Massive Attack
Heligoland
[Virgin]
Existe-t-il un album plus anticipé et plus attendu que le nouveau Massive Attack en ce début 2010 ? Admirez les moyens déployés tout au long de la campagne publicitaire au budget probablement indécent, et destinés à promouvoir "Heligoland", des mois avant sa sortie officielle : site internet décliné dans plusieurs pays dont le nôtre, affichage immanquable, cartes de visite promotionnelles distribuées à la sortie de concerts planifiés des mois (trop ?) en avance, tout y passe. Jusqu'à la liste des invités sur un album qui, avant sa sortie, fait déjà figure de monstre, grâce aux participations de Martina Topley-Bird, Hope Sandoval, Damon Albarn et du fidèle Horace Andy. Mais quelle est la place laissée à la partie artistique dans tout ça ? Le trio originaire de Bristol s'est transformé en redoutable machine de guerre en live avec pas moins de sept musiciens pour défendre ce qui sonne comme le premier album rock de leur histoire. Et dès la première écoute, on est surpris par ce son live, ces vraies batteries et cordes de basses plutôt inhabituelles (Babel, Girl I Love You) chez un groupe qui a toujours garanti des effets électroniques de premier choix. "Heligoland" devient alors instantanément un album bien plus chaud que ses prédécesseurs, de par le choix des sonorités utilisées : un sample de guitare espagnole sur Psyche, une profusion de cors sur Flat of the Blade, une guitare acoustique sur Saturday Come Slow. Massive Attack récupèrera certainement avec cet album ceux qui n'avaient toujours pas été convaincus, et publient le disque que les autres attendaient. Cette fois encore, succès commercial et d'estime seront forcément au rendez-vous, ce qui ne déplaira certainement pas à la maison de disques qui a poussé le vice jusqu'à le publier sous quatre pochettes de couleurs différentes, et espère ainsi en vendre des wagons entiers.
Bertrand Hamonou


49 Swimming Pools
Triumphs and Disasters, Rewards and Fairytales
[Differ-Ant/ELAP]
Cela fait maintenant plus de 20 ans qu'Emmanuel Tellier a décidé de redessiner à sa façon la pop française, combinant savamment ses influences (Smiths, Go Betweens, Chameleons ou encore New Order), et cette forte personnalité, que l'on a toujours retrouvées en filigrane de chacun de ses albums (5 en tout) et de ses multiples projets, Chelsea, Melville, La Guardia et tout récemment 49 Swimming Pools. Si un temps, le "fameux" journaliste des Inrockuptibles a dû, son tour venant, affronter les critiques plus souvent revanchardes que sincères, la multiplicité de ses projets et leur véritable qualité lui auront permis d'affirmer, outre sa ténacité, son statut de faiseur de pop songs (L'Ange que j'étais, Sur les traces de Pat Hobby, Qu'importe ce qu'on dit, Je suis un arbre). Quatre ans après l'ultra efficace "Quinacridone Rose" de La Guardia, ce tout nouvel album, "Triumphs and Disasters, Rewards and Fairytales", s'avère bien plus calme et plus doux que ce à quoi nous étions habitués jusqu'à présent. Le tempo est ralenti, les compositions, peut-être moins "évidentes" que jamais, gagnent en douceur et savent se révéler un peu plus à chaque nouvelle écoute. Un disque particulièrement soigné qui permet à ce compositeur/chanteur/guitariste de talent de poursuivre sa route, semée d'embûches, mais au final particulièrement cohérente, à l'instar de son parcours professionnel, l'ex-pilier des Inrockuptibles ayant depuis officié en tant que rédacteur en chef de Nova, puis aujourd'hui comme chef du service culture de Télérama. Des choix qui, comme ceux qui l'ont amené à cet album, paraissent comme une évidence qui impose le respect.
Christophe Labussière


De/Vision
Popgefahr
[PopGefahr Records]
Près de trois ans après "Noob", leur déjà très abouti dernier opus en date, les maîtres Allemands de la technopop nous offrent aujourd'hui un nouvel album d'une qualité encore supérieure au précédent, pour fêter la création de leur propre label éponyme. "PopGefahr" est le disque de pop électronique parfait, sans doute le meilleur du groupe depuis plus de dix ans, depuis "Monosex". Dix morceaux, dix ambiances, dix refrains inoubliables, dix petites perles Depeche Modiennes comme on les adore avec cette voix reconnaissable entre toutes. Une quantité impressionnante de tubes, dont l'hallucinant Rage, avec cette alternance à laquelle on est maintenant coutumier de chants doux et hargneux. Finies les expérimentations crossover ou même les expériences acoustiques du milieu des années 2000, "Popgefahr" est de nouveau un album 100% électronique, aux rythmiques variées et aux ambiances souvent aériennes. De/Vision impose le respect : depuis près de vingt ans, ces Allemands composent des titres de pop électronique tous plus accrocheurs les uns que les autres. Avec des paroles compréhensibles et généralement émouvantes et, par-dessus tout, un sens unique des mélodies pop et mélancoliques, le groupe remet les pendules à l'heure. Avec "PopGefahr", De/Vision rappelle que, sur cette scène, il n'y a pas que Depeche Mode et qu'en Allemagne -comme en Angleterre avec Mesh- il existe des groupes majeurs qui se donnent les moyens de renouveler le style des kids de Basildon en lui insufflant ce sang neuf qui fait du bien à nos oreilles.
Stéphane Colombet


Elastik
Metalik
[Sounds Around Records]
Ce tout nouveau projet, piloté musicalement en solo par le parisien Thomas Prigent, atteint des hauteurs vertigineuses, presque extatiques, dès son premier essai. Les couleurs du paysage sonore de ces compositions baignent dans des rythmes down-tempo, tirant vers le trip-hop et un dub rampant très efficace. De subtiles et délicates triturations électroniques, clicks et bips en tout genre, apportent au projet une originalité certaine, drapé d'un apparat industriel de haut vol. Chaque titre, grâce aussi à la collaboration de divers artistes invités au chant, repose sur de superbes textes empreints d'une poésie froide, lumineusement sombre, essentielle. Magnetik ouvre le bal sur fond de sirène hurlante, accompagné du chant grave et inquiétant de Black Sifichi qui hypnotise l'attention, mélopées de piano "magique" en filigrane, beats lourds et syncopés achèvent de nous convaincre : on a bien là entre les mains une perle rare. On continue ce délicieux voyage avec Amnesik, Kronik et Trafik, accompagnés du divin timbre de voix de Malika, ces morceaux apportent un côté un peu plus aérien et accessible à l'ensemble, un véritable bol d'air frais avant de retomber en apnée dans un décorum sonore abyssal. Le point d'orgue est atteint avec la participation d'Horror 4o4 sur Clinik, Cyclic et le somptueux Panik sur lequel cohabitent des textures électroniques râpeuses, des mélodies glacées, saupoudrées par des textes poétiques et profonds. Ouvrez vos ailes et envolez-vous vers des sphères nébuleuses, magnétiquement magnifiques, vous en reviendrez le carnet de bord empli de mélodies indélébiles, vos sens hypnotisés, l'âme apaisée...
Jean-Marc Chabrerie


Killer Ethyl
Worst Of (Volume 1)
[Brouillard Définitif]
Killer Ethyl, madame Persil ? L'heure de rééditer toutes leurs productions, monsieur Camion. Remercions d'abord Emmanuel "Nordwaves" Delmarre pour sa ténacité, car c'est bien grâce à lui, d'abord créateur du site web éponyme puis partie prenante du label Brouillard Définitif, que Killer Ethyl, mythique groupe post-punk à tendance Kiri-le-Clown, retrouve ici une seconde jeunesse. Et si vous ne connaissiez pas Killer Ethyl, sachez, amis lecteurs, qu'il s'agit véritablement d'un groupe incontournable dans le paysage musical punkoïdo-new-wave des années 80, au même titre que les Bérus, par exemple. Bien entendu, eux n'ont, à l'époque, sorti que des singles ou des cassettes plus ou moins autoproduites, mais on les connaissait partout, ne serait-ce que pour quelques morceaux comme Marcel et Joël et sa ritournelle hilarante (tous les punks de 40 ans peuvent chanter ça avec leurs enfants, ces derniers adorent) ou J'artourne à l'fabrique, le seul morceau de tout le PAF français à être chanté en ch'ti, pogo garanti à tous les âges. Sans oublier Jésus revient, Les P'tits vieux, Henri a le Sida ou encore Lucien-Georges. Autodérision à tous les étages, humour féroce et bonne humeur, mais pas que, parce qu'à l'écoute de cet excellent "Worst Of", on découvre aussi des titres beaucoup plus froids, voire pas drôles du tout, comme Suicide sophistiqué ou Docteurs. Un groupe unique et essentiel, dont la discrétion (pour rester poli et ne pas parler de j'm'en-foutisme ou de cynisme rigolard) n'aura heureusement pas empêché que justice leur soit rendue avec ce disque, même 25 ans plus tard.
Frédéric Thébault


Pulcher Femina
Darkness Prevails
[Decadance]
Il aura fallu attendre huit ans pour entendre à nouveau parler de Pulcher Femina, fleuron de l'electro-indus italienne, qui nous avait impressionnés avec son deuxième album "Shadows of the Flowers" paru en 2002 et produit par l'allemand Volker Lutz d'Evils Toy. Malgré les années, "Darkness Prevails" reprend là où "Shadows of the lovers" s'était arrêté. Et l'electro-indus de Roberto Conforti sonne de plus en plus electro-pop, les mélodies cherchant délibérément à accrocher la mémoire auditive. Cette fois produit par Tim Schuldt, un autre allemand, le nouvel album du Romain Conforti ne révolutionne donc en rien le petit monde de la scène electro mais l'ensemble que composent ces treize nouveaux morceaux est pour le moins plaisant, à l'instar du titre Last Time où se répliquent avec beaucoup de justesse chant très humain et voix robotique sur un down tempo envoûtant. Pulcher Femina veut faire danser dans les clubs gothiques, c'est une certitude... avec, évidemment, cette petite dose de romantisme à l'italienne en plus. Et même si la voix de Roberto fait un peu "poseur" à l'heure où la new wave a quand même pris un vrai coup de vieux, on ne peut s'empêcher de pousser parfois avec lui la chansonnette tant plusieurs des titres de "Darkness Prevails" sont entraînants. Pas vraiment fait pour faire peur, mais plutôt pour draguer les jolies goths : décidément très forts, ces Italiens.
Stéphane Colombet
Express
Jamie Blacker le dit lui-même dans les remerciements de ce somptueux digipack, The Immaculate Manipulation [Tympanik Audio] n'est pas un album d'ESA, mais celui des remixeurs (Stendeck, Lucidstatic, Marching Dynamics, Access To Arasaka, Keef Baker, etc.) qui ont accepté de remodeler les titres de "The Sea & the Silence", son précédent disque sorti en 2008. Hybride d'un genre nouveau, la collection 100% industrial noise en impose avec ses treize versions rassemblées sur un seul CD, augmentées de neuf remixes intitulés "Bonus Abuse", à télécharger sur le site du label Tympanik Audio. C'est lourd, c'est compact et c'est magnifique. À condition de porter un bon casque.

Tarot Sport [ATP Recordings] est le second album de Fuck Buttons, et les cartes sont cette fois-ci mélangées et distribuées... "au petit bonheur", avec toute la fougue de la jeunesse. Un nom un rien provoc', un OVNI expérimental en guise de carte de visite, et le duo anglais accouche d'un second disque de post-rock électronique et expérimental. Les structures de ces longs titres un brin psychédéliques ne correspondent à aucun schéma connu, ne répondent à aucune loi de la musique électronique moderne, mais offrent pourtant une clarté et une puissance qui faisaient défaut à "Street Horrrsing" ! De ces sept titres, on retiendra Surf Solar, The Lisbon Maru ou Olympians pour leur emphase electro-dance-expérimentale rarement rencontrée.

Venu de Russie, I/Dex propose avec Layers [Lagunamuch Community] une musique électronique douce et planante, faite de cliquetis et de sons lumineux, comme passés à travers des prismes de verre. Un album calme et répétitif, chaud et doux comme une matinée passée à contempler un paysage idyllique, comme si I/Dex venait d'inventer le premier mobile musical électronique pour chambre de grand enfant en manque de rêves colorés.

Il ne fait aucun doute quant à la perfection pop du "Yes" des Pet Shop Boys sorti l'an dernier, une perfection qui le place sans l'ombre d'un doute comme leur meilleur album depuis très longtemps. Le "Pandemonium Tour" qui s'en est suivi et qui leur aura permis de promouvoir ce nouveau classique en traversant le monde entier est LA tournée que le duo attendait pour les remettre au premier plan. C'est ainsi à coups de medleys de leurs plus grands hits que Neil Tennant et Chris Lowe ont fait danser les foules de tous les continents. Ce Pandemonium [EMI], qui a capté le concert que le groupe a donné à Londres le 21 décembre dernier ressemble au final à s'y méprendre à un excellent "Best Of" live où s'enchaînent les singles et les hits avec une facilité presque obscène.
Bertrand Hamonou