush), le reste du CD se compose d'inédits où l'on retrouve le parrain de l'électro-dark en grande forme. Voix agressive, rythmes musclés, samples malsains, textes décapants, sons acides, refrains fédérateurs, passages martiaux et envolées mélodiques... Tous les éléments qui font la particularité de Leaether Strip sont fidèles au poste. Et même si la surprise n'est pas toujours au rendez-vous, l'ennui ne s'installe jamais grâce à une bonne diversité des compositions. On avait affirmé durant quelques années que l'élève :Wumpscut: avait dépassé son maître, aujourd'hui, au vu des dernières productions de Rudy Ratzinger et de celles de Claus Larsen, on peut certifier que le maître a clairement repris le dessus.

Christophe Lorentz



Lounge
Elegance
[Lounge]

Avec Lounge, son projet commencé en 2004 avec ses amis Niels Hesse (designer) et Marco Drewes (producteur et remixeur), Darrin Huss, chanteur de Psyche de son état, prend un peu de bon temps hors du groupe qui l'accapare depuis plus de 20 ans. Élégants, voire princiers, les trois protagonistes mettent leur second album, "Elegance", à la disposition de tous, en intégralité et en streaming ici.
Le nom du groupe n'est pas choisi au hasard, puisqu'il s'agit bien de musique dite "lounge", cette musique de salon qui relaxe et détend. Dans le cas de Lounge (le groupe), le concept se retrouve perverti par un Darrin Huss, au background imposant et lourd de références. Sa voix, tout d'abord, évite à l'auditeur de se noyer dans ce déluge de nappes électroniques épaisses et ouatées. Son chant, ensuite, plus doux qu'à l'accoutumée, évite à chacun de ces titres de se transformer en un simple gimmick électronique sur lequel on aurait collé un sample de chant de deux secondes. Sa culture et sa soif de nouveautés, pour finir, permettent au LP de proposer de la drum'n'bass (Leaving) et des ambiances jazzy discrètes. "Elegance" est très probablement un disque sans véritable prétention, mais qui vaudra tous les stocks de relaxants chimiques que certains sont prêts à avaler le soir en rentrant chez eux. Et rien que pour cela, le projet doit être encouragé et soutenu.

Bertrand Hamonou



Technoir
Deliberately Fragile
[Alfa Matrix]

Chapeau bas ! Ce second album du duo allemand de Technoir est une tuerie. Il faut dire qu'il a fallu attendre quatre ans pour voir le groupe accoucher enfin de cette vraie merveille. Produit par le reconnu Olaf Wollschläger (producteur d'In Strict Confidence, Melotron, etc.), "Deliberately Fragile" excelle dans le registre de l'electropop féminine. À la fois énergiques et personnels, les onze titres de cet album s'enchaînent à grande vitesse et l'on applaudit des mélodies en apparence évidentes, mais pourtant toujours efficaces. La voix de Julia Beyer trouve une harmonie parfaite avec les prouesses musicales de son coéquipier, Technoir formant ainsi comme une version moderne de la Belle et la Bête à la sauce electro : vocalises angéliques survolant de lourdes rythmiques et des nappes synthétiques plutôt sombres, à l'instar de l'excellent Liar. Grâce à un tel nouvel opus, Technoir pourrait bien faire parler de lui comme il le mérite, car "Deliberately Fragile" n'a rien à envier à quelques combos electro autrement plus connus. Rarement la féminisation de ce style musical a été aussi réussie.

Stéphane Colombet