VNV Nation
Of Faith, Power and Glory
[Anachron Sounds]
Deux ans après "Judgement", un album un peu déroutant pour les fans de futurepop, le duo anglais de VNV Nation nous livre un nouvel opus, le septième en une quinzaine d'années d'existence, qui synthétise toutes les directions empruntées jusqu'alors par le groupe. L'ambiance générale est toujours aussi grandiloquente, plus martiale que jamais, le duo, désormais exilé à Berlin, ne cachant pas que ses principales sources d'inspiration tiennent dans le courage, l'héroïsme et la ténacité face à toutes les horreurs auxquelles la vie peut nous confronter. Ainsi, l'album s'ouvre sur une plage instrumentale, néo-classique comme à l'accoutumée, qui rappelle rapidement à qui en douterait que cette musique est "sérieuse". Ensuite, VNV renoue avec la recette (magique ?) de ses principaux succès d'antan : Sentinel et son refrain méchamment accrocheur n'est pas sans rappeler les meilleurs moments de "Praise the Fallen" ou encore "Empires". Et le titre Tomorrow Never Comes, plus technoïde, enivre jusqu'à la transe, grâce notamment à de jolies sonorités de piano oniriques, inédites chez VNV et pour le moins pertinentes en l'espèce. Puis le groupe retourne à ses expériences plus proches de "Judgement", avec un son délibérément plus rock (The Great Divide, Verum Aeternus notamment). Ça et là, les synthés se laissent doubler par des samples de guitare qui, même utilisés comme des nappes sonores très mécaniques, humanisent l'ensemble et donnent aux compositions un côté beaucoup plus pop encore, ce qui élargit d'ailleurs considérablement ses potentialités (Where There is Light et, par dessus tout, Defiant et son refrain taillé pour les stades). Sans oublier le morceau sans doute le plus impressionnant de cette nouvelle cuvée : Ghost, plus encore que le tendre From my Hands, est une sorte de fabuleux slow intergalactique à la fois glaçant et poignant. Seule la présence sur ce disque de Art of Conflict, instrumental techno aussi bourrin que guerrier, aurait pu être évité... Au final, on retiendra que derrière le titre pompeux (et pompier) d'"Of Faith, Power and Glory" se trouve un album qui s'impose sans nul doute comme le plus mûr et le plus abouti d'une formation majeure dans le petit monde de l'électro-industriel. Il est clair que si VNV est systématiquement en tête des charts indépendants, ce n'est plus du tout un hasard.
Stéphane Colombet


Angele Phase
Magnetophonband
[Le Son du Maquis]
Originaire de Colombie, ce qui n'est déjà pas commun, Angele Phase, duo mixte, pratique une musique, elle aussi, peu conventionnelle, à la croisée des genres. Garage, post-punk, psyché, tout s'entremêle et de cette association résulte un groove surprenant. À la fois organique et synthétique, électro et rock dans l'esprit, l'univers du duo abrité par l'excellent label Le Son du Maquis (sur lequel on trouve également Trisomie 21, c'est dire si les groupes qu'il promeut sont de qualité !) envoûte et impose une trame singulière et prenante. Aussi spatial (Comet Day) que génialement rétro (le poppy Kiss Me), Angele Phase brasse les styles avec maestria et use d'une dualité vocale enjôleuse avec une certaine justesse. Ailleurs, la new-wave réactualisée de Peter et Monica téléscope des sonorités cold, et l'on pense à CSS, formation avec laquelle les deux comparses ont à de nombreuses reprises partagé la scène bien que le duo possède son identité, nette et affirmée, et aucun titre ne souffre la moindre critique, à l'image entre autres de ce Be my Guard alerte et probant. En outre, le lien entre passé et présent, on pourrait même dire futur, est parfaitement assuré par ces compositions dont aucune ne se détache réellement tant chacune convainc et rallie à la cause du groupe un auditeur ébahi par ce savoir-faire digne des meilleurs. On obtient donc, à l'arrivée, un album consistant, sans failles, qui pourrait bien, ce ne serait en aucun cas une surprise, s'imposer comme l'une des révélations de l'année en cours.
William Dumont


Flatline Skyline
All Sound No Vision
[Mechanoise Labs]
"Horizon Grid", le premier album de Flatline Skyline paru en 2005 nous avait émerveillé par sa noirceur et sa sincérité, son calme et sa sérénité. Quatre années et tout autant de side-projects plus tard, leur second essai est un pas en avant, une volonté d'accélérer le mouvement au cœur même des compositions. C'est aussi une rencontre bruitiste (mais mesurée) complètement assumée entre des climats industriels (No Dial Tone) et expérimentaux (Other Dreams). Machines bricolées, sons ardus et hautes fréquences habillent des compositions complexes et courageuses, un peu comme si les électrons eux-mêmes s'étaient libérés de leurs câbles. "All Sound No Vision" est destiné à tout ceux qui n'ont pas froid aux oreilles, et qui sont à la recherche d'ambiances non aseptisées. Mais quel trésor à découvrir lorsqu'ils oseront sauter le pas : entre les saturations métalliques d'un Fox Fight qui rappelle la fougue et l'urgence des premiers enregistrements de Psyche, la douce folie animale de Fearful Symmetry, et la poésie clinquante de ...And the Moon Swam Back, l'équilibre est parfaitement dosé, calculé au décibel près. Car il fallait oser appliquer ces traitements sans concessions aux chansons de ce disque, qui de par ses expérimentations, sa technique et son lyrisme se révèle au final étonnamment savant.
Bertrand Hamonou


In Broken English
In Broken English
[www.inbrokenenglish.com]
On aimerait parler d'In Broken English sans passer par la case Bowie, mais la voix de Greg Anthe, comme toujours étonnante, est ici encore et plus que jamais, hantée, imprégnée de toute la classe et le sublime de celles de David Bowie, David Sylvian ou encore Peter Murphy. Ce grain, ce timbre, ce lyrisme, autant de caractéristiques qui le hissent dans la cour des grands. Et lorsque celle de Callie Ulen fait irruption pour s'associer à celle de Greg dès la fin du premier titre aux guitares dissonantes, In Your Sound, on ne peut s'empêcher de penser à It's No Game de Bowie. Aujourd'hui, quatre ans après avoir enterré Morthem Vlade Art, Greg Anthe, épaulé par sa nouvelle formation, fait un retour en force mais semble avec ce premier album s'être pris les pieds dans une faille temporelle. Là où le groupe qu'il menait avec Emmanuell D. avait su évoluer d'une façon spectaculaire, de ses premières amours death goth à ses ultimes albums qui berçaient dans une curieuse combinaison de pop et d'electronica totalement novatrice, In Broken English propose une pop bien trop classique, il est vrai extrêmement soignée, mais totalement hors du temps. Une absence de repères (ou trop de repères ?), qui procure un sentiment souvent déroutant, mais qui n'empêche pas de savourer quelques vrais moments de plaisir avec les magnifiques Criminals, Siren's Call ou Nothing For Love. Mais le bilan global est forcément mitigé, car vraiment déséquilibré. On ne va pas faire l'affront au groupe de lui réclamer dès maintenant d'enchaîner avec un second album, mais, à défaut de demander à Greg de changer de voix, il est nécessaire que le groupe trouve la sienne. Comme Morthem Vlade Art était parvenu à le faire.
Christophe Labussière


Les Modules Étranges
Dawn
[LME]
De ces Modules Étranges, duo nantais devenu trio, s'échappe de doux effluves cold-wave, des volutes batcave et des vapeurs post-punk enchanteresses du plus bel effet. Un parfum noir et enivrant habille en effetce "Dawn", véritable ode aux sons froids et désenchantés du début des années 80. Le chant d'Azia aux arômes glacés, fantomatiques et sensuels apporte aux compositions des senteurs riches et variées. L'exhalaison cold n'est pas en reste avec la basse ronronnante, presque rampante, d'Evran, et les guitares stridentes et lancinantes de Jenn. Ce premier opus d'une maturité étonnante distille donc son lot de hits avec le blafard et tenace Cindy (I Won't Wait Any Longer) , le mélancolique et entêtant Sad Partying People aux textures synthétiques sépulcrales ou bien encore Momentary Bliss à la tragique beauté. Les fans de groupes tels que Siouxsie, Skeletal Family, Cranes ou Cocteau Twins se damneront sans concession à l'écoute de ce "Dawn". Alors éveillez vos sens et laissez-vous séduire par les méandres crépusculaires aux atmosphères gothiques troubles et fascinantes de ces étranges modules...
Jean-Marc Chabrerie


New Model Army
Today Is a Good Day
[Attack Attack/Bad Reputation]
New Model Army avait retrouvé avec le très bon "High" (2007) une urgence et une inspiration qui faisaient un peu défaut à "Carnival" (2005) et "Eight" (2000) -en dépit des qualités propres à chacun de ces deux albums. Bienheureusement, "Today is a Good Day" se situe dans la droite lignée de son prédécesseur. Démarrant comme il se doit, par un morceau intense en forme de manifeste (Today is a Good Day, qui supplante largement Flying Through the Smoke et Water dans la catégorie "chanson d'ouverture qui percute"), ce onzième opus de la tribu de Bradford alterne ensuite les traditionnelles ballades épiques avec les non moins traditionnelles cavalcades rock aux refrains fédérateurs, et les titres plus convulsifs basés sur des montées en puissance et des rythmes martiaux. On y trouve aussi (comme d'habitude !) quelques menues surprises, comme les chœurs sur Autumn ou la reprise à l'identique du Ocean Rising, issu de l'album solo de Justin Sullivan... Donc rien de fondamentalement nouveau sous le soleil, mais le changement radical n'est certainement pas ce que l'on espère d'un nouvel album de New Model Army, au contraire ! Ce que l'on attend, c'est tout simplement de retrouver la voix éraillée et fervente de Sullivan, une énergie électrisante héritée du post-punk, un soupçon de folk engagée et quelques hymnes potentiels à reprendre en chœur lors des prochains concerts. À tous ces niveaux, "Today is a Good Day" nous donne exactement ce que l'on recherche, et s'avère donc être un très bon cru, bien équilibré, bien produit, dynamique et généreux. On n’en demande pas moins, même si on espérait quand même secrètement en avoir un peu plus...
Christophe Lorentz
Express
On se doutait qu'il allait être difficile pour les Américains de Black Heart Procession de donner une suite au splendide The Spell paru en 2005. Et, comme redouté, et aussi bon soit ce second album baptisé Six [Temporary Residence Limited], celui-ci n'atteint pas l'état de grâce de son prédécesseur. Et même si leur folk noire, sombre, et mystique est toujours aussi réjouissante à écouter, on ne retrouve pas le souffle magique qui habitait leur précédent disque.
De son côté, Bradford Cox, le cerveau génial de Deerhunter, poursuit l'aventure solo Atlas Sound, et nous livre Logos [4AD], un second album réellement passionnant. Avec pour guests les chanteuses Laetitia Sadier (de Stereolab) et (surtout) Noah Lennox (Panda Bear) sur le joyau pop Walkabout, ce disque est une sorte de rencontre entre l'univers rock expé de Deerhunter, la mélancolie laptop du premier Atlas Sound et les mélodies virtuoses d’Animal Collective et Panda Bear.
Enfin, dans la multitude de sorties réjouissantes qui se succèdent en cette rentrée, on ne peut pas ne pas s'intéresser au buzz qu'il y autour de XX [Young Turks], le premier album de The XX. Ce disque a toutes les chances de terminer dans plusieurs des traditionnels top 10 de fin d'année. Il faut dire que leur son post-punk lancinant, cold et minimal fait mouche et séduit instantanément, bien au-delà de la hype qu'il y a autour d'eux. Il est donc vivement recommandé de s'y plonger.
Renaud Martin
Express
Epiphora [Tympanik Audio], le premier album de l'Allemand SE (Sebastian Ehmke) est d'une douceur minimaliste électronique qui jure avec les autres productions du label américain. Prenez les lourds rythmes EBM de Totakeke, la noirceur épaisse et moite d'Ad•ver•sary, et partez dans une direction diamétralement opposée. Vous conviendrez que ces comptines IDM ont de quoi étonner, elles trouvent une place de choix dans un genre qui n'a de cesse de s'alourdir et qui se complexifie disque après disque. Propice à la réflexion, véritable disque introspectif, "Epiphora" est le partenaire idéal choisi par le label pour accompagner la sortie de Fallen Clouds [Tympanik Audio], le second album de Tapage. Ce Hollandais venu à l'IDM après un passage dans un groupe de hip-hop/métal nous livre ici un second album de rythmiques complexes et chirurgicales. Mais pas seulement... et c'est là tout l'intérêt de ce disque qui propose une musique tout autant cinématographique qu'axée sur des rythmes saccadés !
On se sait que très peu de choses à propos de Fix8:Sed8, mais après tout, c'est la musique qui compte. Et Dormicum [Autoproduction], le second album du projet de Martin Sane est d'une qualité époustouflante, qui n'a rien à envier aux productions de Velvet Acid Christ ni à celles de Skinny Puppy. L'Allemand s'offre ainsi une entrée en fanfare dans la cour des grands avec cet opus d'électro dark autoproduit, dont vous pouvez avoir un aperçu sur sa page MySpace.
Il y a quelques semaines, Ian Brown, l'ex-chanteur des Sone Roses, annonçait sur son site internet qu'il était tout simplement sur le point de sortir son meilleur disque. Esbroufe ? Égo surdimensionné ? Euphorie passagère ? Pas si sûr, car après une première écoute des quatre titres rassemblés sur le fameux single Stellify [Polydor], une conclusion s'impose : l'Anglais a retrouvé la recette des mélodies évidentes et simplement brillantes qui faisaient un peu défaut à son précédent album, le trop compliqué "The World is Yours".
Pellicules [Ant-Zen], le premier disque de Mika Goedrijk sous son propre nom est une demi-surprise : suffisamment éloigné de l'électro tribale de son projet principal This Morn'Omina pour être considéré comme une œuvre à part dans sa discographie, mais toujours assez proche d'une électro instrumentale –certes moins musclée- façonnée à l'aide d'outils qu'il connaît bien. L'ambiance générale est calme, apaisante, et contrebalance admirablement bien Momentum Of Singular Clarity [Ant-Zen], le nouvel EP de This Morn'Omina sorti simultanément, et qui pousse encore un peu plus loin les limites d'un genre qu'il a plus que largement contribué à élargir. Cette fois, un chant martial, voire carrément guerrier, est au premier plan de ce cinq titres dont vous ne sortirez pas indemne.
Bertrand Hamonou