Coraline
Neil Gaiman
[Albin Michel]
Le prolifique Neil Gaiman a décidément plus d’une corde à son arc. Après avoir enfin reçu ses galons de romancier en se voyant décerner le Hugo Award 2002 (un prestigieux prix de littérature SF comptant parmi ses lauréats Dan Simmons, William Gibson ou Philip K.Dick) pour “American Gods”, le cultissime scénariste de “Sandman” se plonge aujourd’hui dans l’univers de la littérature enfantine. “Coraline” est une sorte de conte cruel mi-fantastique, mi-horrifique, écrit pour les enfants mais capable de toucher, voire de profondément perturber, le lecteur adulte. D’ailleurs, outre-Manche, l’éditeur de Gaiman a eu la riche idée de publier une version pour adultes avec une couverture différente. L’histoire ? Délaissée par des parents peu attentifs, Coraline est une petite fille (trop) intelligente qui s’ennuie beaucoup. En ouvrant un jour une porte condamnée, elle pénètre littéralement de l’autre côté du miroir et découvre un appartement parallèle, en tous points identique au sien. Même couloir. Même papier peint. Mêmes parents… enfin presque. Un peu trop accueillants pour être honnêtes, ces sinistres “Autres Parents” ont d’énormes boutons en plastique cousus à la place des yeux et aimeraient persuader Coraline de rester avec eux pour toujours.
On pense tout de suite à un “Alice au Pays des Merveilles” transposé dans un univers beaucoup plus sombre, où l’absurde serait remplacé par l’angoisse. Dérangeante et fascinante, l’histoire de Coraline renvoie dans ses méandres les plus souterrains (comme tout bon conte de fées qui se respecte) à de troublantes notions aux échos psychanalytiques, comme le cannibalisme parental - au propre et au figuré -, l’obsession viscérale de posséder ses propres enfants ou encore le fantasme d’appartenir à une autre famille. Bref, un plongeon dans des peurs enfantines présentes en chacun de nous et pas si enfouies que ça. En tous cas, Neil Gaiman semble se plaire dans l’univers de l’enfance puisqu’il récidive cet été avec “The Wolves in the Wall”, un album pour enfants illustré par son vieux complice Dave McKean (dont les sublimes illustrations pour “Coraline” ont, hélas, été occultées dans l’édition française). Enfin, comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, Henry Selick (réalisateur de “Nightmare before Christmas” et de “James and the Giant Peach”) planche actuellement sur l’adaptation de “Coraline” au cinéma.
Nathalie Peronny